Est-ce que c’est le langage qui s’infiltre dans la pensée ou est-ce que ce sont les moeurs qui forgent la langue ? En tout cas, les langues amènent ceux qui les parlent à construire une réalité différente les unes des autres. Donc différente de la nôtre.
Les valeurs sociales sont très fortes en Thaïlande, forgées ou soutenues par le langage. Elles ont des effets sur la vie en communauté et dans la société. Richesse, pouvoir, âge, autorité, sens de la gratitude, esprit de tolérance… les thaïs sont, non seulement attachés à ces valeurs mais ils les respectent et elles ont une grande influence sur leur comportement, c’est bien pour cela qu’ils sont considérés comme « khon jaï dee » (bonnes personnes), qu’ils sont polis dans leurs gestes et leur façon de s’exprimer. C’est ce qui fait leur charme et ce qui impressionne tant les étrangers.
Dans la société thaïe, il existe quasiment autant de façons de s’exprimer que de différences de statuts.
– Il existe un vocabulaire propre aux moines par ex.. On ne dira pas « khun » (terme générique pour « vous ») à un moine, mais « louang phi » ou « louang phaw » ou « louang pou » (« louang » voulant dire : grand, royal, « phi », frère aîné, « phaw », père, et « pou » grand-père…On ne dira pas « tcheun » je vous en prie dans « veuillez accepter mes offrandes » par exemple – qui est pourtant très poli – mais « minnat » etc….
– Il existe un vocabulaire propre à la famille royale (Morgan Sportes le traduit bien dans son livre « SIAM »). Un moine qui s’adresse au roi dira « grand roi », mais vous ou moi, nous adressant au roi et à la reine, il faudra dire « taï faa la oong thou si phra bath : « moi, sous la poussière de la poussière sous la plante de vos pieds ». Si on s’adresse à un prince, on ne dira que : « sous la plante de vos pieds » Saisissez la nuance ! Si c’est à un prince du troisième rang, ce sera « plante de vos pieds » seulement.
Bref, il existe un vocabulaire (tout comme une façon de s’habiller) des gens « polis », et des autres…considérés comme « vulgaires » :
« Manger », chez les gens éduqués, c’est « rapphrathan », à la rigueur « than »… chez les autres, c’est « kin »… ces autres qui disent « kin bia » (« manger de la bière ») pour « deum bia » « boire de la bière »
La façon dont on s’exprime en thaï vous classe socialement dans les deux minutes de conversation. On saura si vous avez appris le thaï dans un bar ou à l’université.
Quand mon « chéri » signale à un interlocuteur inconnu au téléphone : « je suis « Phaw Haw », diminutif de « Phou amnuay kan » ce n’est pas pour se vanter d’être « directeur » de quelque chose, c’est pour mettre son interlocuteur à l’aise, afin que celui-ci sache comment s’adresser à lui. Subtil non, ? du même temps il se met aussi en valeur !
C’est simple le thaï ? Et s’il n’y avait que ça… bon, entre nous, il y a peu de chances pour qu’on s’adresse un jour à quelqu’un de sang royal… mais aux gradés, aux puissants, aux riches… si, peut-être… Alors ne dites pas à votre directeur de banque : allons manger une bière ! ce serait vraiment « plouc » enfin plutôt « baan nok » « maison de l’extérieur » littéralement… donc plouc !!
un « phou amnuay kan » gracieux