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Les filles de Riyad – Rajaa Alsanea

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Rajaa Alsanea, jeune Saoudienne, a écrit, sous forme d’une compilation de mails, l’histoire de ses quatre amies  qui cherchent désespérément à épouser le garçon qu’elles aiment. Un plaidoyer pour les femmes saoudiennes prises dans le carcan religieux et social qui les empêche de vivre la vie que leur personnalité, leur culture, leurs études devraient leur permettre.

Pendant un an, tous les vendredis soir, une jeune saoudienne inonde la toile de ses mails qui scandalisent la bonne société locale parce qu’ils racontent l’histoire de quatre copines qui rêvent d’épouser un jeune homme qui les aime et les respecte. Ces mails se présentent toujours de la même façon : une citation, sur l’amour en général, une introduction où elle dialogue avec ses lecteurs et enfin un épisode de la vie de ces quatre filles au prise avec leurs problèmes de cœur, de famille, de société, de religion, … de tous ce qui rend difficile la vie d’une jeune saoudienne cultivée, instruite et riche mais qui n’a, à peu près, aucun droit.

C’est la vie de Gamra qui sera repoussée par son mari qui avait déjà un autre amour avant son mariage, de la douce Sadim follement éprise de son amoureux qui l’abandonne parce qu’elle lui a trop donné, de Michelle, à cheval sur deux sociétés, qui ne peux donc pas prétendre à un mariage pur et de « Lamis (qui) était la seule à avoir réalisé leur rêve à toutes : se marier avec son premier amour. »

Ce livre, édité au Liban pour contourner la censure saoudienne, a d’abord été diffusé sous le manteau à prix d’or et, devant son succès, il a finalement été publié non seulement en Arabie saoudite mais dans le monde entier où il rencontre un grand succès. Il ose soulever un coin, large même, de la « abaya » de ces jeunes saoudiennes qui incarnent probablement le futur de cette nation aux prises avec ses contradictions. Fossilisée dans ses traditions, son histoire et surtout sa religion, la nation saoudienne et surtout celle du Nadjd, la partie centrale de l’Arabie qui a unifié ces peuplades autour du wahhabisme, a beaucoup de difficulté à intégrer la nouvelle donne sociale générée par l’argent qui se déverse à flot des puits pétroliers. Cette richesse permet l’accès aux nouvelles technologies qui facilitent les échanges entre les populations et notamment les jeunes qui usent et abusent de l’ordinateur et du téléphone portable pour échanger en dehors des yeux et des oreilles des adultes. La rencontre avec les autres civilisations qui affluent dans le Golfe ou que les Saoudiens côtoient lors des études qu’ils effectuent désormais dans les grandes universités anglo-saxonnes, provoque un choc culturel qui déstabilise la jeunesse saoudienne qui voudrait vivre en adéquation avec son temps mais sans remettre en cause les us et coutumes ancestraux.

Ce texte n’est pas seulement une remise en cause de cette société patriarcale, c’est aussi une analyse fine qui montre tout le jeu des intrigues, cabales, dénonciations, et toutes autres manigances que les familles ourdissent pour s’assurer les meilleures places dans cette société où tout le monde se connait et où la moindre incartade peut-être montée en épingle pour déstabiliser une famille toute entière. Et, à ce petit jeu, les mères sont devenues expertes au mépris du sort de leurs filles et de l’avenir des femmes dans cette société. Elles ont su convaincre les fils qui voulaient essayer de briser le carcan qui étouffait leur femme, de ne pas renoncer à la tradition et de respecter la religion des pères qui a souvent été un excellent alibi pour maintenir la tradition et les familles dominantes au pouvoir. « Ils ne sont que des pions que leur famille déplace sur l’échiquier, et celui qui gagne, c’est celui dont la famille est la plus puissante ! »

Mais, peut-être que ces filles qui ont fait des études brillantes, qui osent affirmer leurs personnalité, qui créent des entreprises, qui peuvent vivre sans homme pour les guider, ont ouvert une voie que d’autres emprunteront pour fonder une société nouvelle où la femme aura sa vraie place. « A tous les mécontents et les revanchards, aux révoltés et aux furieux, à ceux qui considèrent que les déboires des autres ne sont rien à côté de ce qu’ils endurent… C’est à vous que j’adresse ces mails, qui ouvriront peut-être la brèche et feront naître le changement. »

Un ouvrage qui refuse le titre de roman mais qui contient certainement plus que bien des livres qui revendiquent ce label pour faire bonne impression sur les rayons des librairies.

Denis Billamboz

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