Totò qui vécut deux fois (Totò Che Visse Due Volte) est un drame italien de Daniele Cipri et Franco Maresco.
Iconoclaste, blasphématoire, transgressif et à l’humour décomplexé, ce film du cinema italien est à déconseiller aux culs bénits….
Quand un film s’ouvre avec l’image d’un homme bourrant avec enthousiasme le cul d’un âne, on se doute d’emblée que l’on va assister à un spectacle peu banal. Cette scène fait partie d’un film dans le film, et les spectateurs dans la salle clament “Quel veinard !” et se masturbent frénétiquement devant. La séquence suivante, ils sont une quinzaine à se branler encore avec conviction, dans le hall d’un toilette public, en contre-champ de la Vierge. D’onanisme, il sera question tout le long. Les personnages passent l’essentiel de leurs temps à se chatouiller le petit frère, l’alternative résidant presque à se gratter seulement les couilles…
Totò qui vécut deux fois, film hors du temps
Réalisé il y a 10 ans, dans un noir & blanc crasseux qui lui donne l’aspect d’un film comme hors du temps, Totò qui vécut deux fois a du, vous vous en doutez, braver la censure. Cet iconoclaste – pour le moins – long-métrage est l’oeuvre d’un duo de cinéastes italiens, c’est à dire d’un pays catholique par excellence. L’obsession blasphématoire des cinéastes ne pouvait guère plaire aux culs bénits d’Italie, comme d’ailleurs forcément. Cipri et Maresco ne cherchent pas être prophètes en leur pays, on l’a bien compris.
Si les personnages se branlent beaucoup, le spectateur, pour peu qu’il soit réceptif à la démarche, se tord de rire. L’humour n’est absolument pas potache, le film est simplement décomplexé, s’amuse volontiers de transgresser quelques figures symboliques du christianisme (le Messie absent de la Cène parce que parti pisser, par exemple)… Et c’est réjouissant.
Scindé en trois chapitres, Totò qui vécut deux fois se soustrait à toute logique narrative. Le film se voit avant tout comme une succession de sktechs et, même si l’on comprend les interactions entre les personnages, ce n’est pas fondamentalement ce qui prime. L’intérêt est dans le blasphème permanent, à tous les étages.
Le monde de Totò est un monde d’hommes. Le seul visage de femme est celui la Sainte Vierge, qui finira souillé par un bonhomme qui insatisfait de se caresser le sexe face à elle, ira carrément se frotter nue contre la statue.
Il n’y a aucune femme dit-on, mais c’est aussi parce que la seule que l’on nous montre, celle dont les personnages disent textuellement qu’ils ont vu sa chatte, est une prostituée incarnée par un homme bien baraqué. De fait, il n’y a donc aucune femme dans l’espace de cette Sicile que les cinéastes explorent.
Quand ils en ont assez de se tripoter, les pêcheurs en viennent presque mécaniquement à s’enculer. Oh, pas à l’écran, mais les allusions homosexuelles sont constantes. Cependant les réalisateurs s’autorisent d’autres représentations obscènes, filment l’érection d’un cheval devant lequel un personnage se masturbe, et cèdent finalement à la tentation de montrer un sexe d’homme, en érection également, et lui aussi en pleine séance masturbatoire, encore.
Totò qui vécut deux fois ne peut pas être mis devant n’importe quels yeux mais soyez sûr tout de même, dès lors que ce qu’on vous en a dit ne vous effraie pas, que le délire des deux cinéastes est, sans mauvais jeux de mots, jouissif. L’oeuvre est le pendant grotesque du cinéma de Pasolini, lequel se trouve là d’audacieux héritiers. Ce cinéma est rare et précieux, dérangeant et/ou fascinant, en tout cas salutaire, car les coups de pieds au cul ça remet parfois les idées en place…
Benoît Thevenin
Pour en savoir plus : “De nombreux cinéastes, fervents admirateurs de l’œuvre de Ciprì et Maresco, les ont beaucoup soutenu au moment du procès ; Bernardo Bertolucci, Marco Bellocchio, Fernando Solanas, Mario Monicelli, Guiseppe de Santis et Mario Martone par exemple. L’interdiction pure et simple du film a créé un grand scandale en Italie, et la conséquence première en a été l’abolition de la censure cinématographique dans ce pays qui était un des derniers pays européens à la pratiquer. Le film sortira ainsi en salle six mois plus tard (interdit aux moins de 18 ans) mais des bataillons de catholiques fanatiques se planteront devant les cinémas pour en empêcher l’accès aux spectateurs. Quant au producteur, aux réalisateurs et au co-scénariste du film, ils seront accusés d’outrage et de tentative de fraude contre l’État. Le procès, qui durera deux ans, sera finalement remporté par ces derniers. Mais pendant ce temps-là, ceux-ci seront privés de toute subvention pour leurs projets.”
Extrait du dossier de presse.
Avec Salvatore Gattuso, Marcello Miranda, Carlo Giordano, …
Année de production : 1998
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