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Quand l’exception est la règle

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J’ai hérité d’un nouveau voisin. Exit le beau coréen, allure de star de soap-opera pour midinettes thaïlandaises, visage d’ange aux traits parfaits, asiatique, mi-homme/mi-gamin, mi-homme/mi- femme et à la séduction androgyne dont la proximité et la mauvaise insonorisation de nos appartements me rassuraient quant à ses prouesses amoureuses. Les filles de Chiang Mai devaient l’adorer et le faisaient savoir, à des heures où ma télévision ne marchait pas. Mon beau voisin est donc parti. S’il est rentré à Seoul il a dû provoquer quelques crises de larmes à l’aéroport.

Son remplaçant ? Un joueur de rugby de Cardiff d’une quarantaine d’années. En fait je n’en sais rien pour le  rugby, et pas plus pour Cardiff…, je parlais de l’allure générale de mon nouveau voisin.

En ouvrant nos portes respectives, nous nous sommes présentés l’un a l’autre – façon occidentale : « Je m’appelle Bruce » « Et moi M ». Inutile de préciser que Bruce est bien anglais. Pour l’accent, suis pas sûre : Cardiff ou Liverpool. ?

Je profite de l’absence momentanée de mon « chéri » pour le faire entrer 5 minutes chez moi, histoire de ne pas discuter dans le couloir. Si j’écris « je profite de », c’est parce que tel que je connais mon inénarrable compagnon, je sais d’avance qu’il va poser « une » question  à Bruce et dans la foulée, lui faire « une » proposition. La question : « Tu es seul ? Célibataire… ? » La proposition : « J’ai une petite sœur célibataire aussi… » Il ne supporte pas l’idée qu’un voisin puisse vivre seul et il a toujours sous le coude des connaissances de profs abandonnées par leur mari thaïlandais volage. C’est sa marotte : caser des copines : « Pour que tout le monde soit heureux »

Bon, Bruce est chez moi et il ne décolle plus. Il a trouvé une oreille dont l’attention décline avec les minutes qui s’écoulent. Les raisons de son séjour en Thailande ? C’est son deuxième voyage. Au cours du premier, il est tombé sous le charme d’une demoiselle qui lui a, d’emblée, raconté l’hospitalisation de sa mère et la perte de son porte-monnaie sur le chemin de l’hôpital. « Bon, je cherche plutôt une fille avec un job.. » ajoute Bruce sérieusement. « Et là ? » je demande. « Pourquoi ce second et apparemment long séjour ? (la location de l’appartement c’est mini trois mois). Il évoque la récession en Europe et l’envie d’apprendre le thaï « car il en a marre de se faire rouler par les chauffeurs de tuk-tuk et croit dur comme fer que lorsqu’il parlera le thaï ( !) il paiera le prix des thaïs !  « Tu comprends, le double standard des prix, ce n’est pas ma culture » « Ah oui ? Mais ça fait partie de la culture thaïe justement de faire payer plus cher les farangs. On aime ou pas, ça ne change rien. Faut comprendre qu’un gardien de sécurité par exemple ne gagne pas plus de 4500 bahts par mois alors que la location de ton studio c’est 15 000 baths »

Bruce est là depuis une semaine et il dit qu’il va probablement écrire un livre sur les mœurs thaïlandaises, enfin la soi-disant culture ! Je lui demande de s’expliquer… sans oser lui dire que ce qu’il a l’intention d’écrire est déjà d’un ennui mortel et qu’au contraire, il vaudrait mieux qu’il apprenne vite… pour oublier ce côté vraiment anecdotique de la Thaïlande. Que l’important est ailleurs : dans la politique par exemple, la royauté, les lois iniques, la lèse-majesté (ou lèche majesté comme l’a dit un journaliste français dont la langue a fourché), les Rouges, les Jaunes, les musulmans du sud, les ultra royalistes etc… » Il me regarde comme si je lui parlais d’un pays perdu sur une galaxie inconnue. Lui, il est bloqué sur ses petites histoires de joueur de rugby de Cardiff… Alors j’écoute encore un peu en prenant ostensiblement mon sac de laundry à la main, histoire de montrer que je n’ai pas tout mon temps…

« Je n’aime pas beaucoup ce quartier de Nimman. Personne n’a envie de faire ami-ami avec moi. Même le personnel de l’immeuble est distant et dans les coffee-shops du quartier, personne ne vient vers moi, alors je vais traîner du côté de la vieille ville là où il y a les touristes et les backpackers (et probablement quelques filles à la recherche de gogo)… Je commence à fatiguer mais pas question de s’asseoir sinon mon chéri va arriver avec ses propositions très honnêtes, mais vraiment « borderline » pour moi. Je marque des petits signes discrets de fatigue, passe d’une jambe sur l’autre, ferme et ouvre mon sac de laundry. Suis polie, ne pousse pas de soupir… pas encore…

« J’ai invité la fille de l’agence immobilière à diner l’autre soir » poursuit Bruce « Elle a un travail, gagne sa vie… pas une fille de bar… » Son histoire ? Pas nécessaire de la raconter, je peux le faire à sa place. « Elle était très contente » poursuit mon joueur de rugby. « Justement c’était son anniversaire et m’a demandé si elle pouvait inviter quelques amis ». Arrivés au restaurant le soir, il lui  amène une bouteille de  whisky comme cadeau d’anniversaire. Le dîner est joyeux et bien arrosé. Au moment de l’addition, petit flottement dans l’air… Bruce ne connaissait pas les coutumes. En Thaïlande, pas « d’american share » (chacun paye sa part, quelle horreur !), c’est en principe le plus âgé qui règle l’addition lorsque la table est entièrement thaïlandaise, ou c’est le farang lorsqu’il y a un farang, quel que soit son âge. Bref Bruce a déboursé quasiment l’équivalent d’un mois de salaire d’un gardien de sécurité  diner plus bouteille de whisky.

J’enfonce le clou : « Ce sera toujours comme ça. Si tu invites une fille à dîner et qu’elle te dit au dernier moment que c’est son anniversaire, trouve une excuse la prochaine fois… ». Mais non, Bruce a revu la fille. Pourquoi ? Pour lui expliquer sa façon de penser. « Qu’il n’était pas d’accord sur cette façon de faire  etc. etc…. sur ces soi-disant coutume ou tradition thaïlandaises… ». Là je commence à bailler sérieusement.  En plus il fait perdre la face à la fille !

Bon Bruce ne lira pas cette chronique, parle par français… quant à vous chers lecteurs, ne me dites pas que pour vous c’est diffèrent. 1) je ne le croirais pas – 2) en Thailande il n’y a que des exceptions c’est bien connu. Mais lorsque les exceptions sont la règle, eh bien c’est vraiment la règle !

Blog _3494

Michèle Jullian

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