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La Thailande : Un pays aux 1000 visages

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La Thaïlande est un pays très apprécié des touristes et le tourisme participe grandement au développement du pays.. Mais faut-il pour autant s’en réjouir? Avec un chiffre de 7,5% de croissance par an, la Thaïlande affiche des taux à faire pâlir la plupart des pays occidentaux. Que cachent ce chiffre?

Un pays aux deux visages ou aux mille visages

L’économie de la Thaïlande est en pleine expansion et devrait progresser de 7,5 % cette année. Qui ne se réjouirait d’une telle information ? En contrepartie de cette embellie économique, des problèmes graves assombrissent ce paysage apparemment idyllique. Je dirai même doublement idyllique : les chiffres d’abord, et les idées que les touristes et visiteurs se font de ce pays.

La Thaïlande possède les plus beaux Spas du monde, les plus sublimes et délicates masseuses (je ne parle pas des massages douteux dans les endroits non moins douteux), mais de ceux des hôtels 4 et 5 étoiles, à  Bangkok, Phuket, Koh Samui et toute la chaîne des Koh (เกาะ « ile » en thaïlandais) de la Mer d’Andaman ou du golfe du Siam et même dans la poubelle qu’est, en général ,Pattaya. Poubelle parce que les ordures sont celles laissées par des « passants », enfin de certains passants et même de certains résidents.

Les standards d’éducation sont minables, la violence augmente partout chez les très jeunes et avec elle, ou ses conséquences, l’abus d’alcool et de drogue (qui n’a pas entendu parler de « yaa baa, » la « drogue qui rend fou ») « La société thaïlandaise est malade » écrit Sombat Rittidej, chef du département pour la surveillance de l’enfance dans le nord-est du pays (Isan). « Lorsque les enfants boivent et se droguent, ils quittent l’école, se battent, deviennent violents, sans parler des violences sexuelles ».

Les analystes relèvent des chiffres élevés d’enfants « addicts» aux méthamphétamines (yaa baa), ce stimulant en principe illegal, mais présent partout, et spécialement chez les pauvres. « L’utilisation de cette drogue est tellement préoccupante que des chercheurs de l’Université de Yale se penchent en ce moment sur ce problème afin de tenter de comprendre si des facteurs génétiques particuliers n’enteraient pas en ligne de compte,  qui pourraient expliquer  l’addiction particulière à cette drogue en Thaïlande ». (International Herald Tribune)

Dans certains villages d’Isan, les batailles entre gangs sont  si courantes que la police est appelée jusqu’à 10 fois dans une journée dit Chalerm Phuttaisong, un officier de police.

L’alcool le jeu, le sexe chez les très jeunes ainsi que le manque de respect des lois (et des parents) sont maintenant les problèmes préoccupants dans de nombreux villages réputés tranquilles auparavant, tandis que le taux d’avortement fait des bonds.

J’ai mal à ce pays, il est un peu le mien, celui de mon choix en tout cas…. J’ai mal à en pleurer parce qu’il représente une sorte d’Eden touristique fantastique pour des millions de visiteurs qui viennent profiter des plages et de l’accueil de cette population si particulière.  Mais ça n’est qu’une face de ce pays. Derrière les cocotiers, les plages de sable blond, la douceur de vivre et le sourire il y a aussi les filles si belles et si accueillantes. Accueillantes au point, parfois, souvent, d’offrir leur corps afin de faire vivre leur famille,  en faisant croire aux « touristes passants » – rires et alcool aidant – qu’elles font ça par vice, par plaisir ou amour de l’argent, Ouvrez les yeux et regardez au-delà de la beauté en train de sombrer… Découvrez un pays au-delà des apparences. La Thaïlande, ce n’est pas les Baléares de l’Asie c’est un pays qui cache aussi une misère, terrible, car elle touche les plus jeunes.

Vous connaissez la Thaïlande, vous croyez connaître la Thailande ?

 Je suis frappée, lorsque le hasard m’amène sur un forum de discussions sur la Thailande, par le côté souvent péremptoire des commentaires postés par certains voyageurs ou touristes. Les Thaïlandais, en dehors de quelques rares exceptions, ne parlent pas français et c’est tant mieux. Etre  « décortiqué », « jugé » (le pire) par des « étrangers » qui ont des perceptions de leur pays à l’aune de leur propre vision de la vie et de leur propre culture risquerait de les choquer. Même si certains mots sont les mêmes, leur traduction est loin d’avoir la même équivalence. Certains thaïs seraient outragés qu’on réduise leur pays à quelques lignes dans un forum, d’autres soulèveraient leurs épaules avec un mépris tellement glacial que les auteurs de commentaires seraient « réfrigérés » pour un sacré bout de temps.

J’écris comme je prends des clichés et mes clichés sont multiples. Mes deux romans (THEATRE D’OMBRES – LA OU S’ARRETENT LES FRONTIERES), un troisième en cours plus des centaines de chroniques sontautant de tâtonnements de questionnements, d’approches d’un pays qui n’est pas le mien et ne le sera jamais (c’est ainsi). Je ne juge pas, je décris comme je photographie. Avec zones d’ombres et de lumières, avec jours et contre jours, avec sur expositions et sous expositions.

J’aurais l’occasion de revenir sur une société que les touristes ont peu de chance d’approcher et pour cause…. Cette classe là – ammart ou haute bourgeoisie possédante – n’aime pas vraiment les farangs. Désolée.

Je me souviens … Une anecdote et une claque aussi ! Je rencontrais par je ne sais plus quel biais compliqué, des représentants de cette digne classe possédante de Chiang Mai (certains avec particules nobles « na » ). C’était l’époque ou mon compagnon était en poste dans un modeste village Karen de la montagne. Bref….

Je représente d’un coup la « parisienne » qu’on invite, qu’on exhibe. J’évoque la télévision, les personnalités politiques et artistiques rencontrées à Paris lorsque j’y travaillais etc. Ca flatte mes hôtes. J’entre réellement dans les jolies villas, les maisons chics avec feu de cheminée (si, si). Maee Rim, le Neuilly-Passy de Chiang mai. L’initiateur de ces rencontres, hôte charmant me place toujours à sa droite, honneur insigne. Il « adoooooooore » mes photos, comme ses invitées « adoooooorent’ Chanel ! Il fait circuler mon book et envisage une exposition dans un de ses nombreux locaux (il possède hôtels 5 étoiles, Spa de luxe, ateliers de faïence chinoise etc…)

Au cours de ce dernier dîner, je commets une faute. (C’est là où les différences de cultures apparaissent brutalement). Je parle de mon « chéri », ce « minable fonctionnaire en poste dans la cambrousse » Je ne remarque pas tout de suite combien l’air se fige tout à coup. Je suis tellement contente de parler de l’homme que j’aime, d’exhiber sa photo en bel uniforme de « karadjakarn ». On se sépare, on se dit « à bientôt pour l’expo » etc..

