A l’heure où les débats sur la culture ou les civilisations font rage, me revient à la mémoire cette phrase de Paul Valery : « Enrichissons-nous de nos différences mutuelles » J’insiste sur le mot MUTUELLES. Les cultures ne s’enrichissent que s’il y a « échanges », sinon c’est l’une qui « bouffe » l’autre. C’est frappé au coin du bon sens. Le gouvernement chinois, lui, prend ses précautions et trouve que la Chine « s’occidentalise » trop… d’où certaines suppressions d’émissions à la télévision par exemple. S’occidentaliser pour le gouvernement chinois ça veut sûrement vouloir dire se démocratiser (en simplifiant). Vendre à l’occident d’accord, mais ne pas s’encombrer de ses droits de l’homme !
Que sommes–nous prêts à adopter de la culture chinoise ? Deux exemples concrets…mieux que tous les débats idéologiques et soporifiques de 1 heure du matin.
Dans un « hutong » de Beijing
A l’heure où des jeunes loups rêvent en mandarin…
A l’heure où de plus en plus d’écoliers et d’étudiants français se mettent à l’apprentissage du chinois….
Les chinois influencent-ils nos comportements en France ?
Je ne sais pas si c’est bien que toutes les boutiques de mon quartier qui ferment les unes après les autres soient reprises par des chinois (restaurants, traiteurs, débits de tabac, massages… enfin là, il s’agit plutôt de créations), je ne sais pas si c’est bien que ces nouvelles boutiques travaillent très tard le soir et même le dimanche (parlez des 35 heures à un chinois !!) Ces nouveaux arrivants que j’apprécie pour leurs qualités de service auront forcément, qu’on le veuille ou non, une influence, bénéfique ou non, sur nos « habitudes », si pas sur notre « culture »
Deux exemples concrets donc sur lesquels nous pourrions réfléchir.
Le premier est celui de mon amie Didi Wang. Je l’ai rencontrée il y a presque 4 ans lors d’un dîner à Kunming au Yunnan, province chinoise du sud. C’était un dîner d’adieu avec mon amie artiste peintre Yangyang, Xiao Miao et Xiao Chen (petit frère Miao et petit frère Chen, mes compagnons de voyage) Yangyang avait également invité sa copine d’enfance Didi. Au cours du dîner, celle-ci me dit « j’aimerais venir à Paris ». « Alors tu viendras me voir ?». Ce qu’elle fit quelques mois plus tard. Nous nous retrouvons régulièrement avec bonheur et la petite étudiante aux joues rouges et rondes de Kunming s’est « occidentalisée » politiquement. Après presque 3 ans, elle maitrise bien le français et suit des cours à l’université. Elle prépare un mémoire sur la psychanalyse. Sujet original : « les artistes méconnus », quel que soit le domaine. (Si vous pensez être l’un d’eux, contactez moi.. elle cherche côté ecrivain) Elle travaille chez un chinois (aide comptable) pour financer ses études… Je lui donne rendez-vous au restaurant « Mian Fan », près de chez moi où elle arrive, prolixe et souriante avec une bouteille de Buzet sous le bras. Bouteille que nous n’ouvrirons pas, contrairement aux habitudes des restaurants de la Thaïlande ou de la Chine où l’on peut se pointer avec sa bouteille de whisky ou de vin. (La seule personne que j’ai connu qui le faisait lorsque je dînais avec lui et Marcel Jullian, c’était Charles Aznavour à l’auberge des Alpilles de Maussane-les-Alpilles où nous avions une maison. Il amenait une bouteille de grand cru pour nous et une autre pour le patron…mais c’était dans une autre vie)
Didi c’est la petite coquine souriante avec des couettes
Didi est intelligente, vive, pleine d’humour. Elle s’est occidentalisée à la chinoise : en travaillant sans relâche pour payer ses études et apprendre le français en très peu de temps. Elle a attrapé l’esprit critique (très français) vis-à-vis de son pays, et nous pouvons parler du Tibet sans risquer de problèmes. En Chine mieux vaut éviter les 3 T (Taiwan, Tiananmen, Tibet).
