Un « gastarbeiter », c’est en allemand un « travailleur invité », un travailleur immigré. C’est le cas de Musa, « invité » turc à venir travailler dans une usine allemande pendant plusieurs années avant de rentrer au village. L’occasion de prendre conscience d’un double déracinement, d’une dépossession complète d’identité. Musa a dû se faire une place en Allemagne, il n’a désormais plus la sienne en Turquie. Alors il va falloir apprendre et réapprendre, se faire comprendre et surtout, se faire accepter.
La note:
Etranger en son propre pays
C’est un texte fort de Bilgesu Erenus que nous proposent ici les éditions L’Espace d’un Instant. Un texte sur les origines mais aussi sur la force du corps social lorsqu’il tente de nous enfermer dans un moule, lorsqu’il exisge de nous tel ou tel comportement pour se sentir chez soi, au milieu des autres.
Le cas de Musa est particulièrement frappant, il doit se réapproprier une histoire, un véu et la confiance des siens.
Ses compagnons d’Anatolie, afin de lui rendre vie et mis, vont rejouer différentes scènes de sa vie, transformant celle-ci en sketches auxquels Musa est étranger, il se regarde à travers les autres, à travers le regard d’autrui et on sait à quel point un regard peut être déformant.
La problématique de l’immigration et en particulier les difficultés d’intégration des personnes de retour dans leur pays d’origine constitue le corps du récit. Un récit teinté d’une sensibilité touchante mais également d’une lucidité par moments très cruelle, comme peut l’être la vie. Bilgesu Erenus jongle avec les émotions pour faire comprendre au lecteur l’absurdité qui baigne certaines scènes mais aussi les esprits obtus. Le personnage de Musa est attachant, tant il souffre et tant il veut bien faire, mais tout ceci paraît tellement compliqué face à des règles bornées.
Bilgesu Erenus maîtrise la justesse des sentiments et ce qui peut traverser un être humain dans une telle situation, elle le restitue avec beaucoup de finesse.
Au-delà de la situation vécue en temps réel, c’est également l’occasion de réfléchir aux difficultés rencontrées par les immigrés plus jeunes qui tentent de conserver un lien avec leurs origines, avec leurs ancêtres et dont les valeurs se voient tout à coup fortement ébranlées, non seulement en raison du pays qui les accueille mais aussi à cause d’un éventuel rejet dont ils peuvent être victimes parmi les leurs. Il devient délicat de trouver sa juste place et déracinement peut avoir des conséquences douloureuses.
Ce texte ouvre des pistes, par l’histoire de Musa, dont la plus importante est sans doute de vivre l’autre pour le reconnaître.
Sur l’auteur:
« Bilgesu Erenus est née à Gölpazarı en 1943. Journaliste de formation, elle a travaillé dans différents médias en Turquie à partir de 1965. Depuis 1973 elle compte parmi les principaux dramaturges turcs contemporains, dont les pièces sont jouées dans différents pays d’Europe et en Australie. Tout en continuant à écrire, elle soutient activement un grand nombre de causes sociales, politiques et humanitaires, ce qui lui a valu quelques séjours derrière les barreaux » (Source: L’Espace d’un Instant)