Lorsque je me rends deux jours plus tard au rendez-vous fixé par mon hôte si charmant, il n’est pas là. La fille qui me reçoit est ennuyée. « Je l’attends ? » je propose. Elle ne me contredit pas, se contente de sourire. Et j’attends. J’attends toute une heure. Ce n’est pas cette attente qui me gêne, on est en Thaïlande après tout – mais c’est le fait que mon « ami » ne se manifeste pas pour s’excuser ou reporter le rendez-vous. L’Asie, je l’ai prise par d’autres bouts que la Thailande (on comprend lorsqu’on lit THEATRE D’OMBRES), et je sais qu’appeler serait une faute de goût impardonnable, une humiliation. Alors je ravale ma fierté et mon ‘book » sous le bras, je quitte les lieux. Adieu expo photos. Plus personne ne m’a jamais rappelée alors qu’il y avait d’autres dîners prévus.

Vous connaissez la Thaïlande ?

Vous croyez connaître la Thailande ?

Suffit pas de vivre 10 ans dans le même village avec le même environnement, il faut essayer de franchir les différentes frontières qui cloisonnent cette société thaïlandaise verticale.

Vendre son corps mais pas son âme…

Les chiffres du chômage en Thaïlande font rêver (pour autant qu’ils soient exacts) : 0,6 % en septembre contre 0,7 % au mois d’août. Pour une population active de 39,8 millions. Mais il faut se placer dans le contexte. Les patrons des petites entreprises (bars, restaurants, salons de coiffure, salons de massages etc…) tout petit commerce – et le petit commerce CEST LA VIE en Thaïlande –  ne paye pas de charges sociales. Les employés sont « mobiles ». Dans les deux sens. Autant parce qu’on les congédie facilement qu’eux ont la bougeotte.

En contrepartie, toute personne est libre d’ouvrir un petit business sur la rue, sur un terrain vague… les terrains inoccupés n’existent pas à Chiang Mai, chaque emplacement est aussitôt occupé – définitivement ou  provisoirement –  pour des fringues, du café, des massages, de l’artisanat, un restaurant mobile sur cantine à roulettes. La nourriture en Thaïlande c’est à toute heure du jour ou de la nuit.

Si on dispose d’une pièce dans la maison, on peut offrir les services de « laundry », lavage, repassage. Dans la succursale de ma banque au coin de mon soï, une succursale grande comme un mouchoir de poche, il y a le staff habituel plus un gardien qui ouvre la porte et appuie pour vous sur la machine qui distribue les tickets d’attente avec numéro. Ben oui, y’a 3 guichets !

Tout le monde ici « se débrouille ». Certains s’improvisent guide, chauffeur, intérim sur chantiers. La dame pipi dans les toilettes d’autoroute ou de stations-service, vous tend le PQ à  l’entrée. Aucune aide au chômage. De la pure débrouille, de l’imagination, du culot, de l’esprit d’entreprise, du courage… du « maï pen raï »* aussi…Pas forcément de la persévérance car il existe une telle « liberté » dans le travail que  si on le perd d’un côté on en retrouve assez vite de l’autre.

J’attends les jugements péremptoires. Quoi ! Pas d’aide ! Pas de sécurité ! Non ! Jamais d’argent sans contrepartie. Ceux qui ont du sang chinois sont « entrepreneurs », plus souvent patrons qu’ouvriers, mais la réussite exige 12/15 heures de travail par jour. Ou plus. Les thaïs/thaïs sont plus facilement fonctionnaires – karadjakarn – pour la sécurité de l’emploi et pour la retraite, (les seuls qui en recoivent) Laquelle se présente sous deux formes : (et c’est là où l’on reconnaît l’esprit commercial de l’Asie) soit une somme forfaitaire globale et définitive en fin de contrat (correspondant au grade et à  l’ancienneté), pactole qui permet d’ouvrir un petit commerce… soit une petite retraite pour le reste de la vie.

Les jeunes en Thaïlande sont ingénieux s’ils veulent se payer le dernier IPhone ou IPad. Bien sûr il y a la prostitution, mais ce mot n’a pas cours officiellement. Il y a des filles et des garçons qui, dans les bars, proposent des « short times »  et gagnent plus que les profs d’université s’ils sont courageux. Il y a les petites mignonnes des restaurants, des boutiques de malls, des hôtels ou des supermarchés qui demandent joliment et gentiment le numéro de téléphone des farangs seuls, « Tu es libre ce soir ? » « On peut diner ensemble ? » et si le farang est gentil il deviendra une sorte de « régulier » et la fille proposera éventuellement et ingenument une « petite sœur » qui a besoin d’argent ou une cousine, sans qu’aucun lien autre que la liberte choisie ne soit créé.

Juger un pays sans connaître le contexte et lorsqu’on perçoit : aide au logement, aide scolaire, aide familiale, allocations familiales, allocations chômage, sécurité sociale, chèques vacances, chèques restaurants,  retraite… (.ET LES IMPOTS QUI VONT AVEC BIEN SUR) serait inconvenant. Mais les choses sont-elles en train de changer ?

Voilà pourquoi les thaïlandais modestes croient les farangs riches : « ils touchent de l’argent même lorsqu’ils ne travaillent pas ». Et si je mens que j’aille en enfer !

Blog 2426

* sorte de philosophie basée sur « finalement rien n’a vraiment d’importance », « qu’est-ce que ca peut faire »

On est tous dans le même bateau

Toujours plus d’évacuations tandis que l’eau, inexorablement continue d’envahir le centre de Bangkok. Si elle n’est pas évacuée plus vite vers le golfe de Siam, c’est que les hautes marées forment une sorte de barrière lui obstruant le chemin.

« On est tous dans le même bateau » titre un article du Bangkok Post.

« Le directeur du FROC (Flood Relief Operations Command) et ministre de la justice, Pracha Promnok, qui avait pourtant bien protégé sa maison de « 5 couches de sacs de sable » a vu celle-ci et ses 10 voitures inondées ».

