Depuis quelques jours, la capitale malaise est sillonnée par des motards, suivis de Rolls-Royce à l’intérieur desquelles se pavanent des sultans chamarrés : sultan de Kelantan, de Selangor, de Trengganu et des autres états constituant la fédération de Malaisie. C’est le couronnement et l’installation du nouveau roi qui se préparent. Un événement qui n’a lieu que tous les 5 ans, alors quelle chance d’être là, mais surtout d’avoir des connections avec un membre éminent du gouvernement malais. Grace à l’intervention de Musa ministre de l’industrie, son service de presse remet à Pierre la carte d’accréditation qui lui permettra de filmer la cérémonie… Le voilà transformé en reporter-photographe, représentant dignement la France, absente pour l’occasion
Le carton d’invitation stipule que « messieurs les journalistes et photographes sont priés de porter costume et cravate ». On n’a pas ça dans nos valises ! Et pas question d’enfiler un costume de Musa, Pierre est trop grand. On appelle SINTIE antiquaire, et amie proche de Musa et Pierre emprunte costume et cravate Cartier de son petit-ami (pas si petit en l’occurrence) anglais.
Le roi ou YANG DI PERTUAN AGONG – souverain suprême – est élu pour 5 ans par les 9 sultans de la Fédération, et cette cérémonie revêt tout le faste de l’ancienne cour des rois malais : uniformes chamarrés, sarongs de cérémonie brodés de fil d’or, diadèmes incrustés de diamants, kriss sertis de pierres précieuses.
Chez Musa, je suis l’événement à la télévision avec l’amah, la gouvernante des enfants. Les membres du gouvernement, puis les sultans et les membres des délégations étrangères, enfin les diplomates et les ambassadeurs sortent un à un de leur voiture et pénètrent à l’intérieur du palais. De sa Mercedes, Musa, en veste blanche brodée d’argent, traverse – superbe – la cour d’honneur, suivi d’une Maria fluide et légère dans sa robe et tunique de soie vert émeraude.
Les caméras de télévision captent le visage de Musa. Ne se sachant pas observé je surprends un sourire légèrement ironique sur ses lèvres, comme s’il ne se sentait pas concerné par cette cérémonie aussi tape à l’œil qu’ennuyeuse.
Enfin le roi apparaît : bouffon replet, engoncé dans ses lourds vêtements d’apparat. Il marche à petits pas. Emprunté, gêné par une graisse envahissante, il est d’un ridicule époustouflant, Il manque plusieurs fois s’étaler de tout son long en gravissant péniblement les marches de l’estrade royale et une fois assis sur le trône, ses jambes trop courtes battent l’air. Pour descendre il doit s’y reprendre à deux fois, et je comprends le visage tendu de Datuk HUSSEIN ONN le Premier Ministre qui suit d’un regard anxieux tous les mouvements de son souverain. Lorsque le roi est enfin « installé », Datuk HUSSEIN se redresse et avec lui, la foule pousse un ouf de soulagement muet.
La reine, digne et pincée, suit la cérémonie d’un air absent. Sur son visage boursouflé, on lit toute la stupidité d’une femme qui doit passer ses journées à sucer des caramels ou des rahat loukoums tandis que son roi de mari, s’étourdit en fredaines, et dilapidant sa fortune avec ses nombreuses maitresses qu’il ne peut probablement pas satisfaire. Non pas tant en raison de son grand âge il n’a pas plus de 55 ans – mais en raison de « son trop grand amour pour la bonne chère et plaisirs faciles » Musa dixit ».
Il ne subjuguera pas les foules ce roi de pacotille : émotion, timidité, il ânonne son discours de nouveau roi face à une foule respectueuse qui écoute religieusement son souverain suprême !
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