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Thérèse le film de Leonardo Defilippis ; mieux appréhender Sainte Thérèse de Lisieux

Thérèse de Lisieux enfant

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Thérèse le film de Leonardo Defilippis, est une oeuvre hagiographique qui reçut la bénédiction du Pape Jean Paul II, quand il eut l’occasion de la visionner. Fidèlement inspiré de l’autobiographie de Sainte Thérèse, jeune carmélite devenue « la plus grande sainte de la modernité » assez rapidement après son décès à l’âge de 24 ans, ce film est une introduction à l’univers familial, l’enfance et le cheminement de la foi de Thérèse. On y suit également son itinéraire de carmélite entre les aléas d’un quotidien en communauté religieuse, pas toujours conforme à celui qu’elle imaginait, son amour inébranlable de Jésus et ses (quelques) doutes face aux ténèbres dans lesquelles la maladie l’a plongea.

Cet article n’est pas une critique du film à proprement parler, mais un mélange de considérations sur le personnage de Sainte Thérèse, l’évolution de ma perception à son sujet et quelques remarques sur l’oeuvre. En préambule je remercierai Christophe Marty qui m’a offert quelques sujets de méditation et sans qui je n’aurais jamais pu voir le film Thérèse de Leonardo Defilippis… Suite à une discussion à propos de celle qui est considérée comme « la plus grande sainte de la Modernité », il m’a adressé le DVD pour que j’appréhende peut-être autrement ce personnage dont j’avais une vision assez parcellaire et plutôt négative, principalement tirée du film Thérèse de 1986. J’avais une dizaine d’années quand je l’ai vu la première fois. Sûrement étais-je un peu trop jeune pour en retenir autre chose que quelques scènes assez éprouvantes qui m’avaient dérangée plus que touchée.

Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de voyager en Normandie et de passer par Lisieux pour que ma grand-mère qui appréciait cette Sainte puisse se recueillir dans la basilique. Bien sûr, ce voyage fut un bon prétexte pour redécouvrir quelque peu cette Thérèse si profondément croyante dont chacun des gestes, des mots et des actes semblait guidé par l’amour de Jésus et l’aspiration au Ciel, quelles que soient les épreuves et les douleurs du monde terrestre…

J’en avais une vision assez simpliste de jeune fille presque illuminée, n’ayant à la bouche que cet amour de Jésus qui conditionnait tout … Épouser Jésus, cet époux invisible et parfait, source d’amour infini en s’engageant comme carmélite, l’aimer dans une sorte de démesure et le service sans condition, souffrir pour lui. Quelle perspective mystérieuse et pourtant si claire aux yeux d’une adolescente qui voit dans le miracle de sa vocation pour le Carmel, survenu un soir de Noël et dans le geste d’un condamné à mort « monstrueux » embrassant la croix avant son exécution, les confirmations de sa vocation de prier pour les pêcheurs…! Tous les souvenirs que m’avaient laissés le film de 1986 confortaient mon ressenti teinté d’incompréhension et de moquerie. Je n’arrivais pas à admirer Thérèse dont je découvrais la maison natale convertie en musée, la tombe et la basilique, dont je devinais le Carmel qu’elle avait désiré plus que tout dès son adolescence pour mieux s’offrir à Dieu sans condition et sans autre désir de retour que la certitude de recevoir l’amour de Jésus…

J’avais bien ramené dans mes bagages Histoire d’une Âme, que j’ai tenté de lire pour dépasser mes préjugés. En vain… je n’ai pas réussi à franchir le cap des 10 pages de ses réflexions et prières, bien que son autobiographie en préface m’ait interpellée et intriguée. Trop d’amour tue l’amour, m’étais-je dit ! Certes, à l’époque le manque de fermeté de ma foi (pas forcément plus évidente aujourd’hui mais au travail) pouvait accentuer mon hermétisme. Après avoir revu Thérèse d’Alain Cavalier avec Catherine Mouchet (pourtant très intéressante dans son rôle), le malaise restait palpable et je trouvais Thérèse agaçante et mièvre animée par un amour jusque-boutiste, si total et absolu qu’il en était pour moi insupportable…

Cette Thérèse de l’Enfant Jésus, je l’imaginais davantage comme une adolescente un tantinet sentimentaliste engagée dans une vocation contemplative ardente faite de mots et de rêveries plutôt que comme une femme engagée dans un effort constant de réaliser et atteindre la sainteté dans son quotidien par des petites choses à la portée de tous (donc de chacun de nous aussi)!