Autre victime VIP, le ministre des transports Plod Prasap qui a maintenant deux de ses trois maisons près de la Chao Phraya sous les eaux, mais « il a pu mettre au sec 20 poulets, 20 canards et 6 paons indiens en les confiant à son personnel ! Ses 3 luxueuses voitures sont, elles aussi entourées d’eau ».

Sur le terrain, la ligne entre héros et victimes est mince : des militaires font de leur mieux pour mettre des victimes à l’abri, certains ne sont même pas retournés chez eux depuis des jours en dépit de leur propre maison inondée. Et ils s’activent sans attendre d’avoir les caméras sur eux.

Ce désastre est un défi pour chacun : « Personne ne peut imaginer combien c’est dur de venir travailler sur une petite embarcation en plastique et en ramant » dit un journaliste.

« Le problème aujourd’hui n’est plus de croire ou de suivre tel message ou annonce tant ils sont contradictoires, ni d’écouter les spécialistes de toute sorte : experts en irrigation, géographes, ingénieurs, urbanistes, professeurs », c’est de se comporter en êtres humains solidaires comme le font la majorité des gens touchés par cette catastrophe.

 « Ou est Noé et son arche ? » demande une journaliste dans « Life »,  supplément du Bangkok Post,  qui a dû fuir précipitamment sa maison en n’emportant que quelques biens dans un camion militaire de 20 tonnes. « Autour de moi, c’était comme dans le film « Armageddon », mais comme je suis catholique je dirais plutôt comme dans « Exodus ».

« J’étais muette devant ce que je voyais, tentant de trouver une explication à ce scenario. Je suis passée au travers des dizaines de désastres naturels et humains, de coups d’état, d’explosions terroristes, de guerre en Afghanistan, de tremblements de terre de force 8, d’incendies, de typhons et maintenant cette inondation géante. J’étais triste de quitter ma maison dont on m’a dit qu’elle était maintenant sous 2 mètres d’eau, mais cela m’a amenée à la réflexion que nous ne sommes que des passagers sur cette terre et qu’il vaut mieux ne pas s’attacher trop aux biens de ce monde. Accepter de perdre des biens matériels procure une certaine paix. J’ai la chance de ne pas avoir perdu la vie, et j’ai toujours les gens que j’aime autour de moi »

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Cocktail mortel (ignorance, foi aveugle, désinformation, peur infondée)

Crise de civilisation. Crise d’identité… La Thaïlande, comme la France, est empêtrée dans des problèmes qui n’osent pas dire leur nom. Alors que la sagesse serait d’en parler. Sans passion. Sous peine – silence oblige, autocensure oblige – d’éclater comme une grenade dégoupillée. L’explosion est fatale et ce n’est plus « si », « comment » mais « quand » ?

« En Thaïlande, le pays respire peur et paranoïa » écrivait Voranai il y a quelques jours dans le Bangkok Post. « La nation a un problème d’identité et le peuple vit dans les affres de l’incertitude » (pas forcément visible pour les touristes qui ne voient que le sourire et qui ne connaissent des thaïs que ce que ceux-ci donnent à voir. Au sein d’une même famille on évite de parler de tout ce qui pourrait toucher de près ou de loin à la politique sous peine de faire éclater les liens. En Thaïlande, la violence n’est jamais évacuée par des discussions. On l’entasse. On l’enfouit. On boit un peu plus, on rit plus fort.

Mon « chéri » est un peu mon maître-étalon de la société thaïlandaise. Famille modeste. D’origine chinoise. Mère exemplaire, père travailleur, pas la misère mais la volonté de travailler chevillée au corps. Avec honnêteté. Frères et sœurs fonctionnaires. Mon « chéri » a prêté allégeance au roi. Ce qu’il est capable de taire sans jamais quitter son sourire qui me fait craquer et me gardera amoureuse de lui tout le temps qu’il le gardera, cache ce que seuls, certains proches de moi connaissent. Du drame de sa vie. Il ne m’en aurait jamais parlé si je ne l’avais découvert moi-même et par hasard. Sa fille a disparu (quelles que soient les circonstances, que je tais) Alors que nous sommes proches, il ne m’aurait jamais « ennuyée avec ça, car c’est le problème de son ex-femme et le sien » Voilà un thaï ordinaire dont on ne peut, en le rencontrant, imaginer le combat et la souffrance. C’est important pour moi de toujours étayer mes chroniques d’éléments concrets. Tout comme mes romans ancrés dans la réalité thaïlandaise).

« Dernièrement un comité d’intellectuels basés à l’étranger, le comité Nitirat (« le peuple de la loi ») a suggéré d’amender le terrible article 112 (lèse-majesté)de la constitution  Cet article est une arme pour faire taire les dissidents politiques » (The Nation)

« Une pétition a été signée par des milliers de personnes qui étaient d’accord dont quelques « sang bleu », des personnalités de la vie civile dont l’ancien chef d’état Anand Panyarachun. Amendement qui passait pour une bonne idée nécessaire afin de préserver la démocratie et les droits des citoyens. Consensus général. Et puis tout à coup, renversement de situation. Le groupe Nitirat est moqué, vilipendé. Finis les soutiens. Même les « chemises rouges » prennent leur distance. Même l’université Thammassat et la faculté de journalisme. Voranai du Bangkok Post rappelle à cette occasion, que l’université Thammassat dont son recteur disait que « chaque centimètre carré respirait la liberté » et qui avait admis récemment en son sein une jeune étudiante de 19 ans accusée de « crime de lèse-majesté ». (Bangkok Post)

L’université Thammassat qui s’est toujours battu pour la liberté et les droits de l’homme…

Nirmal Ghosh du journal « Strait Time » de Singapour, se souvient. Il y était. « Etudiants, battus, abattus, traînés sur la place Sanam Luang »

Relisez « Théâtre d’Ombres » *. Chapitre « le black may » de monsieur Issara » (roman écrit entre les lignes d’une partie de l’histoire de la Thailande)

En 1976, il y avait des appels à la violence. Tout comme aujourd’hui. Un échantillon : le général Prayuth en réponse au groupe Nitirat : « Aujourd’hui, je ne sais pas d’où viennent ces gens (ces intellectuels thaïlandais du comité Nitirat)  ou si leurs ancêtres sont nés en Thaïlande. Mais s’ils parlent négativement de la monarchie, alors je parlerai aussi négativement d’eux »

Autre échantillon : un intervenant à la radio a clamé : « coupez la tête à tous ceux qui réclament l’amendement »

Il y a 36 ans la haine contre les étudiants était le résultat d’un cocktail mortel d’ignorance, de foi aveugle, de peur infondée et de désinformation (The Strait Times)

BLOG 0789

(La suite du feuilleton demain)

* »Theatre d’Ombres » Editions de la fremillerie

 Voilà pourquoi votre fille est muette

« Voilà pourquoi votre fille est muette »…  expression utilisée par dérision, en guise de conclusion à une démonstration confuse ou verbeuse ou –  au contraire –  pour expliquer quelque chose qui est d’une totale évidence.

