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Litterature francaise. Dans la réparation, Colombe Schneck explore son histoire familiale douloureuse marquée par la tragédie de la Shoah en Lituanie. Quand la naissance de son propre enfant nous pousse à choisir la vie en guise de réparation.
Litterature francaise : La réparation, roman de Colombe Schneck
C’est le nom de cette journaliste connue qui m’a tout d’abord attirée vers le livre.
Colombe Schneck est juive et
La réparation est le récit de sa quête sur l’histoire de sa famille, originaire de Lituanie (au nord-est de la Pologne), un pays qui abritait l’une des plus importantes communautés juives en Europe, et qui a été décimée à 95 % lors de la Seconde guerre mondiale.
A l’aube de cette période sombre de l’histoire, alors que Ginda, sa grand-mère maternelle était déjà installée en France depuis plusieurs années, les frères et sœurs de celle-ci veulent rester en Lituanie.
Malgré l’insistance de Ginda, malgré les menaces.
Très vite, ils sont obligés de rejoindre le ghetto de Kovno.
Certains membres de la famille « auront la chance » d’être sélectionnés pour aller dans les camps de travail et y survivront, les autres seront directement gazés à Auschwitz.
Raya et Masha, les deux sœurs de Ginda reviendront, leurs maris, leur mère, et Salomé et Kalman, leurs enfants, non.
Colombe Schneck est enceinte de son premier enfant quand elle entend parler de Salomé pour la première fois. Sa mère, Hélène, lui propose, comme si elle demandait une faveur, de donner à l’enfant ce prénom, si c’est une fille. C’était le prénom de sa cousine dont il ne reste rien précise-t-elle.
Une perche tendue pour le dialogue ?
Quoi qu’il en soit, Colombe ne questionne pas. Elle sait que cette enfant a un rapport avec la Shoah, que c’est extrêmement douloureux. Elle n’est pas prête à entendre.
C’est un fils qui naît et sa mère, Hélène, meurt peu de temps après.
Deux en plus tard, en 2003, Colombe Schneck met une petite-fille au monde, qu’elle décide de prénommer Salomé, sur les conseils d’une amie.
Elle se souvient alors de la promesse faite à sa mère, presque par hasard.
C’est le point de départ pour elle.
Il est temps de faire parler ceux qui restent, pour savoir.
Elle se lance sur les traces de l’autre Salomé, cette enfant dont il ne reste que 2 ou 3 photos noir et blanc.
Encore un récit sur les Juifs, encore la Seconde guerre mondiale et l’Holocauste… oui, je sais.
Mais peut-on interdire à ceux qui ont été touchés, de près ou de loin maintenant, de continuer à écrire sur le sujet ? Chaque histoire de famille est unique et le droit à la parole et le devoir de mémoire sont imprescriptibles.
Quand c’est juste et écrit avec sensibilité, ça me touche à chaque fois.
La réparation, c’est aussi la naissance de cette nouvelle Salomé, la fille de Colombe, qui a ravit sa grand-mère Ginda et qui est, pour Colombe, le point de départ de sa quête de vérité, de sa réparation à elle.
Extrait p. 19 :
« Quand le 1er février 2003, ma fille Salomé est née, Ginda avait quatre-vingt-dix-huit ans, elle était dans la détresse d’avoir perdu sa fille Hélène. Elle est venu embrasser son arrière-petite-fille. Salomé criait. Ginda ne semblait pas entendre. Elle la trouvait ravissante malgré ses pleurs. Je n’ai pas interrogé Ginda sur Salomé, la première Salomé, sur ses sœurs Raya et Macha. Ginda aurait peut-être été enfin prête, c’était le moment ou jamais, le moment de ce qui aurait pu ressembler à une réparation. Une nouvelle Salomé venait de naître, elle hurlait, elle était ravissante, elle était vivante. Ginda aurait pu me dire ce qu’elle avait appris quand elle était allée à Munich, en 1946, retrouver et entendre ses sœurs qui avaient survécu. Elle ne m’a rien dit. Je ne l’ai pas non plus questionnée. Comment dire la mort et le retour à la vie des survivants ? C’était, pour elle, indécent. Elle m’observait m’occuper de ma fille, la vêtir avec soin, l’admirer. Ginda semblait ravie de cette naissance. Le reste était inexplicable. »
Mais la véritable réparation, Colombe Schneck la découvre au bout de son enquête. Les conditions exactes de l’impossible sacrifice de ses grandes-tantes Raya et Masha pour rester vivantes, comment elles ont choisi la vie plutôt que la mort.
Une vie à laquelle elles ont fait honneur par la suite. La plus belle des réparations qu’elles pouvaient offrir à ceux qu’elles ont perdus.
Le récit m’a semblé bien des fois brouillon, on est parfois à la limite de se perdre dans la chronologie des évènements et dans les liens de famille. Beaucoup de redites également mais malgré tout cela, je n’ai pas vraiment été gênée dans ma lecture.
L’écriture de Colombe Schneck est le reflet de ses pensées agitées, de ses nombreuses interrogations. Elle voudrait aller à Kovno, sur les traces de ces ancêtres, voir ce qu’il reste de l’ancien ghetto lituanien, mais elle hésite. Elle mettra du temps pour le faire.
Elle interroge tour à tour plusieurs membres de sa famille qui vivent aux États-Unis et en Israël et les récits s’additionnent. Là encore, elle met du temps pour se lancer.
Elle mène une véritable enquête sur la vie dans le ghetto de Kovno, sur le fonctionnement de ce que l’on appelait les sélections (file de gauche, au camp de travail, file de droite, la mort directe) et le ton de l’ouvrage est alors assez journalistique. L’auteure déballe la vie de sa famille en énonçant de nombreux faits, dates à l’appui. Certains n’apprécieront pas ce côté sec moi, je l’ai trouvé sobre.
