Parmi les maisons d’écrivains, découvrez la dernière demeure de Robert Louis Stevenson, l’emblématique écrivain de l’ïle au Trésor. Errances, imagination et rêve sur l’île de Robert Louis Stevenson dans les Samoa.
Robert Louis Stevenson dans les îles Samoa
Aux Samoa, je n’ai même pas visité la dernière demeure de l’écrivain Robert Louis Stevenson.
Je le regrette maintenant. Mais pas tant que cela.
Il faut dire que j’étais tellement fatigué après l’odyssée avec le capitaine Crouille que la seule pensée de défiler dans cette imposante maison et de m’y enfermer me faisait déjà suffoquer.Cette maison, rien qu’à voir la grille d’entrée, faisait un peu tâche dans le paysage tropical. C’est maintenant un musée. Il se visite. Il est très populaire par jours de pluie.
Toutes les photos sont tirées de l’excellent site maisons d’écrivains.
Il faut être Ecossais pour construire une maison pareille. Avec des briques à l’intérieur, et une cheminée et un jardin démesuré. Au début, sa maison était en bois. Elle a été ensuite renforcée avec des briques importées d’Australie.
Pourtant, l’île au trésor et les Veillées des îles ont servi de biberons au gamin que j’étais au siècle passé, rêvant d’îles lointaines, truffées de sauvages et de méchants, d’embrouilles et de galions remplis d’or. Grâce à cet écossais né dans une famille puritaine, marié deux fois, phtisique et baroudeur, raconteur d’histoires et un tantinet dédaigneux, je me suis promené dans l’imaginaire de ces îles isolées où tout devenait — enfin — possible.
Je languissais dans un collège sinistre, truffé de néon, où le réfectoire gris servait une pitance indigne du pays de la gastronomie. Je m’enfuyais grâce à mon imagination recréant l’univers parfois cruel de Stevenson. Je dénichais une liberté chèrement acquise, qui se nourrissait de félons et de traîtres, d’océans et de haubans. Ma décision fut vite prise : s’en aller au plus vite des servitudes de l’enfance pour épouser, adulte, l’existence vagabonde, loin des titres de propriété, des cuisines toutes faite et des impôts locaux.
Mais la vie en a décidé différemment.
Il m’en a fallu du temps pour décapiter le sentiment de sécurité qui nous, adultes, enferme les rêves de nos jeunes années. J’entends déjà les esprits goguenards. « Décapiter » ? Tu plaisantes, là, Damien, n’est-ce-pas ?
Bref, hier soir, dans ce lit douillet bien abrité de la tempête qui secouait les sapins, je pensais à Stevenson tout en lisant un roman de Douglas Kennedy, l’homme qui voulait vivre sa vie. Son héros, juste avant de commettre l’irréparable, dit : « Nous aimerions tant partir léger, voyager légers, et cependant nous ne cessons d’accumuler de nouveaux poids qui nous entravent et nous enracinent. (…) En réduisant inexorablement le champ du « choix », cette vie [de famille] nous accorde le soulagement des certitudes. Alors, même si tous les hommes que je connais enragent en secret d’être tombés dans un cul-de-sac domestique, nous continuons à y entrer et à nous y installer, tous. La rage au cœur, le désir de vengeance aux tripes. »
Stevenson a largué très tôt les amarres. Il a vécu en Ecosse, en France, en Suisse, en Californie, à Hawaii, à Tahiti, aux Marquises, aux Tuamotous, en Australie et enfin aux Samoa. Une vie d’errance où il était d’usage chez les plus nantis de nomadiser en emportant tout son nécessaire, emballé dans des caisses en camphrier et soigneusement transporté par une logistique efficace et empressée.
Et quand on voit les photos de sa dernière demeure, celle d’avant le terminus, je me demande s’il n’a pas dissocié ses écrits de ses habitudes de vie. Il n’y pas d’aventures dans cette demeure-là : juste des colifichets et des souvenirs, des bribes de son enfance étouffante. Il est vrai que Stevenson a également écrit le fameux roman l’étrange cas du Docteur Jekill et de Mr Hyde.
Mais je n’aime pas visiter les maisons dans lesquelles des écrivains ont vécu. La maison de Pierre Loti m’a fait suffoquer, la soi-disant demeure de Bernardin de St-Pierre à l’île Maurice m’a ennuyé. Et je zapperais sur celle de Victor Hugo dans les îles anglo-normandes.
On m’a demandé l’autre jour, lors d’une interview à la radio TRSR, si j’aimerais vivre sur une île très isolée. Là où il n’y a pas grand-chose comme Pukapuka ou Nassau. J’ai répondu non. Je les aime, mais je ne veux pas les épouser. C’est le paradoxe de l’adorateur des îles lointaines que je suis : je les aime pour la liberté, mais je suis sûr que je m’y sentirais en proie à la claustrophobie et au manque de diversité. Entre autres.
L’imagination et le rêve placent souvent leurs héros littéraires sur un piédestal. Stevenson avait toute sa place dans mon cœur lorsque j’ai vu les imposantes grilles de sa maison de Vailima, aux Samoa.
Mais immédiatement, j’ai compris que je n’avais pas envie de coller une photo au personnage qui a aidé à construire la personne que je suis aujourd’hui.
Imparfaite, pétrie de paradoxes, tellement banale somme toute.
Stevenson a raison. Nous sommes tous des Dr Jekill & Mr Hyde.
Attention, avant de juger, il faut se souvenir que RLS avait interdiction médicale de retourner en Ecosse. Sa femme Fanny et lui, ont donc décidé de faire venir l’Ecosse aux Samoa. Ainsi la mère de RLS s’est-elle installée aux côtés de ses enfants. De même, pour Belle la fille de Fanny. L’auteur de l’Ile au Trésor rêvait d’avoir une grande famille autour de lui. De ce côté là, il a accompli son rêve.
Par les Samoans, qu’il a toujours défendus, il a été considéré comme un de leurs amis, comme l’un des leurs. Ils lui ont fait cadeau d’une route et l’ont conduit jusqu’à sa tombe ! Merci et respect pour Tailina le raconteur de contes.