La Thaïlande est un patchwork d’ethnies et de peuples aux origines multiples. Pas seulement dans les montagnes où certains groupes vivent encore en quasi autarcie (Yao, Hmong, Lissu, Moussu, Akkha, Karen), mais aussi dans les villes où se sont concentrés les fils d’émigrants chinois. La vague ressemblance peut donner aux visiteurs, cette impression d’unité, mais je regarde, j’écoute et surtout je fais parler les gens que je rencontre autour de moi, beaucoup viennent d’ailleurs.
Ma femme de ménage est Taï Yaï ; une bonne partie des gens de la sécurité sont « Jin Haw » (chinois du Yunnan) ; le chauffeur qui m’a emmenée jusqu’à la frontière birmane était Akkha (il m’a invité à manger dans sa famille) ; le petit restaurant au bas de mon immeuble est birman ; le chauffeur de taxi qui me ramène de l’aéroport plazza est Karen Sgaw ; Thaksin, Premier Ministre exilé est d’origine chinoise (son surnom est Méo -ethnie Hmong) ; l’actuel Premier Ministre Abbhisit est d’origine chinoise-Akkha etc.… Dans les villes, ce sont n les thaïs d’origine chinoise qui dominent. Emigrés récents ou plus anciens. Ce qui a permis cette unité – apparente ou réelle – c’est une « culture thaïe » imposée et acceptée. D’abord le choix de la langue thaïe (thaï klaang) comme langue officielle, en dépit du « Lao » parlé dans le nord-est, du « Meuang » parlé dans le nord et du « Pak Taï » parlé dans le sud. Les écoles ont le même enseignement basé sur le respect du roi, du drapeau, de Bouddha et de la famille. Tous les écoliers et étudiants chantent le même hymne national chaque matin au lever du drapeau. Dans toutes les ecoles.
En arrivant en Thaïlande, les migrants chinois ont dû abandonner leur nom chinois et choisir un nom de famille thaï pour une meilleure intégration (lorsque certains noms thaïs sont particulièrement longs, c’est parce que ces chinois ont mêlé nom chinois à leur nouvelle identité thaïe). Leurs prénoms sont également thaïs. On les a aussi obligés à abandonner l’utilisation du chinois en public et ils ont dû accepter certaines particularités de la culture thaïe, « laquelle est un mélange de royal et de rural » comme l’écrit Chang Noi dans « Jungle Book » Edition Silkworm books » (arts et rituels de la cour plus savoir-faire et croyances des paysans). Un prix que les chinois ont été trop contents de payer et qui ne leur a pas tant pesé si l’on considère ce que les migrants chinois d’autres pays – Malaisie, Indonésie, Philippines – ont dû payer, eux. Et parfois de leur sang. Mieux, beaucoup de ces chinois thaïs sont devenus des chantres de la culture thaïe.
Sujit Wongthet a aussi décrit la culture thaïe comme « jek bon lao », « chinese mixed with laotian » ; aussi loin qu’il pouvait remonter, les éléments essentiels de ce qui fait cette culture thaïe sont ceux des migrants chinois mêlés à ceux des paysans laotiens : Jek bon lao.
Un autre élément important a permis de consolider cette unité : l’acceptation du père en la figure du roi.
Photo 1 : ethnie Lawa – Photo 2 : ethnie Moussu – Photo 3 : Ethnie Hmong – Photo 4 : Ethnie Palaung – Photo 5 : Karen Pwo
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