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Chronique de Thaïlande : Mae Sot et Myawaddy

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Mae Sot, trou du cul du monde

Quelle étrange sensation de vivre dans une ville dans laquelle les derniers journaux, en anglais, datent de plus de deux jours, où, pour des raisons aussi vagues qu’incompréhensibles, il n’y a pas de connexion internet, (il y aurait des « problèmes à Bangkok », puis, « il y aurait du vent »… texto) où, finalement je réalisais que je ne pouvais même pas brancher mon ordinateur, les prises ne correspondant pas à celle de mon portable pourtant acheté ici, en Thaïlande.

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…J’écrivais ces quelques lignes hier, soir, ce matin, la liaison internet semble rétablie, mais je ne sais pas pour combien de temps. Et je découvre un message personnel en provenance de l’ambassade de France  dans lequel “elle signale les noms des chefs d’ilot ou suppléants dans le cadre du plan sécurité de l’ambassade, et personnes pouvant etre jointes 24 h sur 24 pour signaler tout changement notable“. Super rassurant..

La télévision thaie ne donne pas grand chose comme information, mon ami écoute la radio dans la voiture et me signale des affrontements pres de l’aeroport Don Meuang, avec  7 morts du cote des “chemises rouges” et 2, du cote de l’armee ou de la police. Ce qui est effrayant, c’est que le conflit s’etend a tout le pays maintenant. Le gouvernement semble paralyse, l’armee ne reagit pas vraiment en depit de l’apparition il y a quelques jours, a la television, d’Abbhisit et de Anupong Paujnda, general en chef de l’armee…comme les thais disent ici en riant, les soldats sont des “watermelon”, vert a l’exterieur et rouge a l’interieur.

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Abbhisit vient d’etre interviewe par la BBC et de son plus charmant accent oxfordien a replique que les problemes en Thailande n’etaient pas politiques, mais des problemes de securite. A la question “”demissoneriez-vous si vous eties l’obstacle au reglement de cette situation ?” Long silence, puis “oui, mais il faut d’abord regler le probleme de la securite. Comment s’appelle la langue de bois ici ? En Birmanie, on dit “la langue de teck” je crois…

« Un homme qui essaie de se tenir sur ses jambes » 

De Mae Sot, légèrement endormie sous la canicule de cette fin avril, se dégage une atmosphère particulière, presque inquiétante – qui n’a rien à voir avec la situation de quasi guerre civile qui règne à Bangkok – mais qui tient essentiellement à sa situation géographique de ville-frontière. Point de rencontres, d’échanges, de trafiques en tout genre entre deux pays dont les niveaux de vie sont d’une extrême inégalité. De l’autre côté de la rivière Moei, Myawaddy est la sœur quasi jumelle de Mae Sot et le commerce entre les deux cités est intense. Avec le pire et le meilleur.

Le pire est invisible : drogue, bois de teck, prostitution. Aux pieds des marches d’une des banques de Mae Sot, des groupes d’hommes, des liasses impressionnantes de billets de 1000 bahts en main, discutent âprement entre eux, et font d’étranges voyages entre les distributeurs automatiques ATM et leur téléphone portable. Le long de la Moeï, des vendeurs essayent de fourguer leurs médicaments « made in Myanmar » aux passants.

Les images évocatrices de leur étrange pharmacopée laissent supposer un Viagra puissance dix ! Photos prometteuses d’érections au-delà de l’imaginable, qui attirent davantage les curieux que de véritables acheteurs. Entre les boutiques ( fermées pour la plupart après 6 heures du soir) du fameux « Talaat Rim Moeï » (marché le long de la Moeï), se glissent des ombres furtives à la recherche d’une clientèle allumée par les photos des « marchands de rêves artificiels », adolescents à la peau cuivrée et regards de braise. Les marchands de faux rubis sont les derniers à baisser les rideaux de fer de leur boutique.

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Impossible de passer la nuit a Myawaddy. Je fais un aller et retour pour sécuriser la prolongation de mon visa et le lendemain, je traverse à nouveau le pont, après avoir repris contact avec un de ces guides qui foisonnent aux abords de la frontière et à l’affut de clients potentiels. Zaw Myo Win a une bonne tête et une vieille pétoire. Il parle un anglais digne de celui d’un professeur d’université thaï. Je décide de lui faire confiance et de passer la journée avec lui à Myawaddy. Il m’épate en me parlant de la tour Eiffel et de la date de sa construction !

Les guides thaïs ont encore du chemin à parcourir avant d’arriver à la cheville de Zaw Myo Win qui a quitté Rangoon il y a trois ans, pour trouver du travail ici. En tout cas, son fils de 14 ans peut étudier à Mae Sot, grâce à l’aide de « volontaires » birmans aidés par des organisations étrangères. « J’essaie de me tenir sur mes jambes » me confie-t’il. L’expression en anglais est plus « parlante »: « I try to stand on my feet”.

