J’ai, en mémoire, une histoire plutôt triste. J’allais dire belle et triste, malheureusement elle n’est que triste et pitoyable. Au début des années 2000, j’enseignais alors l’anglais à la St Mary’s school de Udon Thani (ancien orphelinat où j’avais adopté ma fille quelques années plus tôt), Un samedi, mon ami thaï me propose d’aller visiter une maison d’accueil pour enfants de la rue, maison créée par un ancien disc-jockey du nom de Tawan (soleil). Nous nous y rendons en voiture car cette maison est loin de tout, dans une sorte de no man’s land à une dizaine de kilomètres de la ville.
Tawan, qui a travaillé avec mon ami dans une des radios de Udon, nous accueille agréablement et nous fait visiter deux « baraques » en piteux état, l’une accueillant les filles, l’autre, les garçons. Lui, Tawan, est responsable de la section garçons, Nou (cochon) un gros thaï au regard fuyant est responsable des petites filles.
Tawan a du charme et le regard clair. Il n’a pas d’argent et ne vis que de la charité et des dons déposés dans ces petites boites en plexiglas que l’on trouve un peu partout en Thailande.
Les fillettes viennent tout de suite vers moi, m’entourent, me prennent par la main. Ceux qui ont visité des orphelinats en Thailande comprendront. Une petite fille surtout, une pré-ado, fait tout pout se faire remarquer. Elle ne me lâche pas et me regarde avec de grands yeux suppliants. Elle s’appelle Som’O (Pomelo en anglais). Les garçons, eux, sont distants.
Je demande à Tawan « qui » sont ces enfants… « des enfants des rues, abandonnés par leurs parents, des enfants ramassés par la police qui les amène ici, faute d’un autre endroit mieux approprié. Il y a également parmi les petits pensionnaires quelques garçons atteints du sida. Mais pas de traitement ni de suivi. Pas d’argent ».
De retour en France, je demande à Jullian de m’aider à récolter des fonds. Il est justement invité par le Lion’s club ou le Rotary d’Avignon pour une conférence. J’y ferai mon petit speech., et en l’occurrence le clown car on me fera chanter en thaï (rong riaen khong nou de Phongsi Khampi). Je dois être convaincante, car je récolte une très belle somme et toute fière, de retour à Udon, je m’apprête à la déposer entre les mains de Tawan.
En route, mon ami me met en garde contre l’ex disc-jockey :
« Ne donne pas d’argent liquide me conseille t-il, avec ce que tu lui as laissé la dernière fois, il s’est acheté un nouveau tel mobile et a loué une voiture un week-end pour se balader ». Pour quelqu’un en charge d’enfants qui, eux, n’ont rien, même pas le strict nécessaire, c’est un peu rageant. Je convertis donc une partie de la somme en objets de première nécessité pour la trentaine d’enfants de la maison. Le soir, nous organisons une petite fête, avec diner, boissons à volonté et mon ami à la guitare. La petite Som’O ne me lâche pas d’une semelle, et me tient la main avec toujours la même intensité silencieuse.
De retour à Udon, mon ami me demande : « Tu n’as rien remarqué ? »
Surprise, je lui réponds que non. Sauf la presque trop grande gentillesse souriante de Tawan, le côté taciturne renfermé et sournois de Mou le cochon. Et puis je m’étonne également que les enfants n’aillent pas à l’école du village voisin, Je note qu’il n’y a aucune hygiène, je parle de l’éloignement d’avec la ville et enfin suis surprise qu’il n’y ait aucun contrôle d’une autorité officielle quelconque.
« Eh bien » me répond mon ami, « Tawan est homosexuel et choisit ses petits amis parmi les enfants dont il a la charge »
L’histoire se passe sur plusieurs mois et elle est à rebondissements, donc je m’arrêterai à ce premier volet, il y en aura probablement trois autres. Et pour une fois pas de photo pour illustrer une histoire.que je n’oublierai jamais.
- Bangkok, plus qu’une ville, un symbole à préserver - Oct 27, 2021
- Désert berbère au Maroc : un appel irrésistible - Jan 14, 2020
- Etre femme nomade au Maroc berbère : hymne à la liberté, « mes »nomades - Oct 26, 2019