L’effet comique de cette phrase du théâtre de Molière (« Le médecin malgré lui ») a suffisamment marqué les esprits de l’époque pour qu’elle en devienne  une expression aujourd’hui.

Cette phrase, en titre et en exergue va également servir de conclusion à ma note…

Mais reprenons depuis le début avant de retourner à Molière.


Un homme vient de mourir en prison. « No big deal » quand tant de personnes meurent de façon injuste de par le monde, pour cause de guerre, de famine, d’injustice et plus souvent de « connerie » des hommes… Lui s’appelait Agong (grand père en chinois), du même nom que le grand-père de mon compagnon thaïlandais…

Cet homme aurait (sans aucune preuve à l’appui) envoyé 4 sms injurieux pour la royauté au secrétaire particulier de l’ancien Premier Ministre Abbhisit. Condamné à 5 ans de prison pour chaque sms envoyé. Donc à 20 ans. Comme le pire des criminels.  Il ne savait probablement pas comment envoyer ces sms (moi non plus d’ailleurs), et comment aurait-il pu obtenir le numéro de tel du secrétaire particulier d’Abbhisit ? On ne le saura jamais. De même qu’on ne saura pas non plus de quoi il est réellement mort à 62 ans, dans cette prison de Bangkok, en dépit de l’autopsie entreprise. De même que les thaïs ne connaîtront jamais le contenu de ces 4 sms (il y a des journalistes un peu fous qui pourtant ont eu le temps de le mettre sur le net.. mais ne comptez pas sur moi…) Le peuple ne saura jamais, car le simple fait de divulguer ces informations– ne serait-ce que pour savoir où placer le curseur de l’insulte – est DEJA une insulte envers la royauté.

La Thaïlande a un côté sombre, Shakespearien, « Macbéthien » avec sa lady Macbeth outrageusement maquillée, cruelle et somnambulique (dans la pièce de Shakespeare  bien sûr !). Ce côté obscur de la Thailande est l’inverse absolu du tempérament thaïlandais : souriant, gracieux, respectueux, poli. Est-on soumis par nature ou l’est-ton par contrainte ? Les tyrans modernes, comme ceux du passé, portent des masques de bienveillance et ne punissent que se vous élevez la voix, si vous sortez du rang ou si vous pensez tout haut.

Donc les Thaïlandais n’élèvent pas la voix, ne sortent pas du rang, ne pensent pas tout haut…C’est comme cela que l’élite qui les gouverne les aime : policés, silencieux, déférents.

Pourquoi les thaïlandais en général ne sont-il pas davantage intéressés par les affaires de leur pays : son histoire, son passé, le cinéma, les arts, la peinture, la sculpture, la photo… en dehors de tout ce qui est ultra conventionnel, empreint de conservatisme ? « Le pouvoir contrôle, bride, brise parfois l’expression artistique en lui imposant ses normes par le dictat de la censure et sa propension chronique à rejeter toute forme d’expression qui ne valorise pas l’art traditionnel et les valeurs sociales culturelles et religieuses qu’il véhicule » écrit Philippe Plenacoste dans le magazine Gavroche de ce mois.

Pourquoi les thaïlandais s’endorment-ils si vite lorsqu’ils sont dans un bus, un train, un avion ? Parce qu’il ne faut pas trop penser. Pourquoi ne lisent-ils quasiment jamais en dehors de bandes dessinées ou de livres sur le bouddhisme ? Parce qu’il ne faut pas trop penser… D’ailleurs mon compagnon ne manque jamais de me le répéter : « Tu penses trop », sous-entendu c’est mauvais… Eh bien le diagnostic est evident…. Penser est dangereux, parce que la pensée mène parfois à l’action. On dit bien : « Khit dee, phout dee, tham dee » « pense bien, tu parleras bien et donc tu feras bien… »….

Eh bien, pour paraphraser Molière, voilà « Pourquoi votre fille est muette ».

La Thaïlande comme dans un jeu de « KAPLA »

J’ai découvert il y a peu, grâce à mes petites filles, un jeu pour enfants – fait de centaines de petites pièces de bois naturel – appelé « Kapla ». On peut construire des ponts, des maisons. Tout est laissé à l’imagination. L’ensemble repose sur l’équilibre. Qu’une seule pièce manque, l’édifice risque de s’affaisser. Il faut alors rééquilibrer. Si l’on ôte plusieurs pièces, c’est tout l’édifice qui s’écroule. Telle est la société thaïe.

Plus que toute autre société, la Thaïlande doit son équilibre à quelques principes de base, bien ancrés dans la mémoire collective (donc la culture).  Une légitimité du pouvoir représentée par le roi et une hiérarchie compliquée et mystérieuse ; Jusqu’à présent et depuis des décennies, cette légitimité n’a jamais été vraiment remise en question (difficile d’expliquer pourquoi sans prendre de risques), grâce à un enseignement basé sur le « bourrage de crâne ». Je le sais j’ai enseigné pendant 4 ans sans jamais pouvoir casser ce système. Comme mes élèves étaient en M5.M6, c’est-à-dire les 2 dernières années avant l’entrée à l’université, c’était trop tard pour « casser le moule » et leur apprendre à penser par eux-mêmes !

Donc les thaïs partagent une même identité (inculcation du principe de « thaïness), une identité qui réunit. Qu’une seule personne ou qu’un groupe vienne à mettre en doute ce principe, c’est l’édifice du « Kapla-Thaïlande » qui menace  de s’écrouler. C’est ce qui est en train de se passer.

J’ai la chance d’être trans-border. Je franchis des frontières, les vraies et les imaginaires, mais surtout les frontières culturelles à l’intérieur de la société thaïe. J’échange chaque jour avec des thaïs de toutes les couches de la société : conducteur de tuk-tuk (je connais leurs blagues), vendeurs de rues (je suis cliente) riches sino-thaï, golden boy du stock exchange de Bangkok, étudiant de CM University, chercheur, journaliste, retraités etc.. les opinions divergent mais ces gens parlent de leurs doutes concernant le système. Et s’ils me parlent c’est que je suis bavarde, je vais vers eux, j’inspire confiance, je suis « adaptable » (barrez ce que vous voulez).  Beaucoup mettent en doute le système, sa légitimité, sa hiérarchie. Et c’est bien ce que craignent ceux qui veulent faire marche arrière à ce pays. Ils ne veulent pas que le système établi par eux depuis des décennies soit remis en question.

