La légende roumaine du maître bâtisseur Manole, qui parle du mythe de la création, est très connue parmi les Roumains. Selon cette légende, à l’époque du prince régnant valaque Negru Voda, le maître bâtisseur Manole, le personnage principal de la légende, aurait élaboré le projet et construit le monastère de Curtea de Arges, dans le sud de la Roumanie actuelle. Mais l’endroit où le monastère devait être érigé semblait maudit, car Manole voyait son ouvrage se ruiner pendant la nuit.
Selon un très ancien rite magique, la construction demandait un sacrifice humain, un enfant, un passant ou même la femme aimée. Et le hasard a choisi qu’Ana, l’épouse du meilleur maître bâtisseur, devait être sacrifiée. L’amour de Manole était tellement grand que la nature a tenté d’empêcher Ana d’arriver au monastère. Mais Ana a réussi à vaincre les éléments et elle fut emmurée par Manole.
Devant la beauté ravissante de ce chef-d’œuvre d’architecture, le prince – jaloux – aurait voulu empêcher Manole de construire ailleurs une église pareille. Aussi aurait-il ordonné à ses sujets d’enlever les échafaudages, afin que le maître et ses apprentis ne puissent plus descendre du toit. Ces derniers se seraient attaché des ailes, mais, tout comme Icare, jadis, ils auraient trouvé la mort dans leur téméraire entreprise. Là, où Manole serait tombé une source d’eau est apparue et la fontaine, qui existe toujours, porte son nom …
Les significations du geste de Manole et de toute la légende ont été analysées par le poète et philosophe roumain Lucian Blaga. Le mythe initial a été repensé, déchiffré et investi de significations philosophiques dans le drame moderne réalisé par Lucian Blaga au sujet de la condition du créateur. Blaga a confronté son personnage à un dilemme tragique, celui de choisir entre la passion dévastatrice pour la création et l’amour.
Manole est un personnage tragique, conscient du caractère irrationnel, absurde, du sacrifice qu’il doit faire. Qui exige ce sacrifice? se demande-t-il. Ce n’est pas Dieu, car c’est un sacrifice de sang. Les forces du mal ne seraient pas, non plus, à l’origine dudit sacrifice, car il est censé protéger une église. Le drame du personnage, sa solitude entre la terre et les cieux, entre l’ordre princier et l’absurdité du sacrifice sont des éléments qui rapprochent l’œuvre de Lucian Blaga du courant existentialiste.
Le drame du maître bâtisseur Manole a été joué sur les scènes européennes, en France, en Espagne et à Monte Carlo où il a connu un très grand succès. Ecoutons Cristian Ioan, metteur en scène de la pièce “Manole ou le pouvoir d’aimer” :
“Tout créateur aime son œuvre et en suivant le spectacle, vous aurez l’occasion de remarquer que parmi les images du spectacle, un spectacle très visuel d’ailleurs, à un moment donné, Manole a un rêve qui lui révèle la solution à l’écroulement systématique de sa construction pendant la nuit. Dans le rêve du maître Manole présenté dans notre spectacle apparaissent quelques-uns des bâtiments les plus importants de l’humanité. La pièce n’est pas seulement ciblée sur le sacrifice d’Ana, mais aussi sur l’amour pour son œuvre. Dans ce cas l’œuvre de Manole”.
Où peut-on suivre ce spectacle? Cristian Ioan :
“En février nous devons jouer la pièce au Théâtre National de Târgu Mures, mais à partir du mois d’avril, le spectacle “Manole ou le pouvoir d’aimer” suivra un nouvel itinéraire international – très intéressant. Nous avons reçu l’invitation de donner ce spectacle à Nice. Nous allons le présenter probablement en Italie, en italien. Nous sommes l’unique théâtre qui joue une pièce en quatre langues”.
Pièce de théâtre ou légende traditionnelle, cette histoire triste transmettra aux générations suivantes le message du sacrifice de l’artiste pour sa création.
Daniel Onea/ Alex Diaconescu
Crédit photo : ploiesti.ro
Quand sera la représentation à NICE?