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Royal Affair ; le Danemark des Lumières : un film historique instructif mais ennuyeux

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Royal Affair est un joli film à la réalisation maîtrisée et à l’interprétation convaincante qui éclaire un Danemark du XVIIIème siècle, partagé entre intérêts d’une minorité au pouvoir et vent de réformes et de libertés, bien avant la Révolution Française…

A voir ou revoir : En kongelig affære : Royal Affair qui malgré le titre francisé Une liaison royale est bien plus qu’une banale histoire d’amour dans une cour européenne en 1770… Il s’agit d’un film historique danois mêlant intrigues politiques, combats idéalistes et histoire d’alcôve sur fond de siècle des Lumières dans un pays très méconnu qui pourtant connut bien avant la Révolution de 1789 un vent de libertés et de réformes progressistes : le Danemark …

Synopsis: Dans Royal Affair, Caroline-Mathilde, nouvelle et jeune reine du Danemark préparée depuis l’enfance à sa fonction, est une épouse délaissée par Christian VII,  un roi immature et malade. Alors que sa vie à la Cour la condamne à l’ennui quand elle ne subit pas les affronts et les caprices de ce mari indigne, sa rencontre avec Friedrich Struensee, médecin danois d’origine allemande, fait basculer son destin.

» Lire la critique résumée à propos de Royal Affair

Royal Affair; une réalisation maîtrisée et des acteurs talentueux

Au-delà de la facture classique de la réalisation qui respecte les codes du genre sans tomber dans les travers de beaucoup de films en costumes ni céder à la tentation du mélodrame, Royal Affair réalisé par Nikolaj Arcel, repose essentiellement sur le traitement pédagogique du sujet et la qualité de l’interprétation des trois principaux protagonistes, à la fois juste, efficace et prenante.

Par touches, on découvre le contexte social et politique du Danemark de la deuxième moitié du XVIII ème siècle, qui semble si éloigné des ambitions et de l’Esprit des Lumières émergeant en France. A cette époque, le Danemark est un Etat inégalitaire où la paysannerie est toujours esclave d’une noblesse méprisante et avide qui maltraite cette main d’oeuvre comme une vulgaire marchandise. Un royaume où le roi, en dehors de toute fragilité psychologique, n’est qu’un fantoche sans pouvoir réel, puisque celui-ci est entre les mains d’une poignée d’oligarques déterminés à conserver leur pouvoir décisionnel et leur domination sur le peuple. Un pays dont la capitale, Copenhague, est bien éloignée de cette cité très propre et agréable à vivre que l’on connaît aujourd’hui.

Caroline Mathilde, une reine engagée et une femme amoureuse

Alicia Vikander interprète la reine Caroline Mathilde avec un naturel touchant assez fidèle à ce que l’on connaît selon les historiens du caractère de son personnage. L’actrice, gracieuse et lumineuse, joue tout en simplicité et échappe ainsi à la tentation d’un certain maniérisme caractéristique des cours royales partout en Europe. La soif de Connaissance de l’héroïne, son goût pour le Progrès, autant que son amour pour le médecin allemand, Friedrich Struensee, joué par Mads Mikkelsen (excellent dans After the Wedding, et également vu dans La Chasse), nous saisissent d’emblée.

Mariée à 15 ans et condamnée à supporter son instable et fou d’époux, le roi Christian VII, Caroline-Mathilde de Hanovre, soeur de George III d’Angleterre, a su faire fi de son destin tout tracé et assez désespérant, pour puiser dans sa liaison passionnelle avec Struensee force et détermination et écrire dans l’ombre une page essentielle de la grande Histoire du Danemark, même si pour les livres d’histoire, elle reste une femme répudiée, tombée en disgrâce et bannie pour son infidélité. Mère du futur Frédéric VI et d’une héritière reconnue mais bâtarde Louise Augusta née de sa liaison avec Struensee, elle fut privée de ses enfants et mourut à 23 ans de la scarlatine à Celle en Allemagne en sachant combien son pays avait régressé après avoir connu le vent des réformes.

