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Quels fantasmes japonais révèlent les manga ?

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Il est de notoriété publique, pour les esprits réducteurs du moins, que les mangas sont un amas de violence et de pornographie sadiques, complaisantes et déviantes qui déclinent à souhait toutes les perversions. Si tous les mangas ne sont pas concernés par ces adages, certains sont particulièrement choquants ou étranges pour notre oeil occidental. En quoi les hentaï, mangas pornographiques où les auteurs se livrent à tous les fantasmes possibles et imaginaires, révèlent-ils l’univers fantasmatique du peuple japonais ?

Inutile de le nier : la violence dans les mangas fait partie de l’ordinaire et beaucoup de genres, dont une majorité de shônen, baignent dans un érotisme diffus ou intermittent avec des héros en quête de leurs premières expériences, comme dans Vidéo Girl Aï, des personnages largement dénudés comme dans Crying Freeman, ou érotomanes jusqu’à la caricature sur le modèle de City Hunter. Il ne faut bien sûr pas exagérer, à ces mots, l’intérêt des passionnés de mangas pour l’érotisme et la production importante mais non majeure qui lui est rattachée. Toutefois, la question des mangas érotiques, autrement appelés hentaï, semble incontournable, car elle présente des fantasmes et une imagerie féminine très intéressants, qui semblent de plus en plus attirer le lecteur occidental.
Lolita dans le hentai

Soft ou hard, un certain nombre de publications exposent une sexualité sans grand tabou, sous un point de vue original qui pourrait à lui seul faire l’objet d’un mémoire. Permissive en matière de sexualité, la position japonaise peut paraître paradoxale puisqu’elle n’hésite pas, comme je le montrerai ultérieurement, à exposer des scènes d’enfants et d’adolescents dans des postures lascives, tout en proscrivant, selon l’hypocrite censure de la commission cinématographique Eirin, de montrer des organes sexuels en action et même les poils pubiens ! C’est à ce niveau, en effet, que se situe le seul interdit de cette production, souvent contourné d’ailleurs par l’usage d’artifices et de symboliques qui font légion comme les phallus apparaissant en silhouette blanche ou noire, les images d’une vague s’enfonçant dans un coquillage, d’un énorme sexe de pierre soulevant l’héroïne à l’instant du plaisir ou encore une représentation plus mécaniste par le bâton de dynamite ; d’où toute la différence avec les magazines masculins et bandes dessinées érotiques en provenance d’Europe et des Etats-Unis, qui présentent souvent avec un grand luxe de détails les anatomies avant leur intervention et l’acte en question.

Outre les mangas scatologiques qui peignent surtout des femmes passives et jouets sexuels des hommes avec un déchaînement de toutes les pratiques déviantes, le classique attrait pour des femmes (très ?) âgées illustré par le Obasan – grand mère- complex ou encore l’uro-guro, genre érotique-grotesque où le sexe flirte avec des situations fantastiques, monstrueuses, exagérées, confinant souvent au ridicule au moyen de scènes de viol de jeunes femmes par des créatures démoniaques qui, par exemple, les ligotent avec leurs tentacules pour rappeler le fantasme du ’’bounding’’ , le genre dominant à la limite de la pédophilie, et non moins apprécié des lecteurs de mangas français, est désigné sous le terme de Lolicon.

Ayant pour sempiternel thème les rapports sexuels perpétrés en général sous la contrainte, par des individus d’âge mûr à l’encontre de petites écolières qu’ils initient aux sensations fortes et jeux sexuels (sado-masochisme soft, sodomie, bondage…) plus ou moins censurés dans le Japon actuel, le Lolita Complex conjugue fantasme universel de domination masculine, viol et fétichisme en apparence symptomatique des Japonais, envers l’uniforme et la petite culotte à fraises ! Phénomène récent, au caractère commercial prononcé, il s’est développé dans la mouvance du Lôlicon des Bulusera shoppu qui mettent à disposition de leur clientèle albums d’uniformes d’écolières, sêrâfuku, shorts de gymnastique, burumâ et sous-vêtements portés par des collégiennes et lycéennes (rémunérées 15 à 100€ pièce) et vendus à prix d’or.

Dans l’Empire du soleil levant, cette attirance pour les adolescentes en jupons, comparables à des poupées dont on se joue pour satisfaire une libido constamment contenue du fait des obligations du travail et d’un sentiment hédonistique encore peu développé, semble associée à la réalité de la femme et aux conceptions de la société qui en font un être réservé, appartenant à la sphère privée. L’épouse ayant sûrement une sexualité moins érogène, voire dénuée de valeur érotique, en raison du cliché qu’on lui attribue volontiers de mère et soutien de famille, préoccupée du seul bien-être de la maisonnée, la  » pure  » adolescente s’est peu à peu substituée à la femme adulte. Pourquoi alors certains fans français, enfiévrés par ces nymphettes qui feignent souvent faussement l’innocence, sont-ils prêts à troquer leur Play Boy pour un manga ?
A vrai dire, je n’ai guère d’autre explication à fournir qu’un même attrait pour l’uniforme, plutôt rare dans nos contrées, et donc objet de désir ! Mais peut-être ne doit-on pas exclure non plus un goût des lecteurs pour ces fleurs de femme, conscientes ou non de leur pouvoir de séduction et capables, par exemple, d’offrir leur corps au premier venu pour se payer une chaîne hi-fi ? Considérant cet aspect assez choquant et les tabous qui entourent érotisme et pornographie dans notre société, il est facile de comprendre que les fans français affichent quelque pudibonderie et frilosité pour évoquer ce genre de lecture.

Ainsi que le souligne la citation suivante extraite de la revue MOCI :  » Le spectacle des hommes dans les wagons est édifiant : la moitié sont endormis, les autres lisent des revues pornographiques … et des magazines de bandes dessinées « , la consommation de ces BD au Japon ne paraît pas attachée aux mêmes connotations péjoratives qu’en Occident, ce qui explique leur profusion. Il est pourtant exclu de croire que le fan de mangas français, contrairement à son homologue japonais, ne s’intéresse pas à ces publications ! Dans notre pays, le marché du manga s’est très tôt ouvert à ces fantasmes de papier journal qui trouvent des mordus exclusifs, mais confier lire de mangas érotiques ou catalogués X fait du plus mauvais genre.
Sandrine Monllor (Fuchinran)
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