Culture Munich (Muenchen). Théâtre, représentations et impressions de Luc Lebelge, passionné des arts de scène.
L’Illusion conjugale, une pièce en français à la Tankstelle de Munich
Un public de francophones ravi et complice a pu assister hier soir à la première de l’Illusion conjugale que représente la Compagnie Antéros à la TANKSTELLE.
Le texte d’Eric Assous est réglé comme du papier à musique. Intelligent, rapide, acerbe, redoutable et éminemment drôle, il nous donne à voir une nouvelle version d’une situation classique du théâtre français, celle qui met en présence le trio habituel du mari, de la femme et de l’amant supposé.
Un couple infidèle décide de régler ses comptes et de jouer au petit jeu dangereux de la vérité, mais les partenaires sont inégaux, au mari m-as-tu-vu qui affiche une réussite professionnelle cinglante avec un profil de gagnant grande gueule fait face une femme perspicace et incisive qui restera maîtresse du jeu. En fait le jeu se joue à douze contre un, le mari finit par avouer une douzaine de maîtresses éphémères, sur le mode vite fait bien fait, des maîtresses coincées entre deux réunions de ses voyages d’affaires, alors que la femme ne concède qu’un seul amant, une liaison de 9 mois, dont on ne sait si elle est terminée, avec un seul homme. D’un côté des passades, de l’autre ce qui a tout l’air d’une relation amoureuse. Les enjeux sont différents, et tous les stéréotypes habituels qui opposent psychologie féminine et masculine sont utilisés. On est au vingt-et-unième siècle, la pudeur et les sens du secret ne sont presque plus de mise, la psychologie relationnelle de bazar est passée par là, on est frottés au discours freudien et même lacanien, notre société compétitive est modulée par des techniques agressives de vente auxquelles on a tous été confrontés ou que nous utilisons nous-mêmes, on a fait des thérapies et si on n’est pas passé soi-même sur le divan, notre meilleur(e) ami(e) en fait une depuis trois ou quatre ans. De nouvelles modalités relationnelles en résultent nécessairement, et cette pièce en est l’expression.
Les décors ne jouent pas un grand rôle dans cette pièce. Les trois comédiens portent le poids de la pièce et de sa réussite. C’est l’exploit que réalisent Marcus Morlinghaus (Maxime), Marie Nebel (Jeanne) et Thierry Seroz (Claude) qui ont su rapidement abolir la distance théâtrale et nous faire participer au jeu de l’amour, des amours, de la tragédie, de la tendresse et de l’humour. De superbes comédiens, avec une forte présence en scène, beaucoup de naturel et de vivacité, une excellente diction, l’enthousiasme et l’art du métier.
Un bon moment francophone à Munich, une pièce à ne pas manquer.
Une coproduction de la Cie ANTÉROS* et du TEAMTHEATER TANKSTELLE.