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Shillin : Au-delà de la forêt de pierre EN CHINE

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Au-delà de l’orient… l’occident ( l’inverse marche aussi) Sur la route Kunming-Luoping, le car s’arrête au niveau de Shillin et de ses fameuses forêts de pierres mentionnées sur tous les guides touristiques. Si j’ai omis volontairement cette étape, je me souviendrai en revanche de son arrêt toilettes.

AU-DELÀ DE L’ORIENT… L’OCCIDENT

Quand je raconte autour de moi la configuration de ces toilettes publiques en Chine, personne ne me croit et on a bien raison, car il n’existe rien de tel, même dans les villages des ethnies les plus reculées de la frontière birmane. Et ce que je raconte est loin de la réalité. Mais il y a des limites à la décence, alors, ce n’est pas « courage, fuyons » !  après le premier coup d’œil dans l’endroit ouvert à tous les regards –  pas de porte et je suis la « diable blanche » – mais « courage, assumons ». Sans plus de commentaires (ni photo, désolée).

La ville, sombre et triste, émerge du brouillard à 13 H.30 de l’après-midi. L’arrivée dans cette gare   baignant dans une boue grasse, gluante, me décourage au point de regretter d’avoir fait tout ce chemin. Je suis plantée dans la gadoue, avec mon sac,  terrorisée à l’idée de me casser la figure et pas un taxi à l’horizon. Je dois avoir l’air désespéré car une jeune femme – elle me dit venir de Shanghai – vient à mon secours et me demande ce qu’elle peut faire pour moi.  Bénie soit la gentillesse naturelle de tous les Chinois rencontrés sur mon chemin. « Un taxi, je veux juste un taxi pour aller à l’hôtel dont l’employée du Camellia a eu la bonne idée de transcrire le nom en caractères chinois sur un petit papier que je sers précieusement contre moi ». La Chinoise fait signe à son mari d’appeler une voiture, tandis qu’elle me demande, visiblement concernée par ma tenue légère : « Vous n’avez rien de plus chaud ? »  La question me glace, pourtant j’ai déjà