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Cameroun : regard sur une jeunesse qui agonise…

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Une prestation présidentielle ennuyeuse à la hauteur de la déception des politiques engagées et de la pauvreté idéologique manifeste, affirmée au fil des décennies, ce depuis près d’une trentaine d’années.. Le président camerounais s’est adressé à la veille de la célébration nationale de la Jeunesse à la nation désabusée pour rappeler au bon souvenir de ces milliers de jeunes sans emplois, bardés de diplômes, peu ou mal formés, qu’il était incapable de comprendre les enjeux actuels mais également les aspirations fortes que l’on sent bien remuer dans l’obscurité des bidonvilles..

 

 

 

Et ce n’est pas ce bidule qu’est le Conseil National de la Jeunesse, organe consultatif mis récemment sur pied et dirigé par des jeunes dont la désignation mafieuse ôte toute légitimité, ne représentant au fond que l’intérêt de ces parrains tapis à peine dans l’ombre, qui pourra l’aider à mieux ouvrir les yeux et à mettre un terme à sa forte surdité.. Ces jeunes là, insensibles à l’indécence et feignant d’ignorer les attentes de leurs frères, incarnent la désespérance nauséabonde de la flagornerie de l’autorité présidentielle..

Cette fois-ci il n’a pas été question d’exiger des jeunes camerounais qu’ils se serrent la ceinture, il faut dire que déjà dans une forme squelettique le comble aurait été de demander à des mourants de s’affamer encore plus.. Quoique après tant d’années de non-sens et d’absurdités enfilées comme des perles, les jeunes  n’auraient pas été surpris que le président soit digne de sa réputation de « has been » parfait, déconnecté de la réalité et refugié dans son univers gracieux où viennent s’empiler et moisir les urgences socio-économiques.. Pour cette année, les vœux présidentiels à la jeunesse n’ont pas tourné en l’invective contre ces « apprenti-sorciers » qui telles des hordes barbares sanguinaires ambitionnent de prendre son « pouvoir » si exclusif et presque eternel.. C’est le candidat présidentiel qui s’est présenté dans un décor talentueusement choisi par des conseillers en panne d’inspiration pour offrir la pathétique mise-en-scène cyclique – malheureusement – d’un dirigeant nouvellement parachuté dans un pays inconnu..

Faisant preuve d’une pudeur étonnante, il a soigneusement évité de dresser la liste des pseudos progrès réalisés par ses nombreux gouvernements respectifs pour redonner plus justice sociale, un réel progrès en soi qui n’est que l’expression cruelle d’un vide abyssal d’actions concrètes pour permettre aux jeunes de se prendre en main.. Le président a parlé, comme à l’accoutumé beaucoup, comme toujours pour ne rien dire.. Il s’est époumoné dans un satisfecit général traditionnel avouant timidement que le taux de chômage chez les jeunes camerounais était passé de 13% il y a à peine un an à 40% aujourd’hui.. Un scoop pour ce vieux monarque désuet et dépassé par son temps mais une vérité qui saute aux yeux de tous ceux qui vivent au quotidien le manque criard de débouchés, d’emplois et d’accès à une existence digne.. Fort de cette révélation quasi divine, M. le Président a cru bon de se poser en sapeur-pompier de l’incendie sociale, le pyromane devenu le sauveur providentiel, avec l’annonce d’une batterie de mesures visant à mieux encadrer la formation professionnelle et à ouvrir les portes de l’administration publique à ces jeunes miséreux qui faute de véritables politiques de développement se retrouvent dans les égouts de la marginalisation.. Peut-être croit-il que tous les jeunes souhaitent finir en incompétents fonctionnaires, corrompus et corrupteurs, en bureaucrates fainéants mettant plus d’ardeur dans le détournement de la chose publique à des fins d’enrichissement matériel à outrance que dans la sauvegarde de l’intérêt général ? Ce dont ils ont besoin, c’est de pouvoir porter des initiatives entrepreneuriales, de ne pas se faire vampiriser par l’excès de taxation et de ne pas se voir engloutir par les sables mouvants des procédures administratives complexifiées et opaques.. Ils veulent devenir leur propre patron, ou tout au moins être libre se choisir un destin au lieu d’être comme aujourd’hui des esclaves de la fatalité..

Les jeunes camerounais attendent plus d’égalité et de justice sociale.. Ils voudraient aussi comme la progéniture présidentielle être formés dans les meilleures écoles, avoir la possibilité de réaliser le rêve camerounais sans être obligé d’adhérer à des cercles initiatiques obscurs, de devenir des griots du parti au pouvoir.. Le président camerounais rappelant le courage et l’héroïsme de ces jeunes camerounais qu’étaient les « maquisards » engagés dans la libération du pays pour une indépendance totale, a-t-il véritablement saisi la portée de son expression ? Les jeunes héros du Cameroun actuel sont tombés dans les rues des villes en ébullition lors des événements de février-mars 2008, d’autres ont vu leur sang se répandre sur les campus universitaires, certains portent dans des contrées éloignées la flamme patriotique à travers leur intelligence exceptionnelle et leur talent formidable.. La jeunesse camerounaise n’a pas attendu que l’on lui demande d’entrer dans l’histoire, elle y est déjà, trônant dans l’olympe des guerriers insoumis qui ont donné ce qu’ils avaient de plus cher, leur vie, pour que les générations à venir ne subissent pas leurs souffrances..

Le Cameroun est une république de vieux.. De vieillards accrochés à leur portion de pouvoir, s’obstinant à ne pas passer la main aux jeunes générations.. Encore combien de temps la jeunesse comprendra t-elle que ce qui ne se donne pas se prend, et tous les moyens sont légitimes pour parvenir à l’appropriation de ce qui leur revient de droit.. Puisqu’elle se dit « sacrifiée » qu’à telle donc à perdre ? Il n’y aura aucun progrès durable dans ce pays tant que l’on n’assistera pas à une purge en bonne et due forme de ce groupuscule de dinosaures qui règne sans partage sur un pays plein d’avenir..

Le président parle de former des ingénieurs agronomes pour dynamiser une agriculture encore de subsistance, archaïque.. Durant les décennies qu’il a passé à la tête du pays, c’est ce jour-ci qu’il comprend que les centaines d’administrateurs agronomes que ses politiques ont créé, des bureaucrates verts aussi voraces et incapables que le reste de l’énorme machinerie étatique, ne sont en fait qu’un échec retentissant à l’image de sa propre gouvernance chaotique.. Et ce n’est pas à la veille d’une élection présidentielle jouée à l’avance, au maintien d’un régime de la peur, qu’il pourra par du verbiage et la force prétendre à une quelconque légitimité.. Il faudrait aussi que la jeunesse à laquelle il s’est adressé dans un discours rempli d’illusions politiciennes et de mauvaise foi comprenne que, reprenant la juste expression de Henry David Thoreau dans « La Désobéissance Civile », « l’oppresseur ne se rend pas compte du mal qu’implique l’oppression tant que l’opprimé l’accepte », qu’il faudrait un jour ou l’autre qu’elle soit le moteur du changement dans ce pays où l’apocalyptique misère a pris ses quartiers.. Car elle ne saurait continuée à être éternellement une jeunesse à l’agonie..

 

 

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