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Chinois de Thailande et société thaïe : une société « mélangée »?

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femme thaie chinoise

Au fil des années, la Thaïlande a su intégrer les millions d’émigrants chinois, arrivés sur son sol  entre 1920 et 1940. Et quasiment tous citadins aujourd’hui.  Ces chinois de Thailande furent bien accueillis dans la mesure où ils abandonnèrent leur propre culture, leur langue et leurs écoles.

Il y a quelques années, un universitaire avait comparé la culture thaïe à un détergeant. Emballée et prête à la consommation. « Excepté », ajoutait ce professeur, « qu’avec les détergeants, vous aviez au moins le choix » !

Une société chinoise « mélangée » au lao ou chinoise « sur » lao  ?

Pendant des décennies, les dirigeants thaïs supprimèrent tout ce qui était « chinois », dans le royaume, par crainte de l’influence politique communiste chinoise. Mais petit à petit, une conscience chinoise s’est réveillée et un historien a même écrit, en 1986, dans l’un de ses ouvrages, « que Taksin (rien à voir avoir le Thaksin ex Premier Ministre) – le roi ayant régné avant la fondation de Bangkok –  était d’origine chinoise » !

« Partout dans le monde, la globalisation a provoqué une résurgence des identités. En Thaïlande elle a pris une forme particulière. Certains de ces descendants chinois commencèrent à se plaindre de la version officielle de l’Histoire telle qu’enseignée dans les écoles du royaume et dans laquelle l’apport de leur culture avait tout simplement été gommé. Ils ne cherchaient pas à déterrer cette identité, mais souhaitaient  réhabiliter l’histoire et le rôle des chinois dans leur pays d’accueil. Ils y étaient heureux mais « désiraient juste un peu de reconnaissance., et une redéfinition de la culture thaïe comme le « melting pot » qu’elle était en réalité ». « Une société n’est puissante » écrivait alors Nidhi Eoseewong, « que si elle permet à différentes valeurs et façons de vivre de s’épanouir et de s’exprimer, car les chinois ont apporté une réelle richesse culturelle à la société thaïe ».  (« The Nation » du 29 aout 1996).

femme thai en train de tresser des paillasses

Et si cette cassure, cette brèche, cette fêlure entre « citadins » et « gens de la campagne », entre « nantis » et « pauvres » – ou plus précisément ente « middle classe » et « paysans »… devenue au fil des jours et des incompréhensions : « rouges » et « jaunes » « ammat » et « phraï » –  et si cette déchirure n’était autre qu’un malentendu ayant pris racine dans ces différentes origines : « chinoise-thaïe » (avec leur sens aigu des affaire et de l’économie) et «  lao » (paysans proche de la terre) ? …

Une culture thaïe que Sujit Wongthet décrit comme « jek bon lao »  traduit par « chinese mixed with laotian ». Alors que la traduction littérale de « jek bon lao » est : « chinoise  sur lao » (« au-dessus » de lao, donc Isan).

Et puisque l’on parle de « melting pot », pourquoi ne pas y intégrer toutes les ethnies de montagnes, Akkha, Lissu, Moussur, Karen, Hmong… laissés pour compte sans véritable identité bien souvent… et dont la « culture thaïe dominante » se sert sans aucune gêne, comme autant d’appels touristiques ?

femme agée thai

 Les chinois de Thailande, quels chinois ?

Echanger, c’est toujours voyager

Les chinois de Thailande sont partout  (et pas seulement) : de la vieille ville au quartier de Nimman et j’ai avec eux, des rapports que je qualifierai de joyeusement sympathiques au point de récolter des invitations, à Pekin et à Shanghaï. Ils sont comme ça !

Aujourd’hui la vague est touristique, elle ne le fut pas toujours : des voyageurs qui débarquent pour quelques jours sur leurs deux semaines de vacances. En général ils accordent une semaine à l’étranger et une semaine à la famille et aux ancêtres à l’occasion de fêtes nationales. Cette vague-là est curieuse (dans les deux sens, celui où elle s’intéresse à tout et dans le sens où elle se comporte de façon différente), et photographie tout,  mais vraiment tout…y compris eux-mêmes dans ce « tout ».

Les contacts avec les chinois de Thailande se font rapidement, que ce soit dans mon immeuble (la seule personne qui me parle – je veux dire qui tient une vraie conversation – est chinoise), dans l’avion, à mon retour de Hong Kong ou ici au « Black Canyon » café.

Je suis assise à côté d’un couple d’âge moyen. La dame, joli bracelet de jade laiteux et délicat au poignet,  cherche à attirer l’attention du garçon et crie « Waiter » ! Evidemment le garçon ne se retourne pas, « waiter », terme inconnu sur la planète thaïe. Je souris et en profite pour engager la conversation et expliquer qu’il vaut mieux dire « nong » (notion de « jeune » : petit frère ou petite soeur)  si elle veut que quelqu’un s’intéresse à elle. La conversation est aussitôt, animée, percutante, pleine d’exclamations, de questions, de rires, d’étonnements et bien sûr… de photos.

Yanping Chen et Nua Nie sont ici pour 4 jours, pas un de plus, ils viennent de débarquer et me sachant française veulent connaître l’adresse d’un restaurant français, qui, quel que soit son prix, leur laissera un souvenir inoubliable à vie ! (à ce propos il y a 2 sublimes restaurants français à Chiang Mai, pas des gargottes, mais des lieux de cuisine raffinée : le Coq d’Or et le Crystal. Je leur conseille le Crystal moins compassé que le précédent.)

