Culture Munich (Muenchen). Théâtre, représentations et impressions de Luc Lebelge, passionné des arts de scène.
L’Illusion conjugale, une pièce en français à la Tankstelle de Munich
Un public de francophones ravi et complice a pu assister hier soir à la première de l’Illusion conjugale que représente la Compagnie Antéros à la TANKSTELLE.
Le texte d’Eric Assous est réglé comme du papier à musique. Intelligent, rapide, acerbe, redoutable et éminemment drôle, il nous donne à voir une nouvelle version d’une situation classique du théâtre français, celle qui met en présence le trio habituel du mari, de la femme et de l’amant supposé.

Jeanne et Maxime pourraient avoir été élevés par George et Martha, les protagonistes de Qui a peur de Virginia Woolf?, mais Eric Assous traite le jeu de la vérité avec beaucoup moins de cynisme destructeur et davantage d’humour et de tendresse que dans la pièce d’Edward Albee. Comme chez Albee, il leur faut un témoin sans lequel le jeu ne serait pas complet, et comme Maxime soupçonne son meilleur ami, un dénommé Claude, d’être l’amant de sa femme, et que justement le meilleur ami téléphone pour proposer une partie de tennis à Jeanne, il l’invite à déjeuner. Le trio est réuni, et enfermé, avec une situation à la Huis clos, mais sans que le jeu des quatre vérités devienne jamais vraiment tragique. On ne saura jamais si Claude et Jeanne sont amants, c’est Maxime, plus balourd, qui se fera piéger, et qui avouera avoir couché, entre autres, avec l’ex femme de Claude, qui l’a récemment quitté. A la réussite matamoresque et goujate de Maxime, qui étale succès professionnels, voitures de luxe et de nombreuses maîtresses, Assous oppose le personnage de Claude, un loser doux et tendre, plus réservé. A la fin de la pièce, on n’est pas plus avancé qu’au début, l’amour, les amours et l’amitié semblent cependant l’emporter. La vie va continuer, avec sa complexité, ses petits arrangements et ses petites menteries. Les amis resteront amis, le couple continuera à fonctionner, et peut-être Claude et Jeanne resteront-ils amants, ou le deviendront-ils, alors que Maxime continuera à jouer les coucous. Eric Assous a ciselé sa pièce avec toute l’efficacité de l’esprit français qui fuse à toutes les répliques. C’est notre monde qui est représenté là, il nous en présente le miroir avec suffisamment de tendresse pour que nous sortions amusés et ravis du spectacle.Les décors ne jouent pas un grand rôle dans cette pièce. Les trois comédiens portent le poids de la pièce et de sa réussite. C’est l’exploit que réalisent Marcus Morlinghaus (Maxime), Marie Nebel (Jeanne) et Thierry Seroz (Claude) qui ont su rapidement abolir la distance théâtrale et nous faire participer au jeu de l’amour, des amours, de la tragédie, de la tendresse et de l’humour. De superbes comédiens, avec une forte présence en scène, beaucoup de naturel et de vivacité, une excellente diction, l’enthousiasme et l’art du métier.
Un bon moment francophone à Munich, une pièce à ne pas manquer.
Une coproduction de la Cie ANTÉROS* et du TEAMTHEATER TANKSTELLE.