Il y a quelques jours, j’ai assisté à une conférence sur le thème « le plagiat en littérature ». Cette conférence était menée par la romancière Marie Darrieussecq qui présentait son essai sur ce sujet » Rapport de Police » paru récemment chez POL. Cette conférence fut l’occasion d’un échange entre l’écrivain et Hélène Maurel-Indart, professeur de littérature, spécialiste des questions de plagiat et d’originalité en littérature.
Petite présentation de la conférence :
Accusée à deux reprises de plagiat – une première fois par Marie NDiaye en 1998 et plus récemment par Camille Laurens – Marie Darrieussecq a voulu comprendre ce qui lui était arrivé et, bien sûr, se défendre de cette accusation renouvelée. Elle s’est donc penchée sur la notion de plagiat, sur l’histoire de ce concept à travers la littérature universelle. Elle s’est aperçue que nombre d’écrivains, et pas des moindres, ont eu à subir cette accusation. Elle retrace la longue histoire du plagiat, de ses conséquences, de son échos, de Platon au goulag jusqu’à des écrivains plus récents.
J’ai bien entendu été captivée par cette conférence, mais surtout épatée par l’érudition et la facilité d’élocution des deux intervenantes. Et j’accorde une mention spéciale à Marie Darrieussecq pour son naturel et sa simplicité.
En bonne élève, j’ai pris quelques notes que je vais tenter de vous organiser en compte rendu plus ou moins ordonné ! J’espère être juste dans la reprise de ces propos, dans certains seront entourés de guillemets : dans ces cas là, il s’agira de phrase citées telles quelles par l’écrivain.
Tout d’abord, il faut comprendre que la littérature est la sublimation de la réalité.
Marie Darrieussecq a été accusée de plagiat psychologique lors de la sortie de son livre « Tom est mort », par Camille Laurens, auteure de « Philippe ».
Plagier, c’est déposséder quelqu’un de quelque chose. Le plagiat psychologique correspond à un vol des sentiments, un vol de l’affect. Ce qui n’a aucune valeur juridique. Depuis quand les sentiments seraient des propriétés privées et exclusives ? Plagiat n’étant pas un terme juridique, il n’y a donc pas de débat juridique sur le sujet. (Le mot juridique est contrefaçon).
« Tom est mort » et « Philippe » traitent tous deux de la mort d’un enfant, de l’absence, de la culpabilité de la souffrance. Mais sous deux perspectives et deux visées différentes. Camille Laurence a perdu un enfant, ce qui n’est pas le cas de Marie Darrieussecq. Camille Laurens a, en quelques sortes aussi critiquer la légitimité qu’avait Marie à écrire sur ce sujet !!! Comme s’il fallait avoir vécu une événement pour en faire un roman…
Marie Darrieussecq a voulu se délivrer de l’accusation en écrivant cet essai. Car accuser un écrivain de plagiat, c’est l’assassiner symboliquement. Et là, nous arrivons dans la notion de « plagiomnie », accusation calomnieuse de plagiat. Marie a évoqué l’aspect thérapeutique qu’ont été pour elles ces deux années d’écriture de son « Rapport de Police ». Bien sûr être accusé de plagiat est aussi violent qu’être plagié. Il y a injustice des deux côtés.
Des auteurs comme Jules Vernes ou Zola ont aussi été poursuivis pour plagiat. Zola, par un de ses documentalistes concernant une scène de Nana. Alexandre Dumas, qui fut aussi accusé, déclara : « Un homme de génie ne vole pas, il conquiert » !
Marie Darrieussecq s’interroge : Comment écrire sans être sous influencé car on écrit à partir de nos lectures. En effet, le plagiat va de l’emprunt servile à l’emprunt créatif. Nos lectures nous influencent, nous ont formés, voire nous ont incités à écrire. Toute écriture est donc réécriture.
Pour être dans l’emprunt créatif, il faut transformer suffisamment pour s’intégrer dans une oeuvre créative. La question est effectivement de savoir où se situe la limite entre le servile et le créatif. Le plagiat servile se contentera de changer des mots, de mettre des synonymes.
» Le roman ne serait qu’un plagiat de l’autobiographie ? D’après Platon, le roman ne serait qu’une copie de récit de faits vécus. »
« Si je ne l’ai pas vécu, c’est donc que je l’aurais copié ».
Puis la romancière s’est longuement exprimée sur ce que représente l’écriture pour elle, sur sa façon d’écrire…
» Mon corps est structuré comme un langage, les mots sont devenus ma chaire et mon sang, comme un goutte à goutte qui descend par les mains ou le clavier. » MD
« Écrire, c’est devenir poreuse au monde, devenir un autre, surtout quand j’écris à la première personne du singulier ». MD
« J’oublie mon quotidien et mon corps physique quand ça se met à écrire. Je deviens le personnage » MD
« Écrire, c’est aussi un métier, un savoir faire, mettre les mots juste là où il y avait le silence, ne pas croire à l’indicible » MD
» Je n’écris pas la vie, j’écris des livres, en espérant qu’ils soient des fenêtres, une exploration de nouveaux territoires » MD
» Écrire, c’est voir ce qu’il y a sous les clichés et l’idéal est que les phrases que l’on écrit deviennent de nouveaux clichés ! » MD
Marie Darrieussecq s’est méfiée de la « folie enfermante de l’écriture ». Aussi, elle a eu besoin de faire autre chose avec la langue et est devenue psychanalyste.
Cette « rencontre » avec l’écrivain Marie Darrieussecq fut dont très enrichissante. J’espère ne pas avoir mal interprêté ou reporté ses propos. Vint ensuite ‘une séance de dédice. Vous devez commencer à me connaître… Oui, Marie Darrieussecq m’a confié son adresse E.mail et un accord de principe pour une cyber interview. Je m’en réjouis d’avance. Mais, mais… Il me faut d’abord découvrir l’auteure puisqu’en effet, je n’ai encore lu aucun de ses romans. Ce sera chose faite bientôt, puisque Truisme a intégré ma PAL il y a quelques mois et qu’il figure dans mon challenge ABC 2010 pour la lettre D. Lecture prévue, si je ne reçois aucun livre « urgent actu littéraire » d’ici là et si je me suis « sortie » de toutes mes lectures communes prévues, pour fin mars début avril.
Donc bientôt sur ce blog, une chronique de
- Mémoires glacées ; voyage dans le Grand Nord avec Nicolas Vanier - Juil 5, 2014
- Le coeur cousu de Carole Martinez - Juil 5, 2014
- Kangouroad Movie d’A.D.G. : meurtres sans enquêtre dans le bush australien - Juil 5, 2014
Vaste un sujet qui fait périodiquement l’objet de discussions souvent houleuses. Il est bien vrai qu’il est difficile de parler d’un même sujet sans prendre le risque de répéter ce qui a déjà été dit par l’autre ou les autres. Il est aussi bien difficile de savoir d’où viennent le phrases qui se forment dans notre esprit. Sujet éternel et insoluble.