Colombe Schneck a une écriture douce, tout à fait à l’image de son nom.
Les phrases et les mots sont simples mais ils sont efficaces et touchent le lecteur droit au cœur.
Face au pire, à l’indicible, deux façons de réagir.
D’un côté, Raya et Masha, les survivantes, celles qui ont connu le pire puisqu’elles ont perdu leur enfant et leur mari, ainsi que leur mère, dans des conditions dramatiques. Une fois la paix revenue, elles ont refait leur vie. Elles sont tombées de nouveau amoureuses, et ont eu d’autres enfants. Elles ont mis un point à savourer chaque seconde.
De l’autre côté, Ginda, qui était à l’abri (relativement) en France, n’a pas connu le pire. Quand elle retrouve ses sœurs en 1946 à Munich, après la guerre et qu’elle apprend ce qui s’est passé, dans quelles conditions la petite Salomé et le petit Kalman sont morts, sa vie semble s’éteindre. Le silence s’installe. Ginda, ainsi que sa fille Hélène qui est en âge de comprendre, prennent sur elles un poids qui ne leur appartient pas.
Extrait p. 91 :
« Après la guerre, Ginda n’espère plus rien, ce qui est arrivé à ses sœurs Raya et Macha, à son frère Nahum ne laisse aucune place à quoi que ce soit d’heureux. Sa détresse est telle qu’elle la prive de mots. Elle ne dit pas à sa fille Hélène qu’elle est belle, elle répète qu’il faut travailler, elle ne la complimente pas. La paix n’apporte pas de consolations, les morts ne ressuscitent pas, seul, croit-elle, le silence permet de vivre encore. Une vie parcimonieuse, sans éclat, sans plaisir, faite d’effort, de travail. Raya, Macha, Nahum, Myriam décident du contraire. Il faut vivre. »
Extrait p. 167 :
« Macha et Ginda avaient toujours du mal à supporter ceux qui s’apitoyaient sur eux-même. Ne crois pas que ce soit de la dureté, on a facilement une bonne raison d’être malheureux, mais on a aussi la possibilité de construire. Elles étaient silencieuses sur les années de guerre, parlaient continuellement de l’avenir. Que faire ? Comment aider ? »
Extrait p. 178 :
« »Et si mon enfant meurt, est-ce que je pourrai continuer à vivre ? »
Toutes les mères se posent cette question, comme Macha, comme Raya. A Munich après la guerre, elle n’ont pas menti à leur sœur Ginda. Elles ont raconté la vérité, comment elles avaient toutes les deux choisi de vivre.
A Munich, Ginda ne commente pas, ne s’exclame pas, ne juge pas. Elle portera désormais la douleur de ses sœurs comme la sienne, espérant ainsi les soulager. Elle rentre à Paris au printemps 1946, retrouver son mari Simkha, sa fille de quatorze ans, Hélène, son fils de neuf ans, Pierre. Elle se tait. Ginda ne dit rien à son mari, elle a si peur que Simkha ne comprenne pas. Simkha sent que ce voyage a transformé sa femme, plus rien n’intéresse Ginda, ses enfants, même son fils Pierre, si drôle et si intelligent, ne l’amusent plus. Elle a renoncé à la sensualité, ce n’est qu’à la naissance de ses petits-enfants qu’elle pourra à nouveau ouvrir ses bras tendus. Elle ne peut plus.
La fin de la guerre apporte peu de consolations. En 1946, ma mère Hélène a quatorze ans, elle était allée petite fille, avant la guerre, en vacances en Lituanie, avait pris sa nouvelle cousine Salomé dans ses bras, l’avait chatouillée, embrassée. Ginda concède à Hélène : « Ta grand-mère, ta cousine et ton cousin on disparu. Tes tantes ont survécu. » Ginda n’ajoute rien.
Hélène est adolescente, elle ne comprend pas le silence de sa mère, pourquoi ne lui raconte-elle pas ce qu’elle sait, pourquoi ne lui parle-t-elle pas de sa cousine Salomé ? Est-ce que les adultes se fichent de ce qui est arrivé aux enfants pendant la guerre ? Elle garde en elle Salomé puisque personne n’en parle. Hélène ne sait pas que Ginda fait tant d’efforts pour cacher son désespoir. Ginda et Hélène se séparent ainsi sans comprendre qu’elles sont si proches dans ce qui les terrifie. Toute sa vie Hélène agira ainsi, cachant les choses, silencieuses, espérant qu’ainsi le malheur s’étouffera de lui-même. Hélène se croit seule avec cette douleur, la mort de cette petite fille unique. »
Au fur et à mesure que j’avançais dans sa lecture, je pensais au récit en bande-dessinée de Michel Kichka
Deuxième génération, que j’ai lu cet été.
Même chape de plomb sur le passé, même histoire terrible à porter pour la famille. Et même besoin pour un enfant ou un petit-enfant, qui lui n’a pas connu la guerre, de briser ce silence.
Un regret ? J’ai trouvé le livre trop court. Concis comme un reportage télé, j’aurais aimé que ce soit plus romancé, pour encore plus d’émotions.
J’aurais aimé passer plus de temps avec la famille de Colombe.Un récit grave et fort, qui ne touchera pas tout le monde mais que je trouve très important pour le témoignage qu’il apporte sur la façon qu’on eut les rescapés de la Shoah de gérer la vie après le pire et sur le poids du silence sur leurs proches.
Un été, il y a deux ans de cela, j'ai renoué avec le plaisir, et surtout l'envie de lire que j'avais perdue depuis trop longtemps.
Depuis, mes voyages imaginaires sont quotidiens, intenses et variés et ma vie a gagné en sérénité.
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