Vous
imaginez sans doute que j’évoque le cas de Florence Cassez ? Eh bien non,
et pourtant… elle sera probablement là, en filigrane tout au long de ces
lignes.
Celle dont
je vais évoquer l’histoire s’appelait Béatrice Saubin. Une petite jeune-fille
qui rêvait de voyages, et surtout d’une vie hors du commun. « J’ai toujours aimé les chemins de traverse, au-delà
des conventions, l’abolition des tabous » écrira t-elle plus tard dans
son premier livre « L’épreuve » paru chez Robert Laffont.
Jolie, elle
plaît aux hommes, quitte une vie
ennuyeuse auprès d’une grand-mère dans l’Aube et, sans aucun diplôme, « gagne
de l’argent en Arabie Saoudite. A satisfaire les caprices des enfants d’un émir
saoudien adipeux ». Avec un petit pactole en poche, elle oublie le job de caissière de
supermarché que sa grand-mère avec qui elle vivait, envisageait pour elle et s’envole
vers l’Asie. « Mon homme c’est l’Asie »
écrira-t-elle plus tard.
Elle tombe
tout d’abord amoureuse de Tom, un beau thaïlandais qui lui promet… la lune !
Puis passe dans les bras d’un séduisant
chinois-malais, Eddy. Nuits torrides à l’hôtel Eastern & Oriental de Penang.
A l’époque elle ne connaissait sûrement pas Somerset Maugham ou Joseph Conrad
qui avaient séjourné dans les murs de ce célèbre hôtel colonial dont la pelouse
était amoureusement caressée par les vagues de la mer du détroit de Malacca…
Peut-être même loge-t-elle dans la suite « écrivain » et prend-t-elle
ses repas dans le fameux restaurant « The 1885 » avec des robes
fluides achetées par son petit-ami amoureux… ? J’y étais, sensiblement à
la même époque pour y retrouver un séduisant chinois du nom de Pho, moi aussi
mes amours étaient et sont toujours l’Asie. « Nous nous sommes peut-être
croisées alors » je dirai à Beatrice Saubin beaucoup plus tard à l’occasion
d’un cocktail parisien où elle brillait en compagnie de son chaperon Maître
Lombard chez qui je dinais souvent.
Au moment
de se séparer – tous les voyages ont une fin – Eddy promet à Béatrice de la
rejoindre en France et même de l’épouser. En attendant, comme elle n’a qu’un
vieux sac un peu minable, il lui achète une superbe valise Samsonite verte !
La suite sera racontée en long et en large par une presse insatiable d’histoires
où se mêlent compassion et aventures, pour des lecteurs avides d’exotisme cheap :
L’arrestation à l’aéroport de Penang où Béatrice s’apprête à embarquer via
Singapour pour l’Europe. La valise à
double fond qui contient un demi-kilo d’héroïne. Béatrice incarcérée
dans une prison malaise. Condamnation à mort. Puis à perpétuité.
Plus jamais
entendu parler du petit ami chinois. A-t-il seulement existé ? S’est-il
froidement servi d’elle ? A-t-elle été vendue pour détourner l’attention
des douaniers sur un plus gros trafic sur cette même ligne Penang-Zurich ?
Exactement
à la même époque, à Bangkok, je m’apprête à embarquer sur un vol Sabéna vers
Brussels via Amman en Jordanie… les
plaisirs des vols charters ! Un homme vient vers moi, un asiatique. On n’est
pas tout à fait sûr d’embarquer car une tempête de neige rend l’aéroport d’Amman
impraticable. On pèse mon bagage. Bien en dessous du poids autorisé. L’homme me
dit qu’il est en surpoids et que je lui rendrais service en me chargeant d’un
paquet. N’a pas envie de payer le supplément. Entre temps je viens de faire
connaissance avec deux jeunes banlieusards français, de retour du Japon envoyés
par leur club pour être initiés aux arts martiaux au pays des samouraïs. On
sympathise. Ils sont éblouis par l’Asie. Je fais figure d’habituée, c’est mon
troisième voyage en Thaïlande. Au moment où je suis prête à accepter le paquet
de l’inconnu, on annonce que l’embarquement est remis au jour suivant. Tous les
passagers seront logés dans un hôtel 4 étoiles de béton aux abords de l’aéroport
Dom Meuang. Les deux français ne me quittent pas. Ne comprennent pas un mot d’anglais.
On partage la même chambre, car on « fourre » tout le monde vaille
que vaille dans cet hôtel de semi luxe. Oublié le voyageur et son bagage en
surpoids.
Le
lendemain, on embarque enfin pour Amman sous la neige, flanquée de mes deux gardes
du corps. Dans la capitale jordanienne, dans l’attente d’une correspondance
pour Brussels, on fait à nouveau chambre obligée à trois. Et on passe toute la
nuit à se raconter des histoires merveilleuses d’Asie. Eux, du Japon. Moi, de Sumatra,
du lac Toba, de l’exotique Malaisie, de Penang la perle de l’Orient et enfin de
Thaïlande.
On se
quitte à Brussels où je prends un train pour Lille où j’habite à l’époque, eux
un vol vers Paris. C’est l’hiver, je me souviens encore de la longue jupe de hippie
de couleur rouge que je portais ce jour-là. Arrivée à la gare de Lille, je pose
le pied sur le quai avec ma valise, aussitôt interceptée par deux policiers en
civil et berger allemand. M’entraînent manu militari vers un bureau au fond du
quai. Quelqu’un m’attendait qui, affolé, demande à l’insupportable voyageuse
que j’étais et suis toujours. « Qu’est-ce que tu as encore fait ? »
Rien ! Rien du tout… et puis le doute me prend tandis que le berger
allemand renifle mon bagage et que les policiers en civil ouvrent ma valise.
Ils ne
trouveront rien. J’avais moi aussi une Samsonite. Rouge ou blanche, je ne me souviens
plus. Une valise qui, par chance, fermait à clé.
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