Je tente donc quelques explications pour comprendre cette société. La Thaïlande c’est la culture de la « déférence », du « krengjaï » si vous préférez. Dans le dico, déférence c’est : « avoir des égards particuliers envers des personnes pour leurs opinions, leur jugement, leurs qualités, leur valeur (complaisance, obséquiosité, hommage, respect sont des synonymes). La vraie déférence est celle que l’on montre à l’égard de ceux qui possèdent des « choses » immuables : l’âge, le rang social, la famille, la richesse..  la déférence s’exprimera de différentes façons selon que vous êtes enseignant, parrain, moine ou gangster (ou politicien, souvent la même chose).

Quand on a le « bon » nom de famille, le titre, l’entregent, la richesse, toutes les portes s’ouvrent sans aucune difficulté et la justice ne fonctionnera pas de la même façon si vous commettez un crime qui vaudra la prison à un pauvre paysan, mais pas à vous. C’est un système, une culture.  En tant qu’étrangers on peut comprendre ce système mais nous nous interrogeons sur son principe qui n’est pas basé sur la valeur ou le mérite mais sur le nom, la lignée, l’argent. C’est le fondement du patronage et du clientélisme accepté par ceux qui offrent et ceux qui protègent, par ceux qui attendent en retour et par ceux qui accordent leurs bienfaits ! Un système tellement ancré dans la société thaïe qu’il est difficilement discutable, remis en question, critiqué ou discuté. Il doit être accepté. Ou…

Pour donner un exemple concret, et là je me réfère à une étude de Christopher Moore sur la société thaïe (traduction approximative de mémoire) : Certaines personnes ont critiqué la constitution de 1992 qui exigeait que les candidats au parlement (MP) aient un diplôme universitaire, une façon d’exclure tout candidat venant des classes rurales qui n’ont pas bénéficié des mêmes études. Mais, ce qu’il y a d’intéressant c’est que cette exigence est complètement acceptée par les classes rurales elles-mêmes, c’est-à-dire les « moins éduqués ». De leur point de vue « seulement quelqu’un avec un diplôme universitaire peut obtenir le respect des officiels du gouvernement et donc plaider leur cause auprès d’eux » ».

J’ai toujours entendu ça moi aussi lorsque j’habitais en Isan. Pourquoi respectez-vus autant et pourquoi élisez-vous tel riche parrain ? « Justement parce qu’il a de l’argent, quelqu’un de pauvre ne pourrait pas nous défendre ».

MAIS et voilà où ça commence à être intéressant. Les jeunes thaïs voyagent, ont accès aux médias sociaux et donc ouvrent les yeux sur d’autres systèmes (pas parfaits non plus, mais DIFFERENTS). Alors le questionnement commence. Et quand le questionnement commence… l’édifice tremble…

toitures en thailande

Lorsque les divinités sont devenues sourdes

L’affaire de Agong – ( le grand-père qui « aurait » envoyé 4 sms injurieux vis-à-vis de la royauté au secrétaire de l’ancien Premier ministre Abbhisit,  condamné sans preuve à 20 ans de géole et décédé récemment en prison) – cette affaire continue de faire beaucoup de bruit. Sans doute davantage à l’extérieur du pays qu’à l’intérieur où j’ai été surprise de constater que les regards devenaient interrogatifs (sincères) ou vagues (sages) lorsque je prononçais le nom de ce grand-père devenu célèbre malgré lui. Les thaïlandais ont tendance à jouer les fameux « 3 petits singes de la sagesse chinoise », lorsqu’on évoque devant eux des sujets qu’ils ne connaissent pas ou ne veulent pas entendre… ces trois petits singes qui ne voient pas, n’entendent pas, ne parlent pas. « Agong ? Jamais entendu parler… »

On peut vivre en Thailande et rêver que ce pays est celui de la douceur de vivre… Beaucoup de  thaïlandais en sont persuadés et peut-être sont-il sages après tout. Mais la société bouge et évolue en dehors d’eux, ou avec eux. Et à force de garder les yeux fermés, ils vont se réveiller un matin avec de terribles surprises.  Sans doute y pensent-ils parfois, mais… « Demain c’est loin et demain est un autre jour » dans une société où beaucoup vivent… au jour le jour justement.

Quand les dieux sont devenus sourds, les déesses de pacotille prennent la place. Déjà il y a deux ans, un chanteur conservateur s’était érigé en juge du haut de son estrade et avait hurlé sa haine avec des tremolos dans la voix : « Que ceux qui n’aiment pas mon père quitte ce pays, ce pays n’est plus leur pays, qu’ils dégagent  etc.. ». Aujourd’hui c’est une autre « Dara » (star) de la scène qui envoie ceux qui ne sont pas d’accord avec elle « en enfer ».

Joli mélange d’Angelina Joli américaine et de Clotilde Coureau française, elle se surnomme Tak et a joué dans le célèbre film « Tom Yam Kung ». Elle fait le buzz sur le net en ce moment… Un buzz qui se passe entre « pro » et « con » de l’amendement de l’article 112 concernant les crimes de lèse-majesté. (« Amendement que ni le gouvernement, ni le « Pheua Thaï », ni l’UDD n’ont les couilles de remettre en question » écrit un prof d’université de Chulalongkorn, pro amendement, dans le « Bangkok Post » « Couilles » ? non il n’a pas écrit ce mot, c’est ma propre traduction)

Ce qu’a écrit Tak à la jolie plastique, à la bouche de vipère et à l’attrait de gorgone  : 4 commentaires dans le cyberspace, 4 commentaires dont voici la teneur : « Agong est mort, c’est son karma » – « C’est bien fait qu’il soit mort, le pays ne s’en portera que mieux » – « Notre pays s’en porte déjà mieux depuis qu’il est mort » –  Et puis encore ceci : « Je me fiche que vous vous soyez moqué de moi ou que vous m’ayez critiquée parce que je montrais mes seins, mais je ne suis pas idiote, pourquoi vous battez-vous pour Agong ? Lorsque vous mourrez, vous irez le rejoindre en enfer parce que Agong est définitivement en enfer pour avoir insulté mon père ».