2e exemple intéressant. Elle s’appelle Ronghien et travaille dans une petite coffee shop très zen de la rue d’Odessa : VITA IN. J’avais découvert l’endroit il y a un peu plus d’un an et y étais allée deux ou trois fois de suite. Et puis j’avais oublié. En passant devant la boutique hier, je rentre à nouveau et commande des nouilles à base de patates douces… La fille me demande comment je vais. Et puis elle me dit : « je suis contente de vous revoir »… Ah ? Je m’étonne de sa mémoire. Elle me dit se souvenir de moi. « Que boirez-vous ? » j’hésite il y a tellement de jus de fruit frais… alors, l’air de rien elle me suggère : « Vous devriez prendre un jus de mangue. Avec du lait de coco….comme les dernières fois ». Et tout à coup je me souviens m’être régalée de ces jus de mangue exceptionnels. Un an plus tard, elle se souvenait de ça !!! Et puis pour terminer en beauté elle continue : « Vous savez vous pouvez rester ici pour travailler… » Elle s’était aussi souvenue m’avoir vue avec stylo et carnet de notes.
Concentration, mémoire, goût du travail et de la réussite, courage, obstination gentillesse…. On peut prendre un peu de graine et « s’enchinoiser » un petit peu… après seulement on pourra parler de nos cultures.
« Harmonie » ou « pensée unique » ?
Même les grands hommes ne peuvent rien contre le courant de l’Histoire. Il y a des lames de fond plus violentes que tous les pouvoirs « imposés » par la
répression, l’armée, ou même et surtout, par la « bien-pensance ». Combien de
temps la Chine par exemple, maintiendra t’elle encore un milliard et demi de
chinois sous son joug ? En accordant le droit à certains de s’enrichir, avec sa
complicité ? Un certain nombre se traduisant ici par quelques millions.
Partout en Chine, il y a montée de violence, violences désespérées, aveugles,
irrationnelles, sauvages, tragiques. (voir les les crimes des « petites gens qui pètent les plombs ») Comment faire lorsqu’un parti unique prétend vouloir aller « vers l’harmonie » ? « Lorsque les crises graves éclatent – politiques ou économiques – elles se manifestent d’abord par une brutale rupture résultant d’une accumulation de déséquilibres »
(Je cite Jacques Attali « Sept leçons de vie. Survivre aux crises »,
un livre qu’il devrait dédicacer au Premier Ministre thaïlandais).
En Thaïlande, inégalités, injustices, alliance des riches et des puissants (Ammat) contre les plus démunis (Phrai) qui n’ont jamais vraiment eu la parole… ont mené à la révolte des « rouges », orchestrée par Thaksin sans doute, mais les crises n’éclatent jamais par hasard. Lire Attali… Pour endiguer cette violence montante, le gouvernement aura-t-il recours, comme en Chine, à la répression, à la censure des médias, à la sécurité renforcé… prix à payer pour une
stabilité apparente ? « Réconciliation » est le mot qu’a utilisé
Abbhisit a la télévision mais quel en sera le prix ?
Chaque matin, comme un rituel, je forme des numéros en direction d’un pays dont le code commence par 00 66…. J’essaye d’extirper des informations au-delà des idées générales, des phrases convenues toute faites. Je suis têtue, obstinée. J’insiste :
« Pensez par vous-mêmes » « Sortez de votre formatage »….
J’ai l’impression de retourner à l’école, du temps où j’enseignais à St Mary’s
school, à Udonphittayanukul, à Rajabhat… Je demandais alors à mes élèves :
« S’il vous plaît, essayez de penser par vous-mêmes » J’étais
gentille, insistante, persuasive, convaincante, suppliante, agacée, volontaire,
désespérée. Face à moi, je n’avais que des visages incrédules, sans expression,
étonnées. J’usais ma salive, ma patience, mon énergie pour rien. J’avais
l’impression de « parler aux murs ». (L’expression thaïe c’est
« souffler dans une flute pour les buffles »). Rien. Tous ceux qui
ont enseigné en Thaïlande ont été confrontés à ces visages qui n’expriment rien
– « blank » en anglais – Des élèves qui vous fixent à la limite de la
stupidité, et vous font douter de vous-même. « Mais dans quelle langue
leur ai-je donc parlé » ? Finalement, pour en revenir à mon ami, et après l’avoir poussé dans ses retranchements
– je suis un capricorne têtu – « Allez,
dis-moi comment tu voies la situation dans un proche avenir » ? J’ai fini par lui arracher ce : « Rao ja sou mai » « On se
battra à nouveau »
Et si les
thaïs se mettaient à penser par eux-mêmes au lieu de penser comme des écoliers
enrégimentés ? Comme des moutons ? « Nous sommes un peuple bon
(jaï di), nous adorons le roi, nous sommes souriants et accueillants, nous
sommes un pays libre, nous aimons la paix, » !! Je ne pense pas
qu’ils trouveront le bonheur au bout d’une prise de conscience plus
personnelle, plus individualiste, c’est beaucoup plus confortable de penser comme
tout le monde, mais y a-t-il d’autre alternative dans le monde
d’aujourd’hui ?
