Les livres – romans ou essais et plus souvent histoires vécues (on dit « auto fiction » dans le landerneau parisien) – les livres sur la femme thaïe ne manquent pas en Thaïlande. Je dirais même « qu’il n’y a que ça » sur les rayons des « magasins qui vendent des livres ». Elles sont décrites comme ensorceleuses ou ensorcelantes, « subjugantes », charmeuses ou vénéneuses, tantôt putes, maîtresses, mères, servantes ou infirmieres, amoureuses, abusées ou abusantes, dominées ou dominatrices… il y en a pour tous les goûts… masculins.
Les hommes n’ont pas la part belle dans ces autofictions, car ils sont souvent le reflet de ce qu’en disent les femmes thaïlandaises décues, de plus, les thaïs ne se confient pas facilement aux étrangers. Voire, pas du tout. Mauvais pour leur égo.
Si je suis sensible à la beauté des femmes thaies – je les regarde tantôt comme des oiseaux au joli plumage, tantôt comme mes petites sœurs, subjuguée par leur sourire – leur plus beau vêtement – je regarde aussi les hommes thaïs et les décris dans mes romans, en tant que femme bien sûr, mais surtout en tant qu’auteure. Regard amoureux, émerveillé parfois, et en dépit de cela, parfaitement lucide.
Je les décris physiquement ces hommes, et – certains s’étant ouverts à moi – je tâche de les comprendre de l’intérieur, de saisir leurs motivations, leurs mobiles, tout ce qui fait d’eux des mâles qui ont peur de perdre la face, à l’ego sur développé, avec tendance à l’irresponsabilité. J’en connais pourtant des « blessés définitifs » qui se comportent mieux que beaucoup de femmes (que penser d’une mère qui, venant d’une famille aisée, fonctionnaire, balance son enfant de 10 ans comme un paquet à son ex-mari thaï sous prétexte qu’il vit avec une farang ? Et de celle qui quitte son mari pour épouser un très vieux mais très riche farang, abandonnant sans un regard ses 2 enfants au dit mari ?) Les hommes thaïs sont souvent décris comme des jouisseurs, irresponsables qui font des enfants dans différents « nids » (c’est ce que disent d’eux les chinois, pardon les sino-thaïs de Bangkok.) Alors je prends quelques lignes de LA OU S’ARRETENT LES FRONTIERES et laisse parler Marie, une jeune française de 24 ans… amoureuse de Somchaï.
« Au cours de cette nuit unique, Somchaï ne l’avait même pas embrassée et sans doute ne le ferait-il jamais. Pas dans sa culture ! Ses étreintes avaient été délicate imprégnation de chaque parcelle de son corps contre le sien, chatoiement de lumière ambrée de sa peau recouvrant la sienne tel un sari déplié avec crissements de soie de Bénarès, effleurements de lèvres sur son corps comme les coups de langue gourmands d’un chat tigré. Ces évocations avaient éveillé chez elle une soif ardente et inextinguible. Acte sans climax, sans début ni fin donc sans fin, subtil parfum dont elle ne se lasserait jamais mais qui la rendrait probablement « addict »
comme avec la plus douce des drogues. Absence, manque, impudique pudeur. C’était
infini comme la mer immense, avec un port et un bateau prêt à appareiller dans lequel elle ne monterait jamais pour ne pas s’éloigner du rivage, pour garder la certitude de la terre ferme sous ses pieds et l’horizon au bout du regard pour croire quand même au départ. Invitation sans cesse repoussée parce que partir c’était s’éloigner, ne jamais revenir peut-être. Alors, oui, rester. Et se nourrir de la réalité, celle de ses mains belles et actives au-dessus du brasero lorsqu’il cuisinait, celle de ses brodequins lancés au loin après une longue marche dans la jungle, celle de l’attente insupportable et de la patience récompensée, celle du silence et de l’acceptation en sachant que lui n’aura jamais peur et qu’elle tremblera toujours d’angoisse pour lui. Acceptation de son passé avec ses zones sombres »
LA OU S’ARRETENT LES FRONTIERES editions de la Fremillerie
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