La scène qui s’offre à mes yeux est exactement celle qu’aurait pu voir le couple royal [Philippe IV et son épouse Marie-Anne d’Autriche] au moment de leur pose pour le peintre Vélasquez.
Ainsi, Vélasquez, pinceau à la main, travaillerait à un grand portrait du roi et de sa femme, placés hors champ (en place de celui qui regarde le tableau, puisque le peintre est montré de face) : leur reflet s’aperçoit distinctement dans le miroir au fond de la salle.
Reste que ce spectacle est une invention totale puisque qu’avec ce tableau, le peintre a fait le portrait, non pas du roi et de la reine mais de l’infante Marguerite-Thérèse, encadrée de deux ménines (1), d’une naine, d’un chien… qui ne sont pas supposés poser pour le peintre.
Diego Vélasquez – Les Ménines (détail) – 1656/1657
Huile sur toile, 318cm x 276cm, Musée du Prado, Madrid
Alors que Vélasquez a réalisé de nombreux portraits royaux de la cour d’Espagne plutôt rigides, je trouve très plaisant cette atmosphère d’arrière-cour qui aurait dû rester secrète.
Si l’infante semble encore « prisonnière » par ses obligations, je suis amusé par la ménine qui paraît me jeter un coup d’œil fugace ou par le jeune garçon qui taquine du pied le chien sans savoir que je le vois.
Ce tableau montre un moment exceptionnel et précieux où la confusion de la vie se faufile délicatement dans l’espace pendant un court moment où chacun n’est plus astreint à jouer un rôle que le rang fixe.
(1) menin, ménine : en Espagne, jeune homme ou jeune fille de la noblesse au service des enfants royaux.
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