Brillante Mendoza change une fois encore complètement de registre et signe avec Kinatay un film violent et provocateur …
“Le travail de flic ne suffit pas pour vivre”. C’est en substance ce qu’un des personnages confie au jeune héros, frais policier à Manille, jeune marié, et qui a besoin de mieux gagner sa vie. Il s’engage pour une mission spéciale et lucrative au sein d’une milice mais ne se doute pas un instant vers quoi il se dirige.
Kinatay commence à peu près là ou Brillante Mendoza nous avait abandonné dans Serbis, dans le brouhaha des rues de Manille. L’atmosphère est d’abord légère, avec un mariage qui se prépare mais cette sorte d’euphorie ne durera pas. Une jeune femme va être enlevée, au motif qu’elle serait une prostituée et une droguée, et la milice en cause s’engage bientôt sur une route qui nous fera sortir de la ville. L’atmosphère change alors complètement et le film s’embarque vers quelque chose d’étouffant, aux frontières du fantastique et de l’horreur. Le récit est conduit en quasi temps réels ce qui oblige le spectateur à supporter une action dans laquelle il ne se passe, semble t’il rien puisque largement étirée sur la durée.
L’éprouvante dernière partie du film, avec un pic de violence extrême, ne laissera pas grand monde indifférent. Kinatay converge lentement vers quelque chose de lourd à supporter, sans distanciation morale et avec un personnage positif qui reste figé dans une position ou il ne peut rien faire pour intervenir, malgré les supplications de la victime.
Kinatay est vraiment intéressant pour cette atmosphère trouble qu’il distille. Nous sommes là dans un film à la lisière du cinéma de genre le plus sordide. Les repères moraux ne sont pas complètement brouillés mais l’on peut comprendre que le film indispose. Il n’y a la rien de formaté et de consensuel et la barbarie finale n’aidera pas ceux qui rejettent les partis-pris du cinéaste à y adhérer finalement. Reste que Kinatay est une vraie expérience de cinéma, un film assez dur et redoutable pour les nerfs, dont on salue la grande maîtrise.
Benoît Thevenin
Avec Coco Martin, Julio Diaz, Mercedes Cabral, …
Année de production : 2008
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