Je ne peux m’empêcher de terminer cette note par un rappel d’un article d’André
Bercoff, écrivain et journaliste français, qui écrit, à propos d’un pays où
« l’harmonisation » est arrivée à son stade ultime : celui de la
pensée unique. Je le cite : « Aujourd’hui, notre pays
est occupé doucement, gentiment, insidieusement, par le camp du Bien.
La police de la pensée correcte triomphe sur tous les étals médiatico-politiques.
Au fur et à mesure des abandons de tout excès polémique, de toute pensée
critique, de toute idée non formatée par les utopies droits-de-l’hommistes du
côté de la gauche et de l’arnaque financière et publicitaire côté droite, la
France se recroqueville. S’emmerde. Se couche. Râle et s’endort en faisant des
rêves de star. Cependant que progressent les menaces intégristes et
totalitaires, nos démocraties s’abandonnent à un masochisme
culpabilisé où victimes et bourreaux s’échangent perversement leurs oripeaux,
et ce, au moment même où se juxtaposent les folies d’un marché sans contrôle et
les pulsions mortifères d’un fanatisme sans fin. Il serait temps que la France
se réveille. »
Marcher seule, comme mon amie Yangyang, artiste peintre, au bord du lac Erhai dans le Yunnan.
Cultures mêlées oui mais…
« Gloire à la Thailande » ! Thoed Thai : C’est peut-être ce que chantent toutes ces ethnies – Shan, Palaung, Hmong, Akha – qui ont trouvé refuge, il y a un an ou cent ans, sur ces terres éloignées de tout et si fantastiquement et si culturellement mêlées. Religions, langues, cultures se côtoient dans une harmonie apparente. Le ciment de cette entente ne serait-il pas le fait qu’ils viennent tous « d’ailleurs » et qu’ils ont trouvé ici une terre accueillante ?
Shan
Jin Haw
Muslim Jin Haw
Eglise, mosquée, temple sont à égale distance l’un de l’autre sans qu’aucune des religions ne prenne le pas sur l’autre. Mais sous le tutélaire système éducatif thaïlandais qui enseigne à TOUS : Chaat, Sasanaa, Phra maa kasat ชาติ – ศาสนา – พระมหากษัตริย์ : la nation, la religion bouddhiste et le roi. A l’inverse absolu des 3 provinces de l’extrême sud (Pattani, Yala, Narattiwat…) où les malais-thaïs-musulmans refusent l’enseignement traditionnel thaïlandais qui inclue les 3 piliers ci-dessus nommés… et où moines et enseignants sont les premières victimes des terroristes au point que l’éducation nationale thaie arme aujourd’hui ses professeurs.(brûlant sujet d’actualité)
A Thoed Thaï, rencontre avec une personnalité incontournable : John. Avec lui, j’évoquais la mémoire de Khun Sa, (le prince de l’armee des Wa), l’homme « aux deux visages ». Avec une belle sagesse basée sur une longue expérience John me dit ceci « Les hommes à deux visages sont dangereux. Leur code varie selon que vous être ami ou ennemi. Mais ils peuvent brusquement en changer et vous ne savez jamais à qui vous avez à faire : à l’ogre ou au héros. Un conseil, il vaut mieux ne jamais fréquenter ces hommes à deux visages ». L’homme qui tient ce discours a pourtant été l’interprète personnel de Khun Sa car il parle 6 langues dont l’anglais.
eclat d’obus americain… John
Il devait avoir du charme Khun Sa.. tout comme l’acteur chinois John Lone qui joua son role dans le film de Cimino, co ecrit avec Oliver Stone : « L’annee du dragon » avec M Rourke
Dans la région Khun Sa est toujours respecté, car s’il était le « landlord de la drogue », l’homme le plus recherché par la CIA dans les années 70, il fut aussi le bienfaiteur du village qui s’appelait encore Hin Taek. Il y construisit entre autre des routes qui subsistent encore aujourd’hui.
A Thoed Thaï, c’est la joie… car c’est le Nouvel An Shan…(cette année du 11 au 15 décembre) et les Shans ou Tai Yai revendiquent avec fierté leur appartenance sous le drapeau thailandais.
scenic railway Shan !
modeste feu d’artifice tandis que les Shans chantent leur culture.
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