Comment vivre ou plutôt survivre lorsque chaque jour vous êtes tiraillé par des annonces contradictoires ? : « Demain sera pire » (ministre de l’agriculture), « non le pire est passé » (Colonel Nakjoo) « Aujourd’hui, je vais vous dire la vérité (Yingluck). Mais le bouquet revient au ministre de la justice (et directeur du FROC : Flood Relief Operation Command) « J’ai un plan pour sauver Bangkok des inondations mais je ne suis pas libre de le divulguer, un plan secret dont nous ne pouvons relever la teneur ni les détails de crainte de créer le chaos. Il faut attendre le moment venu » Une autre médaille pourrait être remise au ministre de la technologie et expert en environnement « Barrez-vous, sauvez vos vies, courez à l’aéroport Don Meuang, le gouvernement ne peut dire combien d’heures il vous reste ».
« Avec la pression de l’eau de plus en plus forte aux portes de Bangkok et la Chao Phraya qui déborde, les différentes fractions du chaotique FROC sont en charge, mais en fait elles ne sont responsables de rien ». (Bangkok Post)
La bataille en fait se livre au top niveau, entre le gouverneur de Bangkok, Sukhumbhand, et Yingluck la Premier Ministre (ils sont face à face en photo sur la première page du « Bangkok Post ») « minables leaders de groupes civils et d’ONG – qui brillent par leur absence dans ce manque de leadership. Seuls les officiels locaux et les citoyens ordinaires – comme toujours – répondent aux besoins de la communauté ».
Le campus de l’université Thamassat, sur Rangsit, a perdu sa bataille hier lorsque les courants ont brisé les digues. 3500 réfugiés vivent sur ce site. L’université réclame des bateaux et des provisions mais a choisi de ne pas déplacer les réfugiés passés au 2e étage. L’eau a atteint 30 centimètres et va monter jusqu’à 1 mètre. Un quart du campus est inondé, alors le gymnase sert d’abri. Le recteur fait tout pour que ces populations évacuées, qui ont tout perdu, se sentent comme des membres de leur communauté. Le centre est divisé en différentes zones, chacune d’elle a voté pour un coordinateur responsable du groupe et servant de lien avec la direction de l’université. Un bénévole dit : « le centre d’évacuation est géré comme une petite ville. Avec un centre d’appel pour coordonner les évacuations et les missions pour distribuer la nourriture aux communautés environnantes. Une aile a été consacrée aux soins avec du personnel de l’université elle-même et du personnel des hôpitaux de Udon Thani. Un poste de police maintient l’ordre et la sécurité. 40 policiers environ travaillent en équipe et patrouillent dans le périmètre. Il y a même un centre de massages. Le téléphone est gratuit, il y a aussi une pièce pour les prières (pour musulmans, moines et bouddhistes), un coin pour prendre soin des animaux (on voit beaucoup de chiens sur les photos), une petite librairie et un coiffeur ».
« Bien sûr ce n’est pas absolument parfait » avoue un résident. « Il y a des voleurs qui piquent les vêtements, mais l’université renforce la surveillance sur les allées-venues à l’entrée. Mais tout cela n’est rien comparé à la vie dans la rue ».
Le soir, chacun se rassemble pour évaluer les projets, raconter son histoire. D’autres gardent le silence. Les enfants jouent. « Bien que j’ai tout perdu » dit un évacué, je suis heureux de vivre ici » Un autre avoue : « J’appréhende de voir l’eau se retirer. Je ne peux imaginer ce que je vais découvrir en rentrant à la maison. Ce ne sera pas joli ! »
Une forme de démocratie (a l’echelle humaine) recréée au sein de l’université Thamassat (lorsqu’on connaît l’histoire récente de la Thaïlande, on sait le rôle joué par les étudiants de cette université lors des crises de 1973 et 1992). J’en parle également dans mon livre « THEATRE DOMBRES » Editions de la Fremillerie.
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