Soraya Rhofir ; retenez ce nom! La remise du prix Riard de la fondation Ricard est l’occasion de présenter une artiste méconnue, mais dont le travail de sculpture est novateur et créatif… grâce à des mises en scènes souvent improbables, qui permettent d’inventer des dialogues entre des personnages tout aussi incongrus!
Ayant été, comme une centaine d’autre personnes, invité à émettre un vote pour le Prix Ricard, j’avais le choix entre huit artistes, dont les pièces sont exposées à la Fondation Ricard jusqu’au 6 novembre. Ni thème unificateur, ni chapelle ou école, le choix était très ouvert entre huit jeunes artistes choisis par la commissaire Émilie Renard, le ‘miroir’ du titre de l’exposition n’étant qu’un vague prétexte. Mon choix s’est assez rapidement restreint à trois d’entre eux, les autres me semblant, à des degrés divers, un peu trop verbeux, délayés, ampoulés.
Je suis très sensible au travail tout en finesse d’Isabelle Cornaro, objets anciens dévalués, empreintes d’histoire, décors surannés, sculptures en grisaille, belle réflexion sur la forme et la fonction. J’ai aussi apprécié le travail de Julien Bismuth, détournant la moquette pour en faire une sculpture minimaliste, transformant le fou rire d’un opérateur de Morse en une séquence sculpturale de boules noires au sol ou épuisant un acteur comique en le faisant jouer sans public, en le contraignant à en inventer un pour pouvoir exister face à lui, faisant tourner à vide choses et êtres pour parvenir à leur identité élémentaire.
Mais c’est pour une relative inconnue, Soraya Rhofir, que j’ai voté : son ensemble compact de sculptures plates en carton, objets et statues antiques ou personnages de dessins animés, tels des accroches dans le hall d’un cinéma, profusion d’images formant un ensemble changeant selon l’angle de vision. C’est une mise en scène incongrue et poétique, une narration improbable que chacun peut inventer, faisant dialoguer Miss Piggy et la Vénus de Milo. Face à ce paysage de figures, on remonte aux photomontages et aux collages des avant-gardes et des surréalistes, dans la lignée de Paladini, de Klucis ou de Heartfield. Le travail de Soraya Rhofir, Double Conscience, m’a paru nettement plus novateur, plus créatif que le reste, posant des questions plus pertinentes et s’exprimant par un médium qui m’a séduit.