Florence 7 mai. J’avais bien écrit qu’il y aurait des va et vient dans ces posts rapprochés. Je reviens un instant au tout début de cette longue période de voyages successifs. Au plus loin que je me souvienne, Forli a été une aventure. Ancône en avion. Bologne et Forli par le train. Puis un nouveau parcours ferroviaire vers Florence, avant un décollage de retour par Pise vers Francfort Hahn. Mais avant de raconter Forli, je pensais passer un petit moment avec mes souvenirs à Florence. Journées d’Europe, Festival d’Europe. On célèbre en effet l’Europe quand on ne peut plus faire autrement que de proposer des gestes incantatoires.
Les documents tirés de mes voyages s’accumulent. Je les garde, voire même je les transporte dans mes déplacements successifs en vue d’en tirer quelque chose. Je n’en tire de fait que de la fatigue à les transporter ainsi. J’ai gardé les programmes, les prospectus.
Du 3 au 28 mai se déroulait le Festival International de la Scène contemporaine à la Stazione Leopolda de Florence. Le 7 mai, tandis que des groupes musicaux divers s’étaient installés ici et là, comme pour une journée de la musique de début de printemps, différentes troupes traversaient l’espace physique ou sonore de la ville. La Compania Laboratorio Pontedera rend hommage à Fernando Pessoa, un peu comme un passage obligé pour tous ceux, Portugais ou non, qui s’interrogent sur la personnalité qui se fabrique entre le texte et la légende et sur son passage physique dans la réalité urbaine.
Conçu à Lisbonne, le parcours des personnages à bicyclettes s’est étendu ici entre le Ponte Vecchio et la Stazione Leopolda. A l’arrêt devant la Loge de la Signoria, la foule formant cercle autour d’eux ; ils ne semblaient ni plus ni moins que des jongleurs dont les exploits malhabiles peuplent chaque jour une des plus fameuses places du monde. Se fondre dans la foule, faire file, tenir un rôle de guide…tout à la fois.
« Stamattina un altro ha indossato il mio abito, é uscito di casa e ha preso il moi posto nel mondo, la sono uscito dalla mia unica finesta, une finestra che da sull’inizio della stelle. » Pessoa sonne tout aussi bien en italien !
La Stazione Leopolda, j’en avais entendu parler. Elle me donnait un sentiment de déjà vu, par l’histoire dont elle était issue. Mais étrangement, je ne m’y étais jamais rendu. Au milieu du XIXe siècle, un Grand-Duc Lorrain installe la modernité en Toscane en bouleversant l’héritage des Médicis. Cette gare, qui témoigne des premiers trains vers Livourne, lui est dédiée. Sortant de sa vocation ferroviaire une première fois, elle abrite une exposition nationale du temps de Victor Emmanuel et fait découvrir les « Macchiaioli », ces peintres qui témoignent d’un renouveau pré Impressionniste. On approche de l’Unification.
« Fabbrica Europa » est un nom prédestiné pour ce début mai, non seulement pour une sorte d’événement pluridisciplinaire, mais pour un mélange de sculptures grinçantes, de cafés auréolés de rouge et de spectacles décalés. Le temps musical et dansé auquel j’assiste est un mélange qui se propose sous le titre « Dancing with the sound Hobbyist ».
Un groupe belge de musiciens et de chanteurs accompagnés d’un danseur chorégraphe qui a été désarticulé par Anne Teresa De Keersmaeker officient avec des temps de conviction un peu longs. Une sorte d’étrangeté un peu étalée qui expérimente une forme de variété inusitée, pour tout dire un peu vaine. Prédestination ou symbole d’une Europe désarticulée qui a besoin d’une usine pour se reconstruire dans l’improvisation…
Juste en face de la station, des spaghettis aux moules, ou plutôt des moules aux spaghettis, m’ont fait apprécier une sorte de restaurant de barrière, comme on dirait à Paris, populaire et familial.
Je n’en suis pas encore revenu.