Recommencer à vivre c’est
recommencer à rêver. Retrouver goût à la vie, c’est apprécier l’essentiel :
l’amour de ceux qui vous aiment et que vous aimez. Mais aussi indispensables que soient l’amour et
l’amitié, ils ne vous font pas vivre. La nourriture, elle, est vitale à la vie.
Lorsqu’on en a perdu le goût, la vie s’en
va. Lorsqu’après des jours de jeûne, j’essayais de me forcer à rêver à quelque chose que je pourrais éventuellement aimer,
et qui remplacerait ce goutte à goutte qui distillait un semblant de vie dans
mes veines, je finissais par réclamer à mon compagnon qui ne parvenait pas à
comprendre ce dégoût de la nourriture, je finissais par lui dire, en pleine
ville de Phitsanulok : « je voudrais une purée de pomme de terre écrasée
avec du beurre ». A peine avais-je énoncé cette idée qu’il partait à la
recherche de ce qui pourrait se rapprocher le plus de ce caprice. De la
purée ! Introuvable à Phitsanulok.
Tandis que les moines s’apprêtent à
brûler tous les biens matériels qui ont appartenu au frère de mon compagnon, lequel n’a pas eu la
chance que j’ai eu de passer à travers la « fièvre tropicale »…
tandis que va disparaître tout ce qui faisait le quotidien d’un homme simple,
instituteur dans une petite école de village et qui n’avait peut être qu’un
défaut : celui de trop fumer et de trop boire, affaiblissant ainsi toutes
ses facultés pour lutter contre la bactérie tueuse… mon ami m’explique cette
nécessité de tout faire disparaître, afin que l’ esprit du disparu ne soit pas
tenté de revenir sur terre rechercher « ces petits objets » qui lui avaient été si chers au cours de sa vie.
La vie elle-même a un goût et je ne
m’en étais jamais autant aperçu que ces derniers jours alors que toute attirance pour les nourritures terrestres s’était complètement envolée. Lorsque ce que j’adorais avait changé
complètement de tonalité sous mes papilles. Revenir à la vie c’est avoir à
nouveau envie de se nourrir. Les thaïs ne demandent-ils pas en guise de « ça
va ? » : « kin reu yang ? » « Tu as mangé ou
non ? ». Que ce soit le matin, l’après-midi, le soir, c’est ce que me
demande mon ami trois fois par jour.
Mais le goût de la vie c’est aussi -
en plus du rêve, donc de la projection de
soi dans le futur – une envie
renaissante et forte de communication, de se relier aux autres.
Je m’étais repliée sur moi-même et
me sentais encore fragile pour m’ouvrir aux inconnus. Et puis ce matin, proche
de ma table, une langue que je ne connais pas. Mon coffee shop favori est plutôt
cosmopolite à l’heure du petit déjeuner, et je n’ai pas trop de mal
habituellement à repérer qui est chinois, japonais, coréen, thaï ou américain… Mais
cette langue-là, chante sur d’autres registres
que ceux auxquels je suis habituée. La jeune femme est avec son fils. Je leur
souris. Ils me répondent. Ils ne sont pas tout à fait asiatiques. Pas tout à
fait moyen orientaux non plus. Alors mon « moi d’avant » ma maladie refait
surface, ce moi curieux, qui éprouve toujours le besoin de poser des questions,
d’échanger, ce moi là est bien revenu, signe positif de ma guérison et de mon
retour à la vraie vie. « Where are
you from ? » je demande à la jeune femme. « Kazakshan » me
répond-elle.
Je dois avoir des yeux éblouis. « Originellement
je suis d’Uzbekhistan… de Samarkand. »
C’est comme si je rencontrais Joseph
Kessel me soufflant « ses mots magnifiques ». Samarkand ! Carrefour
des cultures et des religions. Je m’entends lui demander : « une
femme peut y voyager seule ? » « Mais bien sûr, sans problème. Nous
avons 4 saisons, mai et le bon moment, juin la chaleur commence à monter un peu. »
Et Halida me donne toutes les indications pour entrer en communication avec son
ami qui a une agence de voyage là-bas.
Là-bas. Samarkand ? en vrai ou en rêve… Et si j’étais
vraiment guérie ?
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Qui est Michele Jullian?
Je m’appelle Michèle Jullian. J’aime les voyages, la photographie, l’écriture.
Voyager ce n’est pas seulement prendre l’avion ou parcourir la planète, c’est aussi voyager dans les livres, les deux étant l’idéal. Chaque voyage comporte sa part de découvertes et de déconvenues, lesquelles deviennent expériences, à partager ou pas. Voyager est une aventure de chaque instant. Mes repères sont en France et en Thaïlande où je réside « on and off ». J’ai écrit un roman « théâtre d’ombres » qui a pour décor la Malaisie et la Thaïlande …
Découvrez le blog de Michèle, une femme à la croisée des cultures …
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