Un matin, l’alerte sonna de nouveau. C’était huit jours avant la bombe atomique à Nagasaki. .. Nous avons entendu exploser les bombes. Après quelques jours, j’appris qu’une bombe avait été lâchée sur Hiroshima. Ce n’était pas un engin incendiaire, mais quelque chose de totalement différent. Une seule bombe avait suffi à transformer la ville en un océan de flammes !
Des cadavres avaient flotté dans une rivière. Des gens encore vivants s’y étaient jetés pour échapper à la chaleur. D’autres, les yeux et les os saillants, avaient couru partout dans la rue en cherchant de l’eau. C’avait été comme une étable bloquée où les animaux tentaient de fuir l’incendie, mais en vain.
Celui qui décrivait ce carnage était un voisin qui était revenu de Kobe en passant par la ville de Hiroshima. Il en parlait à voix basse et tremblait d’épouvante. Mon père lui dit : “La guerre est finie. Nous avons de la chance de ne pas mourir.”
… A Nagasaki, depuis le dernier bombardement, on voyait des avions ennemis passer au-dessus de nous. On commençait à évacuer des personnes âgées et des enfants de la ville. Pourtant, personne ne pouvait prévoir que notre ville serait la prochaine victime d’une autre bombe atomique…
…Le jour où la bombe atomique tomba sur Nagasaki, je me levais à cinq heures…
…C’était peut-être vers midi. Je n’avais pas de montre avec moi. Dans une rue d’un petit village, j’entendis quelqu’un derrière moi crier : “Regardez ! Là-bas !”
…On pointait du doigt vers le sud. C’était un énorme nuage en forme de champignon dans le ciel ! ” Quoi ? “
Personne ne savait ce que c’était exactement. Après quelque temps, on se dit que cela devait être une nouvelle bombe larguée par les Américains sur la ville de Nagasaki…
…J’arrivai dans la vallée tôt le soir. Et ce que je vis n’était que carnage. La vallée était couverte de gens gémissant et criant : “De l’eau ! ” Des enfants hurlaient partout : “Maman ! Maman !” Je trouvais des visages déformés, des corps brûlés ou déjà morts
sur la terre. Dans la rivière, des cadavres flottaient en passant devant moi.
La vallée de la mort. Elle était pleine d’odeurs mauvaises. Je vomissais constamment…
…Je regardai dans le ciel gris. Je me demandai “Les Américains ont-ils aussi tué leurs camarades ? Connaissaient-ils l’existence de la prison ? “
L’image des visages innocents des prisonniers restait encore dans ma tête.
…Le 15 août, après ces deux bombes atomiques, l’Empereur Hirohito déclara la défaite du Japon à la radio…
Aki Shimazaki, in “Tsubaki”
Le poids des secrets/1 Editions Babel
Cette lecture relativement récente m’avait bouleversée, ces extraits sont ma manière à moi de dire plus jamais ça.
Comment ne pas éprouver un profond malaise en revoyant les images de cette nuit du 6 août 1945, les sourires de l’équipage du bombardier au moment d’embarquer pour aller larguer « La bombe »
Héros pathétiques, ils ne savaient pas qu’ils avaient l’horreur en soute.
Photo prise à 8h58 par un membre de l’équipage de l’Enola Gay
altitude du nuage ~12 000 m (source US Army)
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