Le communisme a dû affronter, dans son histoire, deux adversaires redoutables, qui jusqu’ici l’ont vaincu. L’un a été la nation, l’autre – la religion. La bataille menée par le communisme contre la religion a été beaucoup plus dure que celle contre la nation. Pour les réformateurs sociaux du 19e siècle, la religion était la preuve incontestable de l’esclavage de l’esprit humain, des intentions les plus ténébreuses de l’homme à l’encontre de ses semblables. La religion était considérée comme la principale source de corruption, de guerres, d’obscurantisme. C’est pourquoi, il fallait libérer l’homme de la religion afin d’éliminer tous les maux de la société et de bâtir le monde parfait.
Histoire de la Roumanie : Ceaucescu et le communisme
«La religion est l’opium du peuple» – c’est la citation la plus véhiculée dans les ouvrages de Karl Marx sur la foi de l’homme en Dieu. Mais cette phrase du fondateur du communisme est plutôt faible. Le Russe Mikhail Bakunin, théoricien de l’anarchisme, écrivait dans son livre «Dieu et l’Etat» que le grand avantage du matérialisme pour l’humanité était d’avoir chassé Dieu de la Terre et de l’Univers. Ces mots donnaient des frissons aux milieux cléricaux, qui allaient associer le communisme au satanisme.
La victoire de la révolution bolchevique russe de 1917 n’a été qu’une continuation à une échelle plus large de la terreur contre la religion déclenchée pendant la révolution française de 1789. Les églises et les prêtres ont été martyrisés, le bolchevisme ayant écrit des pages effrayantes dans l’histoire des massacres.
Avec l’occupation de l’Europe Centrale et de l’Est et l’installation des régimes communistes, les églises, les prêtres et leurs fidèles ont souffert des persécutions inimaginables, notamment pendant les années du stalinisme. La Roumanie n’a pas fait exception à cette règle, ayant rempli ses prisons de prêtres et de simples croyants.
A commencer par les années ’60, à mesure qu’il se consolidait, la colère du régime communiste de Roumanie contre la religion s’est apaisée, celle-ci étant considérée comme une partie de la tradition nationale. Elle était toujours sous le contrôle rigoureux des communistes, mais les croyants ne vivaient plus dans la peur des années ’50. Nicolae Ceauşescu, perçu comme un leader communiste réformateur, a traité la question de la religion avec condescendance.
Ştefan Bârlea a occupé des fonctions importantes dans la hiérarchie du parti communiste, ayant été entre autres le secrétaire personnel de Nicolae Ceauşescu. Il a été interviewé en 2002 par le Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion Roumaine. Il se souvient de l’attitude du Parti Communiste Roumain envers les personnes qui fréquentaient les églises :
«Il ne s’agissait pas d’un écart aux statuts, même si toute une série de gens, qui avaient étudié en URSS ou qui étaient d’origine juive, nous recommandaient de ne pas aller à l’église. Pourtant, de nombreux apparatchiks, y compris moi-même, étaient croyants. Que faire alors? Eh bien, dans les campus universitaires, on a organisé des bals pendant la nuit de Pâques. Nous, les militants du parti, nous devions vérifier si les étudiants se rendaient à l’église, à la messe pascale. On y allait aussi et souvent on allumait des cierges. Puis on revenait au bal pour danser jusqu’au petit matin. Et tout au long de mon activité sur les campus universitaires, aucun étudiant n’a été sanctionné pour s’être rendu à la Messe Pascale. »
Malgré son appartenance à l’idéologie communiste, Stefan Bârlea a fait baptiser ses deux enfants. Pourtant c’est sa famille qui s’en est occupée :
«Je ne me suis pas impliqué dans toute l’histoire des baptêmes, mais ma belle-mère, ma mère et ma grand-mère ont pris l’initiative. Ce furent-elles qui se rendues à l’église. Je leur ai dit de ne pas m’impliquer, mais je ne me suis pas opposé au baptême. Ma femme et moi, nous avons fait un mariage civil, pas religieux. Moi, je n’ai jamais eu de réticence envers les églises, puisque j’avais reçu une certaine éducation religieuse pendant mon enfance. D’ailleurs, mon grand-père m’amenait à l’église de mon village natal, dans le département de Prahova. »
Cette soi-disant liberté religieuse n’a pas empêché Ceausescu de déclencher une offensive acharnée contre les églises de Bucarest qui ne s’intégraient pas dans ses plans de modernisation de la capitale roumaine. La démolition des lieux de culte, pendant les années ’80, a prouvé le fait que la religion ne comptait aucunement aux yeux du régime communiste.
Aut. Steliu Lambru, trad. Valentina Beleavski, Alex Diaconescu