La nouvelle production du Don Pasquale du Theater-am-Gärtnerplatz se joue à guichets fermés dans le somptueux cadre rococo du Théâtre Cuvilliés. Les huit angelots de stuc laiteux aux ailes dorées qui volettent dans les stucs et les ors du théâtre pour soutenir les couronnes princières électorales de Maximilien III Joseph de Bavière et entourer l’allégorie de sa renommée ont un nouveau petit compagnon de jeu. Du cintre de son décor bleu nuit percé d’un grand oculus, Brigitte Fassbaender fait descendre un angelot tout semblable à ses frères, dont on sait bien qu’il symbolise l’amour. Pendant que se joue l’ouverture, quelques patients à la tête entourée d’un ruban bleu qui soutient une mâchoire endolorie entrent dans le cabinet dentaire du Docteur Malatesta et sont plus ou moins touchés par la présence de l’angelot de l’amour. Si tous sont en principe conviés aux jeux de l’amour, chacun y répond à sa façon, de l’indifférence à la passion en passant par l’intérêt amusé. Don Pasquale en costume à carreaux vient consulter son ami Malatesta, et c’est dans le fauteuil du dentiste qu’il s’installera pour le premier duet. Pour la scène suivante, un caisson latéral s’avance, un lit escamotable s’abaisse dans lequel Norina, encore endormie, tient un petit amour dans ses bras. A son réveil, elle chante sa première aria en faisant en pyjama des exercices de gymnastique matinale teintés de yoga. De l’autre côté de la scène s’avancera un autre caisson avec une fenêtre décorée de langues de belle-mère. Au sommet du caisson se trouve le lit du pauvre Ernesto lui aussi en pyjama qui voit d’avancer sous ses fenêtres un cortège funèbre portant un énorme coeur rouge sur un catafalque. Tous sont constamment préoccupés par l’amour, y compris Malatesta qui vient annoncer à Norina le stratagème qu’il a imaginé pour sauver l’amour d’Ernesto: le docteur n’est pas du tout insensible aux charmes de la jeune femme et flirte outrageusement avec elle, et la coquine ne le repousse pas vraiment. Rien n’est tout à fait pris au sérieux dans ce monde de légèreté amoureuse. Arrive la scène du mariage, où Norina apparaît dans un superbe costume d’oie blanche sortie du couvent. Le vieux barbon, Don Pasquale, ne se tient plus de joie à la vue d’une si jolie proie, et un faux notaire à dents de lapin proéminentes aura vite rédigé un contrat marqué au sceau de la déraison amoureuse du brave vieillard.

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| Le Cheti cheti |
Le séduisant chef Mario Comin a mené l’orchestre avec entrain et parfois avec un enthousiasme tellement bruyant qu’un vieux routier comme Frank Hawlata a du mal à passer l’orchestre. On aurait aimé plus de nuance, de finesse et de charme. Acteur consommé, Frank Hawlata gagne en présence et en puissance au fil de l’action, c’est aussi le cas du Malatesta de Mathias Hausmann. Les deux hommes exécuteront avec brio les passages précipités du célèbre Cheti,cheti immantinente. Le ténor léger de Bogdan Mihai incarne agréablement Ernesto, avec en prime le physique de l’emploi, mais c’est surtout la Norina d’Anja-Nina Bahrmann qui enthousiasme, avec un beau soprano lyrique, une belle souplesse de timbre, des coloratures brillantes, un jeu scénique vif et primesautier. Un nom à retenir et une carrière à suivre!
Crédit photographique: Thomas Dashuber

