Il ne faut pas toujours se fier au titre d’un livre pour en imaginer le contenu. Ainsi, le nouvel opus de Monique Neubourg, Comment aimer son maître quand on est un chat (Chiflet et Cie, 128 pages, 10 €) pourrait laisser entendre qu’il s’agirait d’un guide pratique expliquant au chat les meilleures règles de comportement pour aimer son maître. Or, le thème principal de cet ouvrage plein d’humour est assez différent, puisqu’un chat sociologue se penche sur les manières variées dont ces étranges personnages que sont les humains abordent l’amour.
Vaste programme ! La polysémie du mot « amour » et les multiples comportements amoureux de l’homme (défiant toute logique) sont en effet de nature à dérouter le chat le plus perspicace. Fort heureusement, Monique Neubourg prête sa plume aiguisée au matou pour le tirer d’affaire.
Et si le chat peut nous paraître nonchalant à l’heure de la sieste – c’est-à-dire une quinzaine d’heures par jour –, nous commettons une grave erreur. « Non-chat-lent », aurait pu dire Lacan, car le chat-auteur observe, scrute, analyse tous nos comportements derrière ses paupières mi-closes. Il en rend compte avec une ironie mordante, mâtinée d’indulgence et de tendresse, pour mieux mettre en lumière nos contradictions, notre irrationalité. Personne n’est épargné, pas même Dieu, dont le chat nous dit : « Surtout, Dieu est amour. Ce qui est troublant, c’est que nous n’avons pas assez de griffes et de vibrisses pour compter le nombre de guerres entreprises au nom de Dieu, par l’homme qui est amour sous la coupe d’un Dieu amour. » Le chat est un sage.
Toutes nos façons de vivre l’amour se trouvent ainsi disséqués : les mots (et les maux) d’amour, les jeux de séduction, la première fois, la sexualité, seul, à deux, à plusieurs, version soie et peluche, cuir et latex, avec ou sans pharmacopée, avec ou sans accessoires, avec ou sans grossesse, gratuite ou tarifée. Il y a là matière à faire grincer les dents des sombres adeptes de l’idéal ascétique, auxquels on ne recommandera que le chapitre XI, consacré à l’amour chaste.
Cet essai, qui ne se prend pas au sérieux, réserve au lecteur une belle part d’humour, servie par un style acidulé, aussi pertinent qu’impertinent. Détail supplémentaire, s’il nous en apprend beaucoup sur nous-mêmes, il nous livre également beaucoup d’informations utiles sur les chats, formulées dans des pavés insérés au cœur du texte. Ainsi, lit-on (p. 41) : « Opportuniste, le chat de maison est un gigolo plus vrai que nature. Ronrons outranciers, petits coups de tête mendiants, patte de velours, cercles caressants dans les jambes, yeux écarquillés implorants […], voilà quelques-unes des mimiques les plus fréquentes dans l’arsenal du chat en train de rouler l’humain dans la farine. » Tous ceux qui sont hébergés chez un chat comprendront.
Le chat auteur n’en est pas à son premier méfait. Déjà l’an dernier, il nous avait gratifié d’un savoureux Comment domestiquer son maître quand on est un chat. Le félin domestique de Monique Neubourg serait-il donc graphomane ? Si oui, il faut s’en féliciter. Et c’est peut-être aussi pour cela qu’en argot, on nomme le chat : « greffier »…
Illustrations : Mon chat Kenzo, 3 ans – Mon chat Lona, 9 mois.
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