Peut-être faudrait-il s’entendre sur le sens du mot amour en Thaïlande. Si cet amour rend aveugle, sourd et muet, si cette forme d’amour engendre la pire des haines, la haine de l’autre ; du frère, de la sœur, alors cessons d’honorer les dieux qui de toute façon sont devenus sourds et ne restons que des humains. Des « humains » à la façon énoncée par Nietzche : en tenant compte d’une réalité en nuances, en gradations.


La société thaïlandaise est en mouvement miss Tak et vous deviendrez vieille vous aussi. Vos propos de haine ne font que monter les uns contre les autres, des frères et sœurs qui en général évitent l’affrontement dans la conversation, mais qui pourtant,  à force d’évitement, risquent, un jour d’être confrontés à « une guerre dans la ville » –  traduction exacte de  สงครามกลางเมือง (« Songkram klang meuang » : guerre civile).

Tolerance begins at home : enseigner en Thaïlande est dangereux

A l’heure où la polémique fait rage aux Etats-Unis concernant la construction d’une mosquée sur « ground Zero » et la proposition d’un pasteur évangéliste de brûler le coran, à l’heure où l’on peut lire sur des pancartes brandies par un groupe d’avocats musulmans pakistanais (International Herald Tribune), « Talking harmony, acting racist » « Who is exremist : racist american or victim musulman » etc etc…on ne parle pas beaucoup dans les medias français de ce qui est en train de se passer dans le sud de la Thailande, ni de ce que vivent les enseignants dans le contexte de violence permanente. « Un mort par jour m’avait dit un journaliste suisse, il y a quelques années, ça ne fait pas la une de journaux » ! et pourtant…

Hier 9 septembre, deux enseignants – mari et femme – ont été assassinés en plein jour alors qu’ils se rendaient en moto àleur école, dans la province de Narathiwat. Ils avaient le tort d’être bouddhistes et enseignants.

135 enseignants et personnel des écoles ont déjà été tués depuis 2004. Lourd tribu pour petits salaires. « La « tuerie » de ces enseignants avait été annoncée la veille par des « flyers » sur lesquels on pouvait lire : «  Wanted  : 20 deaths of buddhists teachers » déclarait hier Sanguan Inrak, président de la fédération des professeurs. « Les enseignants ont peur et ces messages d’avertissement sont une tactique habituelle des insurgeants. Moines et enseignants (bouddhistes mais pas seulement, des enseignants musulmans travaillent, eux aussi,dans les écoles d’état) sont la cible des tueurs »

Pourquoi ? Toujours d’après Sanguan Inrak interviewé par l’A.P. (Associated Press) : « Parce qu’ils représentent l’état central, le gouvernement de Bangkok. Pensez-y, si vos enfants ne peuvent plus aller à l’école, parce que les professeurs ont trop peur, quelle option leur reste t’il ? Très simple : les envoyer dans les écoles privées islamiques, lesquelles ne sont soumises à aucune violence ni menaces ». Et dans ces écoles, on n’ y enseigne que le coran.

8000 attaques ont eu lieu depuis le coup d’état qui renversait Thaksin en 2006. (Avec, à la tête du putsch, le général Sonthi, lui-même musulman) La majorité des habitants des 3 provinces du grand sud : Yala, Pattani, Narathiwat sont musulmans malais.

Un peu d’histoire encore. « Si être thai, c’est être bouddhiste, chacun est néanmoins libre de pratiquer la religion de son choix » avait déclaré le roi en 2004.Une tolérance qui remonte à la période Ayutthaya (1350 – 1767). Phra Naraï régnait alors sur le Siam et en France, Lenôtre dessinait les jardins de Versailles. Des missionnaires français, sous le coup d’une tempête, échouaient sur les côtes siamoises alors qu’ils cherchaient à rejoindre la Chine. Ils étaient accueillis avec bienveillance par le souverain qui ordonnait qu’on leur alloue, non seulement des terres pour qu’ils s’y installent, mais également du bois et des matériaux pour qu’ils puissent aussi construire leur église. Depuis le roi Naraï, missionnaires de toutes confessions n’ont jamais été interdits sur le sol thaïlandais. Et je dois dire que de nombreuses mosquées se construisent un peu partout en Thaïlande où la religion musulmane s’étend. Il y en aurait une vingtaine dans la province de Chiang mai.

Alors si comme le dit un proverbe, « Charity begins at home ».(Charité bien ordonnée commence par soi-même),   « Tolerance must begin at home » « Wherevever ». Où que ce soit.

L’entrée par la petite porte

Cyril Payen, tel un Joseph Kessel, raconte, sans mièvrerie et entre deux bouffées de cigare, ses aventures au Laos ou dans l’état Kachin et balance quelques vérités sur certaines ONG et assos « qui  se la pètent », sur des personnages mythos qui prétendent le connaître et qu’il n’a pourtant jamais rencontrés, sur le colonel Nerdah Mya (fils du général Bo Mya père de la rébellion Karen que le personnage de Marie rencontre dans mon roman THEATRE D’DOMBRES), véritable exécuteur, sur le colonel Seua Daeng, mort dans ses bras, d’une balle tirée à bout portant par un sniper lors des manifs de Bangkok en 2010. Il dit sa déception de ne pouvoir obtenir d’interview privée de Aung San Suu Kyi qui préfère s’en tenir aux conférences de presse. Il a le sentiment que les Karens vont payer très cher le prix de la paix et craint une vague de suicides car les autorités thaïlandaises ont l’intention, dans un temps relativement proche, de renvoyer les réfugiés chez eux.

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Il évoque la fermeture des passages illégaux entre Myanmar et Thaïlande, par lesquels les migrants passaient habituellement pour venir travailler sur le sol thaï, passages fermés pour des raisons concernant la drogue et que je ne peux évoquer ici. Mesures de rétorsions qui obligent les birmans à emprunter la voie officielle, les check-points et le pont qui relie Miawaddy à Mae Sot. Ces passages illégaux étaient des respirations qui permettaient aux birmans de franchir tranquillement ces frontières invisibles. Je comprends mieux maintenant les longues files d’hommes et de femmes sur le pont et surtout l’interdiction qui me fut faite de ne pouvoir traverser la Moei, un de ces endroits « illégaux » franchis plusieurs fois pourtant lors de mes voyages précédents. « On se bat de l’autre côté, c’est dangereux pour vous  » me dirent les Tahan Phran (mercenaires en chemises noires postés le long de la frontière). « Nous sommes responsables de votre sécurité. » « Bull shit » dit Cyril, on ne se bat pas de l’autre côté… mais (et là, trop dangereux de rentrer dans les batailles concernant la drogue). La drogue au cœur des problèmes en Thaïlande.

