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Le passé composé : Ap. J-C

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Sans doute était-ce un titre trop curieux pour un livre. Que l’action se déroulât après la naissance du Christ n’était pas une information très pertinente. La plupart des romans que je lis, sont dans ce cas ! Mais par l’effet étrange de la lecture conjointe du nom de l’auteur : Vassilis Alexakis et du titre, le livre était resté de côté. Un peu comme pour celui de Takis Teodopoulos « L’invention de la Vénus de Milo » qui malgré son étrangeté a fini par me passionner, mais après plusieurs mois d’attente à mon chevet.  

Les deux livres, il est vrai ont beaucoup de points communs : la Grèce, cela va de soi, mais aussi les antiquités. Et le curieux rapport entre les antiquités et l’époque byzantine. Conflit entre les dieux et le dieu, ou plus exactement entre la profusion des déités et l’église orthodoxe qui a hérité du génie de certains lieux, du Mont Athos encore plus précisément. 

Nous sommes en 2006, le mardi 7 mars exactement. Et comme le note l’auteur, venu vivre quelque temps dans le corps d’un jeune homme, « L’Eglise orthodoxe célèbre aujourd’hui la mémoire de Laurent de Mégare, d’Ephraïm et d’Eugène. Je ne connais aucun des trois. Je suppose qu’ils ont vécu à la même époque puisqu’on les célèbre le même jour. Je les imagine au centre d’une arène romaine, en plein midi. Les saints meurent rarement dans leur lit, de vieillesse. » 

L’auteur a reçu pour ce roman (”Ap. J-C”., éditions Stock) paru en 2007 le Grand prix du roman de l’Académie Française. Ce n’est que justice pour ce bilingue que la France a adopté et qui s’étonne à juste titre aujourd’hui qu’on le fasse douter de participer intimement de l’identité française. 

Le Mont Athos est en effet placé au cœur de l’ouvrage. D’abord parce que le jeune étudiant s’est fait lecteur, pour la dame âgée qui le loge et avec laquelle l’auteur semble partager un secret, sinon un amour. Le temps historique se catapultant assez vite avec le temps intime que partagent ainsi, à une cinquantaine années de distance, l’auteur et son double.  

Premier piège du miroir du temps.

La vieillesse est souvent le temps où l’âme des amours change de visage, mais où l’amour s’exalte par le passé composé. On aimerait conseiller aux filles de nos amours disparues de nous aider à changer le cours du temps. Comme si le temps se développait en boucle. Belle illusion, en tout cas ! 

Second piège ; la lecture prend en effet très vite le tour d’une recherche : « Je voudrais que vous vous renseigniez sur le Mont Athos, que vous appreniez tout ce qu’il est possible d’apprendre au sujet des moines et des monastères. Je vous rembourserai les livres dont vous aurez besoin et vous dédommagerai de votre peine. J’ai pensé qu’il vous serait relativement facile de faire cette enquête, étant donné que l’histoire de Byzance vous est familière. »  En fait de familiarité, il s’agit plutôt de celle des philosophes Présocratiques.. 

Suivez alors l’étudiant philosophe. Autrement dit, suivez toujours, toute votre vie, l’étudiant qui est en vous et que sans doute, là où vous aimez, quelqu’un attend, afin d’entendre, de votre bouche ainsi toujours prompte à transmettre votre étonnement, quelques phrases du livre, nouveau, que vous venez de découvrir ! 

La République des colonels, les universitaires grecs, les archéologues sous-marins, les moines étranges et ceux qui ont soutenu Hitler et Milosevic, les chasseurs d’idoles, les cafés accompagnés d’un verre d’eau, les feuilletés au fromage, ponctuent cette quête dans le lieu où les femmes et les femelles sont interdites.  

L’abaton, cette barrière qui s’élève devant le sexe féminin devient l’obstacle, pour une femme âgée, de revoir son frère, un frère peut-être mort, qui s’est un jour réfugié sur l’île.  

De la connaissance des lieux, des moeurs et des rites de la Sainte-Montagne et de quelques passages obligés par la convivialité grecque, le troisième piège est enfin rendu ; celui de la liaison entre deux êtres, proches par les liens du sang et dont la délivrance ultime, par delà les distances, ne peut se réaliser sans un messager intercesseur, avant le grand passage. 

Le livre, de fait, est ce messager.  

Quant à l’abaton, « l’inaccessibilité » venue de certains cultes antiques, la loi commune semble devoir garder intacte cette exception.  La députée européenne Anna Karamanou en a éprouvé la force à ses dépends en 2002.  

        Vous paraissez convaincus que l’administration ne remettra jamais en question vos privilèges et votre statut, l’ai-je interpellé de manière sans doute un peu abrupte. Comment pouvez-vous être si sûrs de cela ?

        Etes vous au courant de ce qui s’est passé au Parlement européen lorsque la question de l’abolition de l’abaton a été posée ? Les deux grands partis, la Nouvelle Démocratie et le Parti socialiste panhellénique, ont voté contre, les communistes se sont abstenus et seuls trois députés grecs sur vingt-cinq ont voté pour, deux mécréants et une femme. » 

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Michel Thomas-Penette

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