Non, Lovely Bones n’est pas un ratage. Le film est simplement emblématique du cinéaste qu’est devenu Peter Jackson, reflète son incapacité chronique à faire preuve de la moindre subtilité. Parmi la cohorte de fans hardcores qui supportent Peter Jackson depuis le Seigneur des anneaux, il y en aura une part pour gouter à la pâtisserie proprement écoeurante pour les autres que ce mauvais cuisto de Jackson nous à encore pondu.
Il fût un temps ou Peter Jackson pouvait sembler malin, intéressant. Créature Céleste avait vraiment été une sublime révélation, du genre qui marque durablement. On peut toujours s’extasier devant la maîtrise et le spectacle proposé par Le Seigneur des anneaux, colossal projet qui a longtemps été considéré comme intransposable au cinéma. La prouesse s’accompagnait de certains doutes : on est pas obligé d’admirer la laideur de certains ciels artificiels, on est pas obligé de savourer le caractère insupportablement mièvre de certaines séquences. Jackson est un naïf, un rêveur ? Peut-être et on ne lui en fait pas le procès. Spielberg aussi et ses films sont globalement intéressants et touchants. Jackson est plus à rapprocher de Besson, parce qu’il exprime une sensibilité presque autant grossière.
Les griefs contre le Seigneur des anneaux, on peut les réitérer pour King Kong. Lovely Bones arrive pour couronner définitivement tout ça. Difficile de ne pas y voir la marque d’un auteur. Jackson assume visiblement tout mais ne se rend plus compte qu’il perd pied, que trop de guimauve finit par donner mal au ventre. Peter Jackson est un cinéaste qui très simplement ne fait plus confiance à ses spectateurs. C’est tellement manifeste dans Lovely Bones que c’en est insupportable.
Lovely Bones ne parait pas immédiatement être un mauvais film. Le cinéaste met en place de manière assez classique, avec un cachet de mise en scène qui porte bien sa marque (gros plan en caméra portée par exemple), un récit qui de façon globale, tient vaille que vaille debout… Passe encore cette séquence quasi inaugurale, déjà grotesque mais dont on peut accepter la tonalité humoristique, lorsque le personnage de Susie (Saoirse Ronan) pilote la voiture de ses parents pour emmener son jeune frère à l’hôpital.
Le film est plutôt maîtrisé et prenant jusqu’à la rencontre entre Susie et son meurtrier. On tique déjà davantage lors de cette séquence à l’interieur du refuge construit par ce dernier. On tique parce qu’on ne comprend pas que le personnage de Susie, très naïf dans un premier temps, s’inquiète très brutalement de ce qui lui arrive au moment ou on lui propose un coca-cola. Quelque chose ne colle pas dans cette scène et d’autres séquences suivront, ou les réactions des personnages seront exagérées et d’aucune manière légitimes.
L’ennui tient au fait que la liste des griefs ne va cesser de s’allonger. Peter Jackson construit des séquences qui contiennent toutes le détail de trop, qui surcharge ou qui ne nous fait plus croire à ce qui se joue. Le cinéaste fait preuve d’une lourdeur extrême dans la moindre de ses démonstrations. Par exemple, quand l’amie de Susie se régale avec un sachet de pop-corn devant le spectacle de deux adolescents en train de s’embrasser pour la première fois. La séquence est déjà mièvre en elle-même, mais le coup du pop-corn enfonce carrément le clou.
Le pire n’est même pas là. L’histoire est celle des parents de Susie, une jeune adolescente de 14 ans, assassinée et qui observe de son monde parallèle comment sa famille se reconstruit progressivement sans elle. Dès lors le principe est celui d’un film ou se mêlent séquences dans un univers rêvé et scènes classiques de la vie réelle des personnages vivants. Les ciels artificiels du Seigneur des anneaux et de King Kong n’étaient déjà pas très esthétiques mais cette fois Jackson fait la démonstration décomplexée de son plus mauvais goût. Le monde parallèle mis en image par Jackson, c’est un mélange des décors des Télétubbies et des fonds d’écrans fournis par Microsoft à l’achat d’un PC. On se demande alors si l’homme responsable de la ridicule laideur de la première version du site Désir d’avenir de Ségolène Royal n’était finalement pas Jackson lui-même. Le mauvais goût est en tout cas équivalent et d’autant plus consternant que le cinéaste ne cesse de le décliner selon plusieurs modes (répondant en gros au cycle des saisons) en faisant preuve d’un manque d’imagination stupéfiant. C’est donc ça le Paradis ? Des pelouses vertes, des champs de blés etc. ?).