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Effectivement, lors d’un arrêt à Tak, sur la route de Mae Sot, réunion impressionnante dans le grand hôtel de la ville, avec fleurs et satin dans la salle de conférences, préparation d’un buffet gigantesque, orchestre, musique, chanteuses, entraîneuses… les classiques thaïlandais habituels. Ça commence par des palabres et ça se termine en musique et plus si affinités. Je ne peux m’empêcher de lancer quelques pics à mon compagnon qui se contente de hausser les épaules. « This is Thaïland, you cannot understand ».

Bref, à minuit Cyril qui a prévu d’être sur le pied de guerre à 5 heures du matin, décide qu’il est temps d’aller se reposer. Le chanteur du restaurant termine son tour de chant par une vieille rengaine des Beatles, « Michele ». Je demande autour de moi si quelqu’un en a fait la demande. Mais non ! « Alors c’est un pur hasard » je dis. « Mais non il n’y a pas de hasard » réplique Cyril. Le chanteur remballe sa guitare et ferme son micro, on éteint les lumières et je ne sais toujours pas comment nous allons faire pour rentrer dans le camp dans quelques heures.

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Vers 6 heures le lendemain matin, mon ami reçoit un coup de fil et je comprends à ses remerciements « polis » (« sou phap », un des mots les plus importants en Thai avec « sanouk », «  plaisir ») qu’une « ouverture » semble possible pour Maela. Il note un numéro de téléphone qu’il appelle aussitôt sans me donner d’explication.

Je comprends mieux pourquoi mon compagnon conserve minutieusement cette liste interminable de numéros de téléphone. Rien n’est plus précieux en Thaïlande que ces multiples contacts, ces précieuses connexions sans lesquelles rien n’est possible.

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Un jour, Solange, une amie tahitienne, victime d’un accident de voiture quelque part du côté de Fang, me téléphone affolée, personne ne la comprend et elle ne comprend rien à ce qui se passe autour d’elle, un motocycliste s’est littéralement jeté sur sa voiture, et il git sur la route.  Aussitôt mon ami appelle une de ses relations, policier ou militaire, dans un village près de Fang et Solange est dépannée dans l’heure, et invitée à manger, tandis que le blessé est amené à l’hôpital.

Là, à Mae Sot, Nan,  la précieuse relation de mon ami est un ancien collègue enseignant, reconverti dans la rédaction d’un petit journal local et il est très lié à Worawat, un refugié Karen, responsable du groupe des Karens à Maela. « Pas de problème » dit celui-ci au téléphone, je viendrai à votre rencontre. Je porterai une chemise traditionnelle bleue et blanche, appelez-moi lorsque vous arriverez aux abords du camp.

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Il est 7 heures du matin et l’euphorie se lève avec le soleil. Une excitation qui n’est pas complètement partagée par mon compagnon qui me dit « je t’attendrai en dehors, je fais juste ça pour t’aider et si tu es contente, je suis content ». Tel que je le connais, il va en profiter pour dormir dans la voiture ou alors créer de nouveaux contacts avec les différentes factions en poste à toutes les entrées de Maela.

Devant la grille principale, des cameramen et des journalistes se font refouler par des cerbères, ces chiens-gardiens des enfers, mais le camp est bien cela aussi : une sorte d’enfer provisoire…à  moins qu’il ne soit de l’autre côté de la frontière…

A ce point de l’aventure, comment expliquer ce sentiment d’espérance sans pourtant trop y croire, ce sentiment de pure exaltation mêlé d’incertitude ? C’est presque « too good to be true » Trop beau pour être vrai.


On arrive. On appelle. Et, sorti du dessous d’un grillage, un homme en chemise bleue et blanche s’avance vers nous. Lui, à l’inverse des cerbères, est un ange qui, pour moi, va soulever les fils barbelés du camp et me faire entrer par la « petite porte ».

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La loi du silence

S’il y a un mot qui structure la société thaie, c’est bien « krengjaï », mot aux multiples interprétations : craindre de déranger, avoir peur de, considérer, être poli, respectueux, tout faire pour ne pas troubler l’ordre établi, ne pas créer de conflit. Chacun a sa propre interprétation. Si vous demandez la traduction exacte de ce mot, on vous répondra : « il n’a pas d’équivalence en anglais », krengjaï c’est plus une « attitude » qu’un mot. 

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Pour moi, « krengjaï » c’est comme l’huile dans les rouages de la société thaïlandaise. Mais c’est plus compliqué qu’il n’y paraît car ce mot-architecture de la culture siamoise, « dépend aussi de la situation ou du contexte » me précise une amie de Chiang Mai. Dans cette société ultra hiérarchisée et verticale,  le « krengjaï » fonctionne surtout du bas vers le haut. « Et quand on parvient au sommet (argent + pouvoir) de la hierarchie,  le krengjaï ne fonctionne plus, sauf exception rarissime » dixit mon amie toujours, qui tient un coffee-shop (le mien), et qui –  fine observatrice –  voit tous les jours farangs et thaïs se mélanger ou pas, selon les origines… Et elle me dit cette chose étonnante et drôle : « Les jolies filles d’origine modestes sourient aux farangs. Les jolies et riches sourient à leur miroir ! »  Faut dire que Smoothy Blue est un théâtre où  se jouent d’intéressantes « scènes »chaque matin.

Le pendant ou dérivé de « krengjaï », c’est « mai yaak young » : « ne pas être concerné ». Qui se traduit dans la realité, par: « C’est leur karma! »

Un exemple… assez terrible. Dans la province de Mae Hong Son, un monastère dirigé par un « Luang Phaw » (père abbé) dont tout le monde sait qu’il est « gay ». « C’est un kathoey » me dit mon ami avec mépris. (Il a été en poste dans la région et ne m’en avait rien dit jusqu’à ce jour) « Ben oui, la société thaïlandaise n’est-elle pas  une société permissive à tous les étages ! » L’ironie est assez mal prise en Thailande surtout par mon ami !! Bon, je mène ma petite enquête… Et là je me rends compte que « tout le monde sait ». Le père abbé en question donnait des cours d’anglais à l’école Boriphat Suksaa où on s’est contenté de  le remercier pour services rendus. Sans plus. Quand les langues se délient, j’apprends que le moine en question s’attache particulièrement aux enfants des ethnies de montagnes, moins dégourdis que les petits citadins, plus « krengjaï » encore que les thaïs, car ils se mettent d’office à un échelon plus bas que les citoyens thaïlandais. Faut dire qu’ils n’ont pas toujours les memes cartes d’identité. Parfois seulement des cartes de résidents- renouvelables –

En ce qui concerne ce temple, j’y suis allée souvent à l’occasion de la cérémonie de « Poi Sang Long », l’ordination des enfants de l’ethnie Shan. Et j’ai assisté à deux « scènes ». La première, l’abbé me présentait un jeune garçon Shan. « Il n’a plus de parents, je suis son « oncle » son « protecteur »  me dit-il alors. Je photographiais le garçon que j’appelais le « petit prince triste »…

FB - CANON  sang long

Au dernier « Poi Sang Long », j’assistais à une crise d’hystérie qui se termina par une réelle crise d’épilepsie : le futur petit moine, arrachant ses vêtements pour ne pas rentrer au monastère.

