Maya Angelou est la narratrice de ce récit de souvenirs d’enfance dans l’Amérique des années 50/60, celle qui n’a pas encore ouvert ses portes à une grande partie de ses citoyens: les noirs, issus des anciens esclaves des états du Sud. C’est une enfance loin des parents, qui vivent chacun leur vie loin de l’autre, qu’est celle de Maya et de Bailey, son jeune frère.
Un beau jour, leur père les a envoyés chez leur grand-mère, sans aucune explication. Une enfance bien sage, bien tranquille, à Stamps, une petite ville d’Arkansas, où la Momma tient une épicerie, la seule épicerie noire de la ville, à la périphérie, loin des magasins blancs…on ne mélange pas les torchons et les serviettes! Le fil des jours s’écoule, lentement, avec les mêmes rituels, les bêtises d’enfants, les repas chiches mais consistants, les clients qui embauchent pour les champs de coton, désespérement exploités, tôt le matin et reviennent à la nuit tombée, les membres brisés de fatigue.
L’été sec, les filles de petits blancs venant narguer les anciens esclaves, eux qui ne peuvent répliquer aux provocations sans risquer leur vie. Maya les abhorre, les méprise et aspire à une réelle liberté pour ses frères et soeurs de misère….même les locaux scolaires ne sont pas logés à la même enseigne, quant aux perspectives d’étude, intégrer une université relève de la science-fiction. La réalité inique de cette société américaine loin d’intégrer la nécessité d’accorder les droits civiques aux noirs, décrite par les yeux d’enfant de la narratrice, explique cette rancoeur due au profond sentiment d’injustice ressenti par Maya, et devient le germe du militantisme, une fois adulte, de cette dernière.
Derrière des scènes aux apparences anodines, celles du quotidien, se devinent les horreurs d’une ségrégation impitoyable: le moindre écart est létal pour l’imprudent. Une dénonciation sans concession d’un système avaleur de forces vives, forces sans droit sauf celui de subir, de servir et de se taire. Pourtant, la tendresse de Momma et de l’oncle Willie, dissimulée derrière un masque de rigueur, est palpable tout au long du récit: elle entoure, douillettement, les enfants pour les aider à grandir et à s’affirmer…elle panse même des blessures que l’on souhaiterait oublier. Lors d’une parenthèse, aux allures enchantées, dans l’intimité d’une mère retrouvée à la Nouvelle-Orléans, antre de perdition et de jazz endiablé, Maya connaît la souillure de l’innocence, violentée à force de cajoleries inoffensives, du moins au début, par l’ami de sa mère, elle a huit ans et a perdu son enfance dans la douleur et le silence d’une honte qui ne sera jamais bue.
Le récit de Maya s’achève sur une très belle note: la naissance de son fils, alors qu’elle a 17 ans, et son entrée dans une vie de femme militante au grand esprit d’ouverture. Un autre pan de sa vie s’ouvre alors.
« Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage » est un très beau récit de vie, un film de l’enfance, aux douces et parfois cruelles couleurs sépia, dans une Amérique où le rêve américain n’appartient pas à celui qui est noir.
Merci à Suzanne de Chez les Filles et Le Livre de Poche pour cette agréable découverte!
Récit traduit de l’anglais (USA) par Christiane Besse
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