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Justyna Mielnikiewicz : Souffrances partagées, lignes divisées dans le Caucause

Justyna Mielnikiewicz Festival photojournalisme visa pour l'image

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Dans l’exposition Souffrances partagées, lignes divisées, Justyna Mielnikiewicz, artiste géorgienne s’intéresse au Caucase Sud pour en révéler la richesse culturelle et humaine dans la cadre du festival Photojournalisme, festival de photojournalisme qui se déroule à Perpignan en 2010.

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Si la réunification de l’Europe a fait tomber des frontières et en a paradoxalement augmenté le nombre et la longueur, la chute de l’URSS n’en finit pas de jeter des groupes ethniques dans les filets de la manipulation politique sur les identités religieuses, linguistiques, historiques et territoriales.

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Le Géorgien Staline n’a pas épargné son pays d’origine en se livrant là aussi à des charcutages dont les effets se font toujours sentir aujourd’hui dans les têtes, sinon dans les âmes. De fait, si la ville de Gori n’a déboulonné la statue de son homme célèbre qu’en juin dernier pour la remplacer par un hommage aux combattants de 2008 contre la Fédération de Russie, les marges de l’ancien Empire ont toutes connu des révolutions dont les couleurs se sont opposées au rouge, mais dont les leaders n’ont rien perdu du goût répandu pour la concentration des pouvoirs.

Justyna Mielnikiewicz vit à Tbilissi. De ce centre exceptionnel d’observation, elle a exploré assez systématiquement les traces matérielles d’un système ancien décati, y a ajouté les empreintes d’une liberté vite essayée comme un costume trop neuf et de mauvaise qualité et a épinglé par son regard décapant les masques des anciennes habitudes qui se sont replacés sur les visages.

Dans la suite « Souffrances partagées, lignes divisées » elle approche le Caucase du Sud dont j’ai pu personnellement mesurer – trop brièvement – la richesse culturelle et humaine sur les traces d’Alexandre Dumas.

Le texte qu’elle a consenti pour le catalogue et l’interview que l’on peut regarder dans le magazine sur internet « Photographie » dénotent une grande sensibilité aux mots qu’elle emploie. Il est vrai que les mots, dans ces pays, ces états découpés et re-découpés, peuvent tuer et ont tué. :

« La prépondérance de l’histoire dans le Caucase est telle qu’elle paraît parfois supplanter l’avenir. Une histoire tumultueuse, entrecoupée de longues périodes de violence, de tragédie et de domination, mais aussi de paix et de gloire…C’est dans ce contexte que nous pouvons comprendre l’identité géorgienne : chaque communauté a une culture bien vivante et fermement ancrée dans des traditions et valeurs établies telles que la galanterie, le patriotisme, l’honneur ou encore la commémoration des morts ; mais ils sont tous conscients de leur propre individualité et défendent avec fougue leurs opinions personnelles…Des Tchétchènes aux Arméniens, des Géorgiens aux Abkhazes, tous racontent une même légende, très connue dans la région : Dieu leur a octroyé un droit de propriété exclusif sur ce territoire qu’il avait à l’origine mis de côté pour lui-même. »

J’aime beaucoup qu’elle inscrive la galanterie sur le même plan que le patriotisme… ! La provocation constitue un choc de cultures. J’ai également aimé les parcours photographiques qu’elle nous propose devant ses amis, ses parents, ses compatriotes et ses voisins.

La diversité est une énorme chance. La complexité est une réalité incontournable dont on ne peut faire l’économie, sauf à vouloir manipuler le légendaire pour obtenir une unité de façade. La diversité est alors un malheur. La photographe parle même de « malédiction » !

Mais la plupart des images qu’elles présente sont paisibles. D’anciens soldats, toujours artistes, tentent de laver leur corps et leur tête au soleil de la montagne. Des jeunes filles habillées en pères Noël qui contemplent la photographie de Saakashvilli, des grandes roues de foires qui apparaissent entre des immeubles militaires. Chacun de ces êtres libres tente une percée et les villages de réfugiés se teintent déjà d’une nostalgie enneigée.

Que la vie reprenne vite le dessus après un conflit, je l’avais mesuré en Géorgie en novembre 2008.

Que les traces matérielles des bombardements aient été vite effacées et que les maisons bombardées aient été rasées et reconstruites en quelques semaines m’a également surpris. Mais si je suis un enfant de l’après guerre, j’étais trop jeune pour mesurer la vitalité retrouvée d’une population éprouvée.

Les photographies de Justyna résonnent avec ma frustration d’avoir trop vite traversé ces îlots d’histoire qui expliquent et complètent la notre. Je veux dire notre histoire d’Européens tournés autant vers leurs racines occidentales qu’orientales. Je veux dire aussi la longue marche de nos mythologies grecques ou romaines, avec Jason pour fil conducteur, à la rencontre des légendes ottomanes et perses.

Michel Thomas-Penette
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