Cela ne constitue pas des preuves, ce ne sont pas des accusations non plus.. tout juste de vagues hypotheses.…Mais pourquoi cette « loi du silence » « Krengjaï » ? « Mai yaak young » ?… Hummm… Et les « relations » alors ! L’année dernière à  l’occasion d’une cérémonie, une des princesses devait honorer le temple de sa présence, elle fut remplacée par une délégation. Une autre fois, j’étais invitée à l’intérieur du monastère par des « politiques » bagousés qui me firent asseoir sur un fauteuil décoré, témoin du respect humble des petites gens face à l’autorité bouddhique et politique… Je me suis vite éclipsée prétextant des photos à prendre à l’extérieur. L’abbe a de bonnes relations, et quand on connait le poids des « relations » en Thaïlande…

« Teacher*… tout le monde sait ici, mais personne ne parle…c’est ça le mai yaak young : c’est  LA LOI DU SILENCE »

*Tout le monde m’appelle teacher à MS, les filles de la guest house et des restaurants alentour, et tous les commerçants de la petite ville.. donc ça ne désigne personne en particulier.

Thailande : Peuple venu d’ailleurs et dans sa « réalité »

Le voyage sans un zeste d’aventure ça s’appelle des vacances. Le nord de la Thaïlande, bien qu’exploré depuis des décennies, offre encore de belles découvertes pour ceux qui ont envie de sortir des sentiers rebattus.

Parce que…. entre nous, les agences de CM vendent souvent des produits éventés depuis 20 ans. « Découvrez le Triangle d’Or !  » Quelle signification pour les nouvelles générations ? La plus grande concentration de culture du pavot qui donnait l’opium. Aujourd’hui, côté thaïlandais, les ethnies de montagne, Hmong, Lahu ou Moussur, Lissu… cultivent légumes, fleurs, et en altitude, thé et café. Donc les agences vendent une journée vers le Triangle d’Or qui fouette l’imaginaire. La réalité est autre : 6 heures de voyage (aller) pour aller photographier le point où se rencontrent Birmanie, Laos et Thailande. (Est-ce qu’on photographie le point où se rencontrent France, Belgique et Luxembourg ?) Les « tribus » (double guillemets) visitées au retour sont des ethnies qui ont été délocalisées de force pour vivre en plaine et pour le plaisir des touristes de passage après droit d’entrée. Les ethnies de montagne vivent en altitude.

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A Fang, une nuit d’hôtel au « Phoumanee home » tenu par des Lahu et de là, embarquement en 4×4 vers le village Lahu. C’est le début de l’aventure surtout en saison des pluies (elles ne sont pas terminées en ce moment). Direction Maee Ai puis grimpette sur 20 kilomètres d’ornières et de crevasses de terre rouge et gluante. 4×4 obligatoire mais surtout conducteur chevronné Lahu qui connait chaque ornière. Sinon c’est plantage (et personne pour vous dépanner.. pas de circulation Heureusement d’ailleurs) ou dégringolade dans le ravin et là, fin du voyage.

Il fait froid lorsqu’on arrive là-haut alors que dans la vallée, il fait plus de 30 degrés et que poussent les orangers. Crachin humide. Je disparais sous un plastique, pour protéger mes appareils photos, Dernier kilomètre à pied sur un petit chemin pentu et les derniers 200 mètres, quasiment à 4 pattes : des petites marches dans la terre glissante…..

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Pour empêcher la migration des jeunes Lahu vers les villes et leurs tentations un projet royal au départ, soutenu par des Lahu comme Mr Jaroen et Udom. (Voir les photos sur ma page FB)

Un soir, à Fang, (Amphoe Fang), nous étions à la recherche d’un restau, le cuisinier de l’hôtel étant malade. On a un peu erré dans la ville endormie où seules des guirlandes de toutes les couleurs clignotent dans rues sombres : bars, karaokés, beer-garden avec musique tonitruante et filles dans l’attente des clients, bien souvent issues des ethnies de montagne. Enfin on trouve le restaurant recommandé par l’hôtel. Paumé au bord d’un point d’eau. En plein air mais plutôt lugubre avec une flopée de serveurs (veuses) vraiment très jeunes. Karaoké bien sûr plus une chanteuse à la voix désaccordée amplifiée par des baffles qui écorchent les oreilles mais ne chassent pas les moustiques. Comment peut-on chanter aussi faux ? Il n’y a pas de client de toute façon. Je fais remarquer à mon compagnon, la jeunesse des serveurs. « Oh, c’est les vacances ! » me répond-il.  « Quand même, travail de nuit avec toutes les dérives »… ceux qui vivent en Thailande savent bien de quoi je parle. Je demande leur âge, à chacun. « 16 ans » ! Tous. Dont  une gamine originaire de la montagne, sans carte d’identité thaïe, une mère seule, 5 sœurs ! Et un salaire de 3500 bahts (90 euros) S’ils travaillent « bien », 4000 bahts le mois suivant. Travailler « bien » ici ça veut dire vendre de l’alcool au maximum. Des serveurs qui sautent sur votre verre après chaque goulée. Donc verre toujours plein avec l’impression de ne pas boire…Mais ça c’est l’histoire de la Thaïlande.

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Dans le village Lahu, un feu de bois. Pour se réchauffer. Légumes, piments et herbes cuisent dans un bambou dans la cendre. Petit verre de saké local – bien pimenté –

Loin de tout. Une autre vie. Un autre peuple… Dans sa réalité et non dans un camp pour touristes. Un peuple venu des contreforts de l’Himalaya il y a 1000 ans, puis poussé vers les petits royaumes qui constituaient la Birmanie et enfin en Thaïlande depuis 150 ans. Avec ou sans carte d’identité.

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Michèle Jullian

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