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Zaw Myo Win me sert donc de guide, lui et sa pétoire des années soixante. Mon ami thaï, lui, a hérité de l’aversion de ses ancêtres pour les birmans, qui ont, par deux fois – à l’époque d’Ayuthya et de Sukhothai – pillé la civilisation thaïe, et il ne souhaite pas m’accompagner de l’autre côté de la frontière.

J’insiste sur l’intérêt des différences de cultures, peine perdue, la culture des pays pauvres ne sont pas des cultures pour lui. Point de vue typiquement thaï qui pourrait quasiment être une cause de divorce. J’essaie juste de comprendre cet étrange point de vue, et de toute façon, je ne suis pas mariée ! S’il n’est pas curieux, mon ami est au moins patient. Il m’attendra – même si ça prend la journée – de l’autre côté du pont.

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Là où il y a des gagnants, il y a des perdants…forcément plus nombreux

Lors de ma visite a Mae Sot, il y a 3 semaines, j’ai longuement discuté avec He Thwa –  bras droit du Dr Cynthia Maung – de ce qu’elle pensait et constatait des récents changements en Birmanie.

« Ce qui est bon pour les uns n’est pas forcément bon pour les autres » et, pour reprendre les termes du journaliste baroudeur Cyril Payen « Les réfugies pourraient devenir les grands perdants de l’ouverture » car la Thailande a considérablement durci sa politique d’asile ces dernières années, et fait déjà des pointages dans les camps. « Nous ne voulons pas rentrer, nous avons toujours été persécutés » ou « Je ne repartirai de ce camp que dans un cercueil » entend-t-on.

Ces réfugiés ne partagent pas l’enthousiasme de l’occident pour Thein Sein. Il y a déjà eu tellement de cessez-le-feu non tenus, et puis l’armée a fait main basse sur leurs terres et maintenant le gouvernement les distribue sans compensations, ou à peine, aux nouveaux investisseurs. « Et bien sûr que Aung San Suu Kyi est instrumentalisée par le gouvernement birman. Sinon il ne la laisserait pas faire cette tournée de star en Europe ».

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« Les dons qui arrivaient habituellement d’organisations internationales vont maintenant en grande partie directement en Birmanie » continue He Thwa, alors que les malades continuent d’affluer : migrants travaillant illégalement en Thaïlande, mais surtout depuis la Birmanie. « Pas de réels changements à  la frontière.

Nous sommes moyennement optimistes quant à la suite des évènements. Le jour où les patients seront moins nombreux, on pourra considérer que ça va mieux, mais entre 2010 et 2011 nous avons eu 117 000 visites, soit 5 % de plus. Trois mille bébés sont nés dans notre clinique contre 1200 à Myawaddy. Il va falloir du temps pour renforcer le système et les infrastructures afin que chacun puisse avoir accès aux soins pour un prix modéré »…

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« Lorsque le nombre d’enfants non accompagnés passant la frontière diminuera, ce sera aussi un signe d’encouragement positif. Ils viennent ici percher protection. Entre 2010 et 2011, le chiffre a augmenté de 30 %. La plupart de ces enfants sont envoyés par leur famille pour échapper au recrutement obligatoire des enfants-soldats (ou comme travailleurs forcés), Autre raison : le manque d’école. »

« Il va falloir des années pour que l’on constate des résultats tangibles en Birmanie : développement des infrastructures  bien sûr mais surtout réhabilitation des communautés affectées depuis si longtemps par ces conflits. »

« Ici à Mae Tao, nous avons établi des liens de confiance entre toutes le communautés des différents groupes ethniques. Tout le temps qu’un minimum de confiance ne sera pas établi de l’autre côté,, avec les malades, les populations vivant le long des frontières continueront d’affluer à  la clinique.  Tous les déplacés que nous recevons ici sont méfiants concernant les reformes, il y a tellement eu de tentatives de réconciliations ratées.»

« Voilà des années que nous espérons ces changements positifs en Birmanie Pendant cette période de transition, la clinique continuera d’assurer les soins, établira une meilleure coordination avec les organisations travaillant de l’autre côté, tant pour l’accès aux soins que pour la protection des enfants. »


Cette année, la clinique n’a reçu que la moitié de son budget annuel et la TBBC (Thaï Burma Border Consortium) est obligée de réduire les rations alimentaires distribuées dans les camps.

Ce n’est pas à moi à lancer des appels aux dons… mais celui qui le souhaite peut trouver toutes les informations sur le net.

Michèle Jullian

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