

Ronis sait capturer les instants photogéniques, parfois par hasard, souvent en prévoyant, en se positionnant là où il faut, en étant prêt pour le ‘kairos’, en attendant ce qui, immanquablement, va arriver.
Ainsi de ce Pub à Soho (1955), enfumé et glauque, où il a patiemment attendu que la serveuse se place dans les rais de lumière du dehors, et en soit nimbée comme une sainte du Quattrocento. Ainsi de cette ouvrière des filatures FTB dans le Haut Rhin (où trame et chaîne, plis et stries, sont pour lui des vecteurs de composition formelle, abstractisante) : il s’arrête soudain, raconte-t-il devant cette ‘harpiste’ renouant un Fil cassé (1950), devant cette madonne agenouillée en attente d’annonciation, devant cette figure éternelle, petit miracle de beauté qu’il se doit de recueillir.
Les alcoves présentent ses voyages à l’étranger, son
admiration devant la R.D.A., ses pélerinages en U.R.S.S. ou à Prague, empreints d’une ferveur toute stalinienne, mais aussi ses découvertes de Londres, de la Hollande traditionnelle, de Bruges, de New York, de l’Italie ou de La Réunion. Partout ou presque, il sait capter quelque chose de simple et d’unique; il ne transporte pas, ou rarement, son regard de Français en voyage, il s’imprégne, il communie, il s’assimile. Regardez ces quatre garnements napolitains qui en trimbalent un cinquième, suivis d’une petite fille admiratrice timide, voyez leur gouaille, leurs trognes, leurs ombres : ces voyoux en graine n’ont rien à voir avec ses petits Parisiens plutôt sages (Petits Napolitains, 1938).
Enfin, Ronis est un photographe de femmes. D’abord la sienne, Marie-Anne, du Nu à Gordes jusqu’à la fin de sa vie : en 1988, Marie-Anne à Nogent sur Marne n’est plus qu’une petite tache, à peine discernable au milieu du tapis de feuilles mortes, du fouillis de branches et de feuillage, si fragile, si ténue et toujours aimée. Des nus aussi, souvent célèbres et glorifiés. Et des passantes, comme cette

Belle occasion de se forger une image de Ronis plus complète que celle transmise par ses photos les plus connues, d’avoir un regard plus riche sur la photographie dite humaniste, de se dépouiller de quelques idées reçues.
Toutes photos © Ministère de la culture et de la communication & Stéphane Kovalsky / dist. Agence Rapho.