Si le tourisme français a connu une belle année 2015, quelques turbulences se sont invitées à la table des restaurateurs, hôteliers et autres professionnels du secteur, et ce malgré les espoirs nourris par l’Euro 2016. La faute à un climat pluvieux et anxiogène, émaillé par les tragiques attentats et les grèves ? La crise semble bien plus profonde : le secteur accuse des lacunes sur le terrain de la transparence.
Un mauvais bilan du tourisme en France
Le Comité régional du tourisme (CRT) a constaté « une baisse sans précédent » de la fréquentation touristique en France sur le premier semestre 2016. Les visites des touristes à haut pouvoir d’achat se font plus rares : les chiffres de la fréquentation des clientèles étrangères sont loin d’être à la hauteur des ambitions de la France qui surfe sur son image d’Epinal pour séduire les touristes (-46,2% pour les Japonais par exemple). Paris et l’Ile de France pâtissent le plus de cette situation inquiétante : les hôteliers franciliens ont accueilli un million de touristes en moins par rapport à la même période en 2015 et la fréquentation des principaux monuments franciliens a fortement chuté.
Du côté des touristes français, la situation n’est pas plus glorieuse. Un sondage publié en juin dernier annonçait déjà une saison morose : 37% des Français ont déclaré ne pas partir en vacances en raison de difficultés socio-économiques. Et ceux qui partent privilégient la proximité et la sécurité ; la majorité logeant dans une maison de famille ou chez des amis. Pas de quoi remplir les différents établissements de tourisme, donc.
Seules petites lueurs d’optimisme : le tourisme d’affaires progresse quant à lui de 14,4 points et les régions françaises jouissent d’une bonne dynamique. De plus, la France reste la première destination touristique internationale (mais n’est que troisième en termes de recettes) et ce en dépit de la concurrence accrue des autres capitales européennes voire asiatiques. De quoi sauver la saison ? Pas si sûr.
Une crise plus profonde
Car au-delà du temps peu estival et du moral en berne, le secteur du tourisme fait face à des défis importants, notamment avec l’arrivée des nouvelles technologies qui introduisent de nouveaux outils et comportements. Les plateformes Internet de location d’appartements pour touristes à l’instar d’Airbnb et consorts ont fait une irruption tonitruante et bouleversé les codes du marché. Créée en juillet 2015, l’association des Acteurs de l’hébergement et du tourisme professionnels (AhTop), qui revendique 30 000 adhérents – surtout parmi les hôteliers et les agents de voyage -, dénonce une concurrence déloyale. Un épisode qui n’est pas sans rappeler les dérives constatées par certaines chambres d’hôtes, dont l’activité s’est fortement développée depuis leur apparition dans les années 70. En cause, les chambres d’hôtes « sauvages » – c’est-à-dire non déclarées – ou le non-paiement de la TVA et des taxes de séjour, et ce malgré les tentatives d’encadrement réglementaire comme avec la loi ALUR.
Et il n’y a pas de raison que les « petits propriétaires » reconvertis en hôte d’un jour se montrent exemplaires alors que les « gros poissons » ne le sont pas toujours. Si Abritel paye des impôts sur son activité en France, ce n’est pas le cas d’Airbnb France (25 employés, 150 millions d’euros de commissions) qui ne s’acquitte que de 89 000 euros d’impôts grâce à un montage fiscal, certes légal mais pas forcément très fair-play : une filiale à Londres et des sous-filiales aux Pays-Bas et en Irlande permettent à l’entreprise de délocaliser les bénéfices réalisés en France. Un jeu sulfureux auquel s’adonnent également certains acteurs français : il a déjà coûté cher à Smartbox, spécialiste du coffret cadeau, qui a décentralisé sa maison-mère en Irlande, bien connue pour ses largesses fiscales. L’entreprise française, en effet, s’est faite épingler pour évasion fiscale par les services fiscaux transalpins qui l’accusent d’avoir utilisé son adresse irlandaise pour soustraire plus de 100 millions de revenus et quelques 12 millions de TVA. En France, pour autant, Smartbox n’a pas reçu de remontrances de Bercy, mais la manœuvre a d’ores et déjà entraîné la suppression de nombreux emplois, alors même que l’entreprise met en avant sa success story « à la française » et se targue de faire les beaux jours du tourisme tricolore.
Des affaires de fraude fiscale qui s’ajoutent à un climat plutôt suspicieux sur le marché. Déjà, le scandale des faux avis sur Tripadvisor avait entamé la confiance des Français dans les acteurs du tourisme. Or l’enjeu est de taille à l’heure où 70% des consommateurs font confiance aux recommandations en ligne selon un sondage de la firme Nielson Global Online, réalisé auprès de 25 000 internautes dans 50 pays. Aussi, le manque de transparence participe clairement de la crise du secteur touristique. Comme dans les autres secteurs d’activité, des pratiques douteuses mettent en péril, à plus ou moins long terme, la viabilité du marché et ce, d’un bout à l’autre de la filière. Certains acteurs s’accommodent d’une situation peu orthodoxe et ferment parfois les yeux en espérant que la machine continue de fonctionner, tant bien que mal, en attendant la prochaine crise.
Que faire face à la crise des acteurs du tourisme ?
Les acteurs semblent néanmoins avoir pris conscience de la situation. Il s’agit ni plus ni moins de bâtir un cadre à une nouvelle gouvernance, adaptée à notre société qui se transforme à grand pas. Pour Grégoire Champetier, directeur général marketing du groupe Accor, les acteurs ont « un devoir de performance et de transparence » : le groupe a été pionnier s’agissant du « look-to-book » qui permet de faire remonter les avis (positifs et négatifs) directement sur les sites de ses hôtels et ainsi permettre aux clients de faire leur choix de manière éclairée.
Sur le terrain de la transparence des prix, les professionnels, les compagnies aériennes en tête, redoublent également d’efforts. Il s’agissait de lutter contre les « frais cachés » qui plombaient le plus souvent la facture des internautes ou contre les écarts de tarifs entre le même billet d’avion. En ce sens, le projet de loi « Vers une République numérique » propose une meilleure vérification et la mise en place de nouvelles règles « loyales, claires et transparentes ».
En outre, le GNI, l’organisation Professionnelle indépendante au service des hôtels, cafés, restaurants, traiteurs organisateurs de réception et établissements de nuit indépendants et patrimoniaux s’est félicitée en juin dernier de la décision de la Commission mixte paritaire chargée de ce projet de loi. Cette dernière a entériné la procédure d’enregistrement du loueur de meublés et l’obligation des plateformes de faire respecter la durée légale de location par leur intermédiaire. « C’est assurément une victoire pour la transparence et la loyauté de l’économie numérique », s’est félicité Didier Chenet, Président du GNI. « C’est une victoire pour les consommateurs qui sauront désormais à qui ils louent. Enfin, c’est une victoire pour l’économie du tourisme puisque les différentes offres d’hébergement touristique marchand pourront cohabiter harmonieusement ! », a-t-il ajouté.
Une dynamique vertueuse qui permettrait également de rebooster la confiance des professionnels comme des touristes. Autre rendez-vous attendu des professionnels, celui promis par Jean-Marc Ayrault, le ministre des Affaires étrangères et du Tourisme, qui est censé réunir en septembre un nouveau comité d’urgence économique. En jeu : trouver des mesures concrètes afin d’aider un secteur qui ne pourra attendre les prochaines vacances afin de retrouver le sourire.
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