Comment avait-elle pu devenir une Sainte tellement admirée, de manière si fulgurante et avoir une portée presque universelle? Sûrement parce qu’il est bon de se rappeler, que l’on soit croyant ou pas d’ailleurs, quelques évidences sur le sens de notre amour et de notre confiance, à l’épreuve de l’existence et de la rencontre avec les autres… Finalement, cela ne tiendrait-il pas à sa conscience d’être si imparfaite et petite par rapport à Dieu, si éloignée de cet amour sans faille qu’elle voudrait donner et pourtant si tournée vers l’objectif d’y parvenir quoiqu’il advienne… ?

« C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour … »

Thérèse selon Leonardo Defilippis ; un film hagiographique, simple et instructif

En visionnant Thérèse de Defilippis, j’ai un peu reconsidéré ma perception de cette Sainte et réouvert « Histoire d’une âme », pour tenter de mieux comprendre… Afin de mieux les comparer s’en m’en tenir à de lointains souvenirs, j’ai revu Thérèse d’Alain Cavalier, récompensé par plusieurs César dont celui du meilleur film. Dans la version de Defilippis, les éléments d’explication manquant au film de Cavalier qui débute quasiment par l’entrée au Carmel de Thérèse sans qu’on comprenne son cheminement depuis son enfance, offrent des repères instructifs sur son caractère et les fondements de sa personnalité.

Le contexte familial mêlant dévotion et amour des siens, occupe un gros tiers du film et montre comment le traumatisme de la mort de sa mère et surtout l’entrée au Carmel de sa soeur Pauline « sa seconde Maman » ont déclenché une névrose de l’abandon et amorcé son itinéraire intime avec Jésus et son désir du Ciel… Cette « Petite Thérèse » inondée par les flots de l’amour divin s’est offerte à Dieu en rentrant au Carmel dès 15 ans, puis à travers chaque action, même les plus simples et les plus humbles… Je découvre qu’elle a pu douter, souvent, peut-être pour un rien suite à un sarcasme, une réprimande ou une critique d’une autre religieuse, construire la maturité de sa foi dans des petites choses et des échecs, bien avant l’épreuve de la maladie … et en un sens, cela me rassure et me donne envie de creuser …

Le Carmel n’a pas ici l’austérité du film de Cavalier et ne ressemble pas à ce lieu, à la vie âpre, qui dans mon imaginaire résonnait plus avec souffrances, renoncements, enfermement, silences, labeurs et interdits… C’est sûrement l’une des limites du film qui par ses choix d’éclairages gomme la rudesse de la vie des Carmélites au XIXème siècle pour mettre l’accent sur la communauté religieuse où les rapports ne sont pas toujours si cordiaux et aisés.

Thérèse le film de Leonardo Defilippis
Thérèse de Lisieux, adolescente incarnée par Lindsay Younce

Entre l’enfant chérie, dorlotée par son père et ses soeurs, si souvent capricieuse, boudeuse ou râleuse, l’adolescente incomprise de ses congénères à l’école et surprotégée dans son foyer, puis exaltée et pressée de s’engager au Carmel, l’accomplissement de son noviciat et sa réalisation comme Carmélite, le personnage de Thérèse apparaît bien plus complexe qu’il y paraît dans le film. On y découvre mieux certaines de ses incompréhensions et les leçons qu’elle tire de ses épreuves du réel surtout dans les petites contrariétés ou difficultés pouvant accompagner la vie cloîtrée. Son humilité, sa capacité à écouter la « petite voie » pour se donner à chaque instant à Dieu et ainsi donner paix, confiance, bienveillance, compassion et joie à son entourage comme à ceux qui faisaient partie de ses prières et vers lesquels elle était tournée sans attendre de retour, simplement pour s’accomplir et pour l’amour de Dieu, par des actes en apparence insignifiants mais si fondateurs… Celle qui affirmait à son entrée au Carmel « Oui la souffrance m’a tendu les bras et je m’y suis jetée avec amour. », ne se résumait-elle qu’à un désir de souffrance comme si souffrir avec le Christ pouvait être libérateur et une sorte de purification de son désir du Ciel?

« Je sentis naître en mon cœur un grand désir de la souffrance et en même temps l’intime assurance que Jésus me réservait un grand nombre de croix, je me sentis inondée de consolations si grandes que je les regarde comme une des grâces les plus grandes de ma vie. La souffrance devint mon attrait, elle avait des charmes qui me ravissaient sans les bien connaître. Jusqu’alors j’avais souffert sans aimer la souffrance, depuis ce jour je sentis pour elle un véritable amour… »

Se réaliser non pas par des grandes actions et de grandes pensées très organisées comme certains docteurs de la religion catholique l’ont fait, mais par des petits riens et des mots simples et aimants comme ceux d’un enfant, c’était un défi inspirant. Mais se développer au sein de la souffrance me semblait aussi idéaliste qu’absurde et même masochiste… Sûrement est-ce cette impression qui me dérangeait tellement depuis 30 ans sans que j’identifie toujours ce que cela me renvoyait? Un écho à ma propre incapacité à supporter la souffrance a fortiori en croyant en l’amour de Dieu qui me mettrait à l’épreuve?! Apprendre à souffrir avec joie plutôt que dans la tristesse et l’isolement, grâce à la communion avec Dieu … quel apprentissage de tous les instants qui me semble bien compliqué …!

A travers sa tuberculose, Thérèse a expérimenté les « épaisses ténèbres intérieures » et a éprouvé violemment dans son corps la douleur qui torture jusqu’à l’insoutenable et qui pourrait amener le plus sincères des croyants à douter et fléchir dans leurs intentions et leurs prières. Il est regrettable que le film ait survolé cet aspect, à l’instar des versions de 1986 et 1952. Le doute (et la nuit de la foi) ne sont-ils pourtant pas aussi passionnants à explorer que la fermeté de la foi? Mais son acte d’offrande à l’amour miséricordieux nous apprend comment en s’offrant, on s’en remet totalement à l’autre et cette leçon de vie dépasse largement la religion, en définitive. Un « engagement de notre liberté dans le consentement à la volonté de Dieu, dans le don de soi aux autres par amour ». Je ne pense pas avoir compris 1/100ème du message de cette « Petite Thérèse » si pétrie de foi et si désireuse de « faire aimer le Bon Dieu » comme elle l’aimait et de « donner sa petite voie aux âmes », mais elle m’a touchée…


Une jolie découverte pour réviser quelques certitudes

Thérèse était une jeune femme (entrée au Carmel précocement malgré divers refus des officiels et morte à 24 ans) qui avait placé sa confiance totale et inconditionnelle en Dieu et en son fils pour éprouver de l’amour et le rendre à tous surtout aux pêcheurs. Que l’on adhère aux principes d’une religion ou pas, aimer sans calculer et voir au-delà des apparences, éprouver ses croyances (ou sa foi) comme une expérience intime (parfois ineffable), tout en la vivant en partage, est finalement à la portée de tous et peut résonner en chacun. Considérer que sa vocation c’est l’Amour (de Dieu et des autres) dans le temps présent … ; c’est le joli message du film (et de Thérèse) que j’ai envie de retenir et qui expliquerait finalement pourquoi malgré son sentiment de petitesse, cette Sainte s’avère si importante pour certains et a pris du sens pour moi… Je recommande donc à ceux qui aiment les films, même s’ils ne sont pas forcément croyants, de le voir si l’occasion se présente, car cette présentation hagiographique n’en constitue pas moins un agréable moment qui donne à réfléchir…



 

Sandrine Monllor (Fuchinran)
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