De toute évidence, Nikolaj Arcel ne borne pas Caroline-Mathilde à un rôle de narratrice de son histoire, qui dès les premières secondes ne cache rien de son issue et de celle de son amant, mais le réalisateur s’attache à rendre justice à cette personnalité, à laquelle les Danois n’ont pas toujours reconnu sa valeur dans la postérité.  Entre Caroline Mathilde et Friedrich Struensee, tous deux disciples de Rousseau, Diderot et Voltaire, l’attirance est évidente, mais elle est progressive et se nourrit surtout de confiance et d’admiration. La séduction opère davantage en raison d’une complicité intellectuelle et d’un attachement aux idées philosophiques des Lumières que d’une attractivité sexuelle irrésistible ou d’un véritable souffle romantique.

Une relation amoureuse touchante sans ressort mélodramatique

Certes, la relation amoureuse est esquissée pendant les trois quarts du film, mais son traitement risque peut-être de décevoir les amateurs de bluettes qui s’attendraient à un côté amour à l’eau de rose ou ceux qui préfèreraient les scènes d’étreintes torrides, la fougue des rendez-vous clandestins permanents, rythmant les amours impossibles dont on sait d’avance qu’ils finiront mal.

Certes, il y a toute cette trame de l’amour contrarié dans le film, mais le titre Royal Affair est quelque peu trompeur et la liaison ici est bien plus qu’intime… D’ailleurs, l’essentiel de la liaison passionnelle des corps tient en quelques scènes plutôt pudiques et des échanges de regards attendrissants tantôt réservés, tantôt plus appuyés mais toujours subtils, car l’intrigante noblesse et la haute politique président les destinées et étouffent dans la naissance du désir le moindre espoir de bonheur en commun.

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Friedrich Struensee ; un précurseur des Lumières, fondateur du Danemark libéral

Friedrich Struensee servit comme médecin personnel de Christian VII,  pour traiter sa maladie mentale, avant de gagner sa confiance et de devenir un conseiller de l’ombre puis un conseiller d’Etat officiel dont l’action fut inspirée par la pensée libérale et sociale en réaction à la doctrine mercantile dominante héritée de la période colonialiste et expansionniste du Danemark.

Mikkel Boe Følsgaard, primé à Berlin pour sa performance, habite avec beaucoup d’intelligence et sans surjouer, le personnage du roi qui néglige son épouse et sa fonction, ne pense qu’à forniquer dans les bas fonds de Copenhague quand il n’inflige pas à tous, ses excès d’humeur et ses coups de folie. Malgré ses frasques et son incapacité réelle à exercer le pouvoir, ce roi favorisa momentanément l’émergence d’un Danemark plus moderne grâce aux conseils éclairés de son médecin.

Mads Mikkelsen s’avère tout aussi convaincant, en dépit d’un rôle plus linéaire qui vaut par les idées de son personnage, ses succès des débuts et également son échec face à la compréhension du système administratif et de l’évaluation de la puissance de la noblesse, plus que par sa personnalité ou son charisme dissimulé derrière une rigueur et un sérieux presque ennuyeux. Seul capable de gérer sa démence et de gagner la confiance, Friedrich Struensee s’est inévitablement épris de la reine Mathilde à qui il sut rendre sa place à la Cour et sut user de son influence pour changer ce Danemark aux mains d’une caste réactionnaire et conservatrice et y établir de nombreuses libertés.

Bien sûr, son zèle réformateur ne pouvait qu’attiser la jalousie des courtisans,  des aristocrates, du clergé, des marchands et de l’armée menacés dans leurs intérêts, qui voyaient d’autant plus d’un mauvais oeil le souci de faire des économies et de réduire la dette publique au détriment de leurs biens et de leurs pouvoirs. La fatalité du destin de Struensee est donc d’avoir été trop en avance sur son temps et trop ambitieux pour le peuple danois.

