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L’île Dougherty a pris tout son temps pour disparaître.

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Dougherty, l’île qui n’existait pas, a mis du temps à disparaître…

 

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Il fut un temps où la Californie et la péninsule de Corée étaient des îles. Les marins du XVème ou XVIème n’avaient pas encore les instruments de mesure leur permettant de déterminer avec exactitude les contours des terres qu’ils découvraient au fur et à mesure de leurs pérégrinations.

Ainsi sont nées les îles fantômes.

Des îles qui n’existent pas mais qui ont malgré tout peuplé les fantasmes des baleiniers, des aventuriers, des chasseurs de phoques, des découvreurs des Amirautés et des cartographes. Les navigateurs les confondaient probablement avec des icebergs, des bancs de brouillard tenaces ou des nuages lourds et bas. La traversée interminable aidant, agrémentée de quelques centilitres de rhum, suffisait à rendre ces îles imaginaires aussi vivantes que les rêves qu’on voudrait exaucer.

Ainsi, par 59°20’S 120°20’W, dans les frimas nuageux du Grand Océan Antarctique, le capitaine Dougherty, commandant le James Stewart, une baleinière anglaise, découvrit une île en 1841. Il la baptisa Dougherty. Selon lui, elle est longue de 9 kilomètres, couverte de neige, et possède une corniche au nord-est. Sa découverte fut confirmée deux fois par des vétérans des mers : en 1860 par le capitaine Keate et en 1886 par le capitaine Stannard.

Aucun des trois n’y accosta. Mais les informations circulaient vite en ce temps-là. Les cartographes de l’époque s’empressèrent de l’inscrire par 59°20’S 120°20’W sur les cartes marines et les atlas les plus courants. 

Ainsi peut-on la voir dans le superbe et très précis Stielers Hand-Atlas, des éditions Verlag von Justus Perthes in Gotha de 1905. C’est une perle. Dénichée un jour au marché aux puces de Genève, achetée rubis sur l’ongle pour une somme moins élevée que son poids. D’une précision toute germanique, il indique l’île Dougherty alors que déjà des doutes étaient en train de germer dans les cerveaux des géographes. 

 

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L’île Dougherty comme elle figure dans l’atlas allemand: Stielers Hand-Atlas, Gotha Justus Perthes, 1905. (Photo Damien Personnaz). 

 

Ce n’est qu’en 1909 que l’île Dougherty termina officiellement sa longue carrière d’île fantôme. Le capitaine John King Davis, qui participa notamment à l’expédition en Antarctique de Shackleton, effectua une longue traversée de Sydney à Montevideo via l’île de Macquarie et le  Cap Horn. Il voulait ainsi démontrer l’existence ou la non-existence d’îles « douteuses », les Royal, Emerald, Nimrod et autre Dougherty. Cette dernière fut  théoriquement « atteinte » le 17 juin 1909. Scrupuleux, il transcrivit sa non-découverte dans son carnet de bord : Dougherty est introuvable, les instruments de mesure indiquent une profondeur de 4500 mètres, elle n’existe donc pas. Idem pour les trois autres.

 

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Or, derrière le petit fauteuil en cuir de mon appartement, se niche une étagère de la bibliothèque qui fait la part belle aux grimoires de géographie. Un peu coincé entre le lourd atlas allemand et un autre soviétique, de la période stalinienne, se trouve un exemplaire yankee de bonne facture. Celui-ci indique l’île Dougherty. Chose intéressante, l’atlas a été imprimé en 1935 par les éditions Rand, Mc Nally & Company à Chicago, soit 26 ans après que Dougherty a été déclarée non fantôme. En revanche, les trois autres îles n’y figurent pas.

 

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Dougherty island dans l’atlas américain « World Atlas », publié chez Rand, Mc Nally &Company, Chicago. Edition datée de 1935. (Photo Damien Personnaz)

 

Le vénérable « Atlas classique » Vidal-Lablache, dont mon exemplaire date des années 30, s’inscrit dans cette démarche de non-vérification des dernières connaissances. Ici encore, Dougherty y est inscrite, noire sur bleu. Pourtant, sa première page proclame dans un encadré : « Nouvelle édition, entièrement revue et mise à jour ».

 

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Une fois encore, l’île Dougherty apparaît dans l’Atlas classique Vidal-Lablache, Armand Colin, Paris. Cette édition non datée précède la Deuxième Guerre mondiale. (Photo Damien Personnaz)

 

Par ailleurs, je dispose aussi d’une mappemonde d’avant-guerre (1935-1939) où, une fois de plus, l’île Dougherty y figure par 59°20’S 120°20’W.

 

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Une fois encore, l’île Dougherty figure sur cette mappemonde antérieure à 1945. Replogle Globes, Chicago. (Photo Damien Personnaz)

 

De tout temps, les îles fantômes ont joué au chat et à la souris. Puis elles ont disparu des cartes sauf…

…Dougherty, qui a hanté la connaissance scientifique pendant plus de 25 ans.  

 

Définition et liste des îles fantômes

 

Damien Personnaz

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