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Regard sur le vignoble champenois

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Nous nous sommes arrêtés ce jeudi entre deux montagnes. Des montagnes de quelques centaines de mètres de haut.  Il faut donc expliquer le terme.

Ces deux montagnes là encadrent une plaine où coule la Marne tandis qu’en face, une butte témoin, celle du Mont-Bernon, surplombe l’une des deux capitales du Champagne. D’un côté la Montagne de Reims, de l’autre celle d’Epernay et dans la lumière insolente et douce à la fois de ce début d’octobre, les vignobles coulent sur tous les flancs les mieux exposés. Tandis que sous les rues d’Epernay, des centaines de kilomètres de galeries  contiennent des trésors qui font rêver dans le monde entier tous les organisateurs de fêtes.  

Un dossier d’inscription de ce paysage réellement inspiré, inscrit dans un parc régional, est en train de voir le jour pour atteindre un jour le jury de la Liste du patrimoine mondial.  Et pourtant, je suis devant un petit espace d’Europe qui semble lové sur lui même, protégé et protecteur de ses valeurs. Il est cependant par son histoire exceptionnellement ouvert sur le monde entier avec pour lien la Marne qui rejoint la Seine, qui rejoint la Mer, qui fait lien avec les Amériques. J’allais dire, c’est pourquoi nous ne nous sommes pas privés de faire des comparaisons entre les liquides effervescents qui ont appris, depuis Dom Pérignon, à rejoindre le monde entier. 

Je retrouve sans vrai étonnement sur la table d’orientation le terme de « Sparnacien », cet étage géologique dont j’ai appris le nom en première année d’université. Un mot universel lui aussi puisque les géologues du monde entier ont su adopter une terminologie commune.

Moins largement connu que le mot « champagne », il contribue pourtant lui aussi à sa manière à la renommée de cette terre argileuse qui marque les bancs de craie où sont creusées les caves où s’enferment les bouteilles. Entre deux réunions, entre deux voyages – je n’oublie pas que je rejoins la Toscane dans quelques heures, le fait d’avoir des partenaires situés au sein des territoires, comme l’on dit, peut apporter des bonheurs quotidiens et inattendus.  

Cela fait plusieurs fois que je me rends à Reims et à Troyes pour des rencontres qui rassemblent ces pèlerins modernes marchant  à la découverte d’une hospitalité sans frontières. Cet espace champenois, situé dans le grand couloir de circulation Est – Ouest de la Via Regia est aussi terre de foires et de commerce depuis le Moyen Âge.  

Cette fois, c’est autour de l’intelligence économique – l’observation des phénomènes économiques qui conduisent les entreprises et les mettent en concurrence, comme ceux qui évoluent, souvent souterrainement, en dehors des industries spéculatives, que la rencontre a eu lieu au Centre des Congrès.

Une autre forme, moderne celle-ci, de Foires de Champagne modernes !  

Mais l’occasion s’est dessinée par la même occasion d’une réunion d’organisation dans le petit village de Cumières, accueillie avec élégance, grâce à l’intermédiaire de François Louviot, par le vigneron Philippe Martin, député français et ancien député européen. Son action à Bruxelles, en relation avec le groupe interparlementaire du vin, devrait l’amener à prendre des responsabilités dans le développement des routes de la vigne, non seulement en raison de la renommée de ce vignoble dont il est un des acteurs, mais parce que sa réflexion va bien au-delà d’une présentation du vin. Il se passionne pour ses fondements, son histoire, ou encore la manière dont le vignoble commande une offre d’accueil et un patrimoine à découvrir. 

 Il s’agissait bien entendu de parler des itinéraires culturels, au croisement des chemins de pèlerinage, des monastères et des vignobles. Mais aussi de la situation réelle ce cette profession dont il vit profondément la transmission et le message familial. Un seul chiffre : l’hectare de vignoble coûte entre 1 million et un million et demi d’euros, ce qui rend justement la transmission problématique et fait évoluer le vignoble vers une concentration capitalistique inéluctable. Une seule marque : Moët et un seul groupe : LVMH font peu à peu disparaître les aspérités, ces composantes des assemblages uniques que certains vignerons conservent et développent, pensant à un changement de la structure de production mondialisée d’ici quelques années. Pariant sur une autre forme d’intelligence économique !  

Cette période des vignobles est souvent un miracle. J’avais longé la Champagne au début du mois de septembre lorsque les vendanges débutaient. La montagne de Reims était parsemée de petites estafettes blanches. Il faisait un froid cruel… 

Aujourd’hui le soleil nous offre un jeu de cache-cache avec les arbres jaunissants.  Il réchauffe, mais il enrobe surtout d’une lumière plus rasante qu’en été, un monde en changement. 

Plongeon indispensable dans une société mutante. Modèle de plus, décrivant la réalité du fonctionnement des itinéraires culturels, et dont la structure, dans dix ans seulement, ne sera certainement plus la même.

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Michel Thomas-Penette

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