Le casting est globalement bon. Marc Walhlberg et Rachel Weisz sont très justes dans leurs rôles. Stanley Tucci, avec son pansement dans la bouche, fait penser à Don Corleone et est relativement caricatural mais crédible dans le sien.
Pour autant, Jackson réussi la prouesse de rendre détestable Susan Sarandon, une actrice qui a toujours été impeccable et d’une classe folle mais qui se compromet là dans un rôle pathétique. Le personnage de la jeune chinoise qui accompagne Susie au Paradis est encore plus insupportable. Quand à Saoirse Ronan, le problème tient au fait qu’elle minaude constamment et qu’en plus la mise en scène ne lui rend pas service avec ces contre-plongées constantes qui l’impose dans le décors en glucose de Jackson.
Dans les premiers instants du film, le cinéaste avait pourtant semblé avoir identifié ce qu’on lui reprochait déjà un peu dans ses superproductions des années 2000. Susie exprime son écoeurement lorsqu’elle surprend ses parents en train de s’embrasser. Cette mièvrerie que le personnage dénonce là de cette manière, on la retrouvera pourtant dans des proportions incommensurables à mesure que le film avance. Les trente dernières minutes sont à ce titre totalement surréalistes, entre la représentation du Paradis et son champ de blé avec le commentaire stupide pour l’accompagner et le choix musical (Song to the Siren de This Mortal Coil) pour aller jusqu’à l’extrême de la ringardise ; et la punition ridicule qui clôt le film dans un élan moraliste et abjecte (mais du coup cohérent avec tout ce qui fait le film par ailleurs).
Si Lovely Bones est un film déprimant, c’est pour ce qu’il offre de vision du cinéma et d’esprit grossier et sans retenue de la part de son réalisateur. L’histoire de Lovely Bones, que l’on pourrait imaginer sordide, n’est en fait pas dépressive tant le film est complaisant et racoleur, nous propose une version angélique du deuil, de la vie après la mort, et nous goinfre de bons sentiments.
On l’a déjà exprimé un peu plus haut, mais Jackson se fourvoie en grossissant toujours les traits. Chaque séquence est plombée par un détail qui surcharge l’ensemble et le rend grotesque. Le final est emblématique de cette extrême lourdeur et le mot est juste. Le meurtrier cherche à se débarrasser de la preuve ultime de son crime en voulant jeter un très lourd coffre dans un trou. Le personnage, plutôt que d’avancer la voiture pour basculer le coffre directement dans le précipice, prend bien soin de se garer assez loin. Jackson s’offre ainsi le moyen de construire une séquence émotion en montage parallèle, rythmé (au ralenti pour appuyer davantage puisque l’artifice ne lui suffit pas) par les retournements fatigués de ce fameux coffre…
N’en jetez plus, il n’y a plus rien a espérer de Jackson, certainement pas une quelconque finesse. Les bonnes intentions sont là mais elles débordent de partout. On a l’impression d’un verre de sirop mais qui n’aurait pas été dilué avec de l’eau. Essayez, tout ce sucre, c’est plutôt gerbant.
« Nous vous souhaitons à tous une vie longue et heureuse ». C’est le mot de la fin et voilà, tout est dit… enfin non, car les détails sont nombreux – on est loin d’en avoir fait le tour – qui donnent du grain à moudre à notre consternation.
Benoît Thevenin
Filmographie de Peter Jackson :
1976 : The Valley (c.m)
1987 : Bad Taste
1989 : Meet the Feebles
1992 : Braindead
1994 : Créatures célestes
1995 : Forgotten Silver
1996 : Fantômes contre fantômes
2001 : Le Seigneur des anneaux : La Communauté de l’anneau
2002 : Le Seigneur des anneaux : Les Deux Tours
2003 : Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi
2005 : King Kong
2009 : Lovely Bones
Lovely Bones – Note pour ce film : 1/5
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C’est votre critique qui est gerbante, à cracher votre venin comme vous le faites, et non pas le travail de Peter Jackson.
Une honte, cet article.
des critiques dans ce genre là faite par Benoît Thevenin exprime clairement, bah qu’il y connait absolument rien à l’art du cinéma.
et comme la plupart des critiques, ils n’ont même pas vu le film, ce qui ne l’ai empêche pas de baver leurs méchanceté.
l’important dans un film quelque soit le sujet, c’est l’évasion, nous faire oublier pour un moment notre quotidien, après ça, on aime ou pas, mais pourquoi faut-il le descendre en flamme.
là je pige pas.