Ce n’est qu’après 20 ans depuis les événements qui ont changé le destin de la Roumanie que le gouvernement de Bucarest a décidé de déclasser, intégralement, les dossiers de la Révolution anticommuniste de décembre 1989.
Aux termes de l’arrêtée de l’Exécutif, les documents qui, jusqu’à présent, étaient classés SECRET D’ETAT, SECRET ou STRICTEMENT SECRET et qui “deux décennies après, ne sauraient plus porter préjudice à la sécurité nationale, à l’ordre publique ou aux intérêts des personnes de droit publique ou privé” deviennent accessibles.
Pour le premier ministre Emil Boc:
”Ainsi, nous procédons à une démarche particulièrement importante afin d’assurer la publication de tous les éléments et renseignements nécessaires, de sorte que le dossier de la révolution de 1989 soit des plus transparents possibles, concernant le rôle des autorités de l’Etat et que la vérité puisse être validée par des documents qui, d’ores en avant, ne sont plus classés “secret d’Etat”.
Loin de jubiler ou de saluer avec enthousiasme cette mesure, les historiens et les journalistes spécialisés dans les investigations concernant la Révolution estiment qu’elle vient avec un retard scandaleux.
Ils rappellent, tous, que le pouvoir installé à la place de la dictature de Nicolae Ceausescu, un cocktail de révolutionnaires et de communistes de seconde main ayant à leur tête Ion Iliescu, ont consenti de cacher “sous le tapis” les secrets incommodes de décembre ’89. Alors, plus de mille personnes ont été tuées, les plus nombreux après le fuite des Ceausescu, leur mort étant attribuée aux ainsi dits “terroristes”, jamais identifiées.
De cette façon, on a couvert les crimes de la Securitate ( police politique communiste) multipliées par quelques “services spéciaux” post communistes, par la Milice, rebaptisée Police ou par l’Armée qui avait abandonné son “commandant suprême” pour “prêter serment de fidélité au peuple”.
Trois chefs d’Etat, dix gouvernements post communistes et la Justice, elle-même de souche communiste, ont observé le pacte du silence, omerta sui généris, et ont assuré l’impunité des tueurs.
D’ailleurs, l’Etat roumain a été appelé en justice par les révolutionnaires authentiques regroupés au sein de “l’Association 21 Décembre” devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDO) pour “tergiversation inadmissible du dossier de la Révolution “.
La déclassification des documents (secrets, jusqu’à présent ) n’aura aucune influence sur le procès jugé par la CEDO, comme déclare le représentant de Bucarest auprès la cour de Strasbourg, Razvan Horatiu Radu : ”Le cas porté devant la CEDO concerne, exclusivement, la manière dont les autorités roumaines ont enquêté les événements d’alors, surtout ceux dont parlent les plaignants dans les dossiers examinés. Ce n’est que cela, pas plus.”
aut. : Bogdan Matei ; trad.: Costin Grigore