Parmi les réformes imposées : la liberté de la presse, la fin du servage des paysans considérés comme les propriétés et objets des nobles, la modernisation de l’administration, l’amélioration de la condition des travailleurs, du réseau scolaire et du système de soins de santé, la fin de la peine de mort pour de nombreux délits, réduction du pouvoir des nobles dans divers domaines, sans oublier la mise en place de conditions d’hygiène pour lutter contre les problèmes sanitaires et de la variolisation, l’ancêtre de la vaccination qui mit fin à une terrible épidémie de variole à Copenhague.

Son action fut caractérisée par un rythme de réforme effréné qui fit passer en peu de temps le Danemark d’un pays gouverné par un roi impuissant et une oligarchie issue de la noblesse qui administrait le royaume selon ses seuls intérêts, à un pays dont le roi est devenu souverain et réformateur. Paradoxalement et ironiquement, cet excès de liberté notamment dans la presse à une époque où les peuples n’avaient jusqu’alors pas mot à dire et subissaient le pouvoir de la noblesse et de ses intérêts s’est retourné contre Struensee et Mathilde.

L’enfermement, le meilleur lien entre les personnages

Ce qui réunit le mieux le roi, la reine et le mentor, c’est l’enfermement à la fois physique et psychologique. La pesanteur de l’environnement se ressent constamment. Inexorable. Elle contraste violemment avec les émotions intérieures et les tensions intimes qu’expriment les personnages. Même si Caroline-Mathilde et Struensee sont instruits et animés d’une fibre libérale, ils aspirent à changer un monde dont ils sont les observateurs lointains et presque étrangers.

Le roi, dans sa folie, apparaît presque comme le plus lucide et tout aussi conscient que les amants, des progrès nécessaires à l’amélioration du quotidien de son peuple, alors que ses conseillers s’évertuent à ignorer tous des intérêts des petites gens pour renforcer le sentiment d’inaptitude et d’inutilité chez Christian VII. Tels des prisonniers, les trois héros restent essentiellement confinés aux murs d’un immense palais glacial et assez vide, d’où ils regardent le monde réel à distance, sans jamais vraiment le voir, tout en ressentant mieux que le peuple lui-même ses besoins et sa nécessaire libération. Le peuple est hors champ.

Pour beaucoup sûrement, ce film est l’occasion de faire connaissance avec ce personnage exceptionnel que fut Friedrich Struensee. Un homme convaincu par les idées des Lumières, imprégné des pensées de Voltaire et Rousseau, dont le combat contre l’obscurantisme de son pays et le despotisme éclairé aboutirent pendant un temps à des réformes majeures qui pour la plupart furent restaurées quelques décennies après sa chute, à la suite d’un coup d’Etat fomenté par la reine douairière aidée. Son seul tort ayant été de vouloir s’attaquer aux privilèges de la noblesse pour  donner au peuple plus de droit à disposer de lui-même et d’avoir trop anticipé ses besoins de libertés et de justice, sans toujours savoir évaluer la puissance de l’administration du royaume..

Bien que ma connaissance de l’histoire du Danemark ne me permette pas de juger de la pertinence des informations et des reconstitutions historiques au niveau des décors et de la vie de la cour, Royal Affair réussit le tour de force d’être tout aussi divertissant qu’instructif.  On y entrevoit très bien comment l’association ambiguë entre Christian VII, Struensee et Caroline Mathilde a élaboré d’une certaine manière les fondations d’un Danemark plus moderne et plus conforme à ce qu’on en connaît aujourd’hui : libéral et social.

Retrouvez la page dédiée au film sur Allociné.

Pour aller plus loin à propos de Struensee

Sandrine Monllor (Fuchinran)

4 commentaires sur “Royal Affair ; le Danemark des Lumières : un film historique instructif mais ennuyeux”

  1. Le choix de cet acteur à la psychologie particulière suppose un sujet difficile…. je vais regarder ce film signalé par quelqu’un qui sait si bien nous indiquer le scintillement des lumières du 18 ème siècle dans le froid Danemark !

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