« Que faites vous ici ? » « J’écris ». « Ouah, des romans !!  Quel genre ? Quel éditeur, où peut-on les trouver, quelles sont vos références sur Google, on va dire à nos amis à Ningbo qu’on a rencontré un écrivain français !! » ET de vérifier tout de suite sur Google, mon nom et mes références.

Lui travaille pour le gouvernement, elle est conseiller financier et leur fils envisage de faire des études en Allemagne. Upper middle class. Lui est allé de Dali à Lhassa en vélo pendant 15 jours. Ils sont partis à 4 sont arrivés à 3 et  a perdu 6 kilogs. Pourtant l’est tout rondouillard et binoclar…En route il a écrit son journal de bord et me propose de me l’envoyer (merci Google translation), me montre des photos sur son iPhone avec son vélo dernier modèle sur fond de décor montagnard sublime.

J’aime les voyages et ces deux heures de conversation à bâton rompu en font partie. Les Chinois que j’ai la chance de rencontrer parlent un bien meilleur anglais que les Thaïs en général.  Envie, détermination, obstination sont des facteurs très motivants.

Cette vague de touristes plutôt jeune remplace la vieillissante vague de farangs tout comme l’écriture chinoise est en train peu à peu de se substituer à l’anglais. Et j’entends maintenant les conducteurs de tuk-tuk crier : « Ni Hao » (hello)  et « Xie xie » (merci)!

Il y eut d’autres vagues chinoises en Thaïlande et je me suis intéressée à ces migrations, pas seulement parce que le grand-père de mon compagnon était du Fujian, venu au Siam dans les années 20, comme beaucoup de misérables Chinois fuyant la famine dans leur pays et finalement faisant souche ici, en Thaïlande, mais également à d’autres Chinois dont certains font partie aujourd’hui des « Amat », l’élite pro royaliste, pro armée thaïlandaise et dont certains furent et sont encore anoblis par la famille royale. Je veux parler des « Teochiu » (le plus puissant et le plus riche des réseaux souterrains, l’une des premières multinationales du monde. Les plus fortunés des réseaux chinois d’Outre-mer)  Et puis les «Jin Haw », les KMT (Kuomintang) qui ont fuit le communisme de Mao.

BLOG L6A9455

Les Chinois d’hier font leur « coming out »

« Fils du ciel » au « pays du sourire » !

En Thaïlande, une grande majorité de citadins a des origines chinoises, celles qu’on avoue, celles qu’on cache, celles qu’on doit taire, celles qu’on revendique : question d’époque !

Lorsqu’ils sont arrivés en masse, entre 1920 et 1940, à ces migrants chinois affamés et nus pieds, on  a dit : « oubliez votre culture, votre langue, soyez Thaïs, prenez des noms siamois ». Ce qu’ils firent. Pas le choix ! Ils étaient devenus si « Thaïs » que certains partirent même en croisade contre leur propre pays d’origine (faut dire que c’était l’époque Mao)

Les temps changent les sino-thaïs aujourd’hui sont dans la banque, les affaires, l’économie, la bourse. Il paraît que 80 % des capitaux sur le marché appartiennent à ces nationaux d’origine chinoise. Aujourd’hui on n’a plus honte d’être de descendance chinoise, mieux les « gros pontes » font leur « coming out ». Prayut (chef de la junte) se vante aujourd’hui d’être d’origine chinoise. Avant lui presque tous les Premiers Ministres étaient d’origine chinoise : Baharn Silapa-Archa, Samak Sundaravej, Chuan Leekpai, Thaksin, Somchaï, Abbhisit, Yingluck !

Il y a quelques années, lors d’une conférence sponsorisée par le gouvernement sur « intellectuels et Thaïlande » on conclut que « la « jek tendance » était largement dominante et les attaques sur la « thaïness » furent violentes. Kasian Tejapira osa même écrire qu’il se sentait « violé » par la « thaïness ». L’historien Nidhi Eoseenong a même comparé la « thaïness » à « un produit qui n’avait plus cours »  Constat amusant lorsque le chef de la junte aujourd’hui veut imposer une « soit disant « thaïness » aux enfants des écoles !!

Les pédaleurs de pousse-pousse d’hier sont devenus de riches chauffeurs de Mercedes, de Lamborghini, de Porsche (je regarde de mon balcon les nouveaux fils à papa !) Les anciens sans- savate sont maintenant ultra royalistes. Ils ont l’argent, donc le pouvoir, donc l’éducation, et ce qui souvent « va avec » : le mépris.

Le Siam a bien intégré ces Chinois : une vraie colonisation de l’intérieur. Une société, ou une culture, que l’historien Sujit Wongthet  décrit comme « jek bon lao » (jek  terme péjoratif) « chinoise et lao ». En fait citadine/ paysanne – riche/pauvre, – favorisée/défavorisée (pour schématiser).

Les Chinois ont une force et une capacité de travail que n’ont pas les Malais, les Indonésiens, les Philippins (euh… et nous) Une famille c’est une entreprise où chacun se relaie pour faire tourner la boutique 24h/24h. En France nous avons des lois (pas pour rien qu’en mandarin, France se traduit : 法国 « Fa Guo » : pays des lois) lois dont ils n’ont que faire souvent : la cantine au coin de ma rue à Paris est ouverte 7j/7j !

Ces « fils du ciel » n’ont aucune limite : » the sky’s the limit »

michele jullian devant des statues en chine
dans une rue en chine
Michèle Jullian

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