Découvrir l’Inde et la société indiennes, à travers ses femmes, ses castes…
Lorsqu’une société évolue, elle copie plus ou moins le modèle occidental. Pour le pire et le meilleur. Nos démocraties et nos lois seraient les plus justes au monde. Nous le revendiquons et nous battons pour cela. Comparées aux coutumes ancestrales de certains pays, nous sommes plutôt privilégiés..
« La société indienne change rapidement » écrivait un journal local il y a quelques jours, « avec les nouvelles générations se mélangeant sur les campus et les lieux de travail ». Mais…. Voici l’histoire de Pathak, une jeune fille de la caste des Brahmanes (la plus élevée dans l’échelle des castes indiennes). Pathak a étudié le journalisme à New Delhi où elle travaillait pour le compte d’un journal financier. Au cours de ses études, elle avait rencontré un garçon de la caste des Kayastha (« middle upper class ») Ils sont tombés amoureux, mais pressentant que leur union ne serait pas acceptée par les parents de la fille, s’étaient engagés secrètement. Jusqu’à ce que Pathak se rende compte que son père avait entrepris des recherches pour lui trouver un mari de la caste des brahmanes à Delhi. Ses parents avaient même commencé à redécorer leur maison en vue du prochain mariage de leur fille. Pathak s’est alors confiée à son frère aîné. « Il n’y a rien de mal à ton engagement avec ce garçon » lui a-t-il dit, « mais la société dans laquelle nous vivons n’est pas prête à accepter un mariage inter-castes. Tu ne peux pas changer la société ».
Lorsque le père a appris l’engagement de sa fille, il lui a écrit, puis est venu lui rendre visite à Delhi, depuis son village. « Oui, ce genre de mariage est valable selon la Constitution indienne, mais ce genre de loi n’existe que depuis peu, alors que nos croyances hindoues sont millénaires ».
Le corps de Pathak a été retrouvé, inanimé, dans sa chambre, à l’étage de la maison de ses parents le 29 avril dernier. Sa mère était la seule personne présente au moment de la mort. Pathak est morte étouffée. « C’est un suicide » ont hurlé les parents ! Qui, ensuite, ont accusé le fiancé (loin de la maison). En Inde, on se suicide en s’étouffant soi-même. En Inde, on étouffe à distance !!
Dans le village de Pathak, les habitants font pression sur la justice pour qu’on libère la mère (elle n’a fait que son devoir !) tandis qu’à New Delhi, les étudiants et amis de Pathak demandent que la justice suive son cours et reconnaisse ce « crime d’honneur » comme étant un meurtre.
« Ce genre de chose est en augmentation partout a déclaré Girija Vyas, un membre du Parlement Indien et à la tête de la « National Commission for women »
Le monde est rouge et cruel. Ici et ailleurs. Ici et autrement…
Pourtant… quelques jours après mon retour du Rajasthan, en marchant dans une petite rue proche de chez moi, j’étais arrêtée par la voix forte d’un chanteur et surtout par les paroles de la chanson qu’il balançait comme ça, tout en marchant. Imaginez les paroles fortes d’un Brassens sur la voix d’un Bob Marley. Voyant mon intérêt, il venait vers moi. L’air d’un rasta, les mots sages soufflés par quelques ancêtres lointains, le regard allumé d’un artiste, le sourire doux d’un jeune garçon qu’il n’était plus. On a bavardé un moment sur le trottoir. Il était tôt, nous étions seuls. Je lui ai proposé de prendre un café à une terrasse. Le moment de nous séparer venu, le chanteur improvisé me dit : « Vous m’avez offert un café, je voudrais à mon tour vous offrir quelque chose. Vous aimez les fleurs ? » Evidemment, qui ne les aimerait pas ? J’ai acquiescé. « Alors je vais vous offrir un bouquet ». J’ai protesté… disant que ce n’était pas nécessaire etc.…. « Je n’ai qu’une parole…venez » et il m’a entrainée jusqu’au marché Edgard Quinet tout proche. Là, il s’est introduit dans un stand de fleurs. Une dame très chic l’a apostrophé : « Ça va François » ? Je ne connaissais pas son nom…. Mais j’ai compris qu’il travaillait sur ce stand…. « Choisis » m’a-t-il dit. J’ai hésité entre les pivoines roses qui évoquaient la Chine ancienne et un bouquet de petits œillets d’Inde aux senteurs poivrées…. Et je suis repartie avec les œillets.
Le monde est rouge… avec parfois de petites lueurs de tendresse.
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