A Timisoara, le théâtre National est un espace multiculturel largement dédié à la dramaturgie contemporaine roumaine. Si le théâtre disparaît dans certaines villes roumaines, il reste à l’honneur dans la capitale du Banat.
Alors que certains théâtres de Roumanie ferment leurs portes ou se heurtent à de grandes difficultés financières, le Théâtre national de Timisoara s’enrichit, lui, de nouveaux espaces, décroche des prix européens et déroule un partenariat à succès avec Radu Afrim, metteur en scène roumain très en vogue.
Tout cela se passe depuis six ans, déjà, plus précisément depuis que la metteuse en scène Ada Hausvater a pris la direction de cette institution culturelle. C’est la raison pour laquelle nous l’avons invitée au micro de RRI. : « Il est arrivé de bonnes choses. La plus importante est, à mon avis, le fait d’avoir ramené l’attention des spectateurs vers une troupe de comédiens qui me tient à cœur. Je les apprécie fortement depuis que je les ai vus jouer – c’était, avant mon directorat- dans un spectacle monté sur les planches de ce théâtre. Entre temps, la nécessité d’un nouvel espace s’est imposée, ce qui fait que nous avons aujourd’hui une deuxième salle de spectacle. Il s’agit de l’ancien manège impérial, que la Municipalité nous a attribué en concession pour 49 ans. Nous avons continué à réaménagé les autres espaces, tels Studio 5 et une autre salle, plus petite, qui initialement n’appartenait pas au théâtre, mais qui allait le devenir plus tard, encore une fois grâce à la Municipalité. Il y a plus d’un an, on nous a confié le bâtiment de la Synagogue désacralisée de Fabric, que nous envisageons de transformer en centre d’anthropologie théâtrale. A présent, nous sommes sur le point de finaliser la deuxième étape de construction de la fabrique de décors – la première en son genre du pays ».
Tout cela a été possible parce que, dès le début de son directorat, Ada Hausvater s’est mise à travailler sans attendre ni rêver, aux côtés de l’équipe tout entière du Théâtre national de Timisoara. Un théâtre qui allait devenir membre du réseau international European Theatre Convention et qui, en 2009, se voyait distinguer du Prix Culturel Europe. C’est le KulturForum Europa qui a primé les comédiens de Timisoara et le metteur en scène Radu Afrim, pour, « leur contribution en tant qu’ambassadeurs de la culture. Ils ont franchi les frontières nationales et dépassé les barrières culturelles et historiques entre l’Ouest et l’Est du vieux continent et relevé les contextes sociaux de Roumanie et d’Europe». Un des spectacles les plus réussis mis en scène par Radu Afrim au Théâtre National de Timisoara est «La Maladie de la famille F.» de Fausto Paravidino, qui s’est retrouvé à l’affiche du Théâtre Odéon de Paris, dans la saison 2008-2009.
Le Théâtre National de Timisoara est considéré comme un espace multiculturel, mais aussi comme un endroit où la dramaturgie contemporaine est chez elle, affirme Ada Hausvater, directrice de ce prestigieux établissement culturel: « A mon sens, le théâtre se définit par son enracinement dans la contemporanéité de la dramaturgie ou de la manière de jouer. Dès les deux premières années de mon mandat à la tête de ce théâtre, j’ai pris comme point de départ la dramaturgie contemporaine. Il m’était absolument nécessaire de redéfinir l’identité du théâtre dans le contexte quelque peu confus où l’on avait glissé, car il nous arrivait d’accueillir bon nombre de troupes de comédiens venues d’ailleurs. Il fallait, avant tout, donner une définition locale. D’autre part, j’étais consciente du fait que les comédiens devaient eux aussi trouver leur chemin à eux dans cette dramaturgie contemporaine. Autrement dit, je me suis proposé de faire le passage vers la dramaturgie universelle, tout en gardant une approche moderne. Ainsi, lorsque nous puisons des textes dans la dramaturgie universelle, nous les revisitons. En outre, le festival de la dramaturgie roumaine est, pour nous, un festival de dramaturgie contemporaine. Nous avons même introduit une sorte de concours des créations ultra contemporaines. Pour notre société, je pense, il est bien important de saisir nos problèmes. Qu’on les accepte ou pas, là c’est déjà une autre question. Enfin, l’existence dans chaque pays d’un festival de dramaturgie contemporaine nouvelle favorise l’émergence de nouveaux auteurs et courants, voire même de nouvelles solutions artistiques».
Sélectionneur du Festival de la Dramaturgie roumaine depuis 2010, la critique de théâtre Mihaela Michailov souligne l’importance d’une telle manifestation culturelle censée placer sur le devant de la scène les pièces autochtones: «Le festival se veut tout d’abord une excellente modalité de brancher le public à la dramaturgie roumaine. Deuxièmement, à l’heure actuelle, cet événement n’est pas qu’une multitude de textes et de spectacles, mais aussi une sorte de projet social. Car, il met sur le tapis tout un éventail de problématiques contemporaines qui tiennent de notre société actuelle. Or, cela est très important. Plus que cela, le festival nous permet de remarquer ce qui manque à tous ces textes, quelles sont les réalités auxquelles on se heurte et que nous ne retrouvons pas sur scène».
Ce fut l’édition 2010 du festival qui a mis l’accent en première sur la dramaturgie roumaine. Une édition pleine de surprises, comme l’affirme la critique de théâtre, Mihaela Michailov: «Depuis l’année dernière, le Festival propose au public un débat lors de chaque représentation. Au début, nous avons eu peur que le public ne s’empresse de quitter la salle après la tombée du rideau. Mais, surprise: on a assisté à des pièces à la fin desquelles les spectateurs sont restés presque tous dans la salle. Ces débats se proposent principalement d’établir un rapport entre le produit artistique et son destinataire. Un rapport quasi inexploré en Roumanie où les créateurs n’ont pas souvent l’occasion de se retrouver face à face avec leur public».
La 16ème édition du Festival de la dramaturgie roumaine se déroulera du 7 au 15 mai. A l’affiche: des textes contemporains, d’autres issus de la dramaturgie classique, plusieurs présences internationales et bien sûr, de nombreux débats. (Aut. : Luana Pleşea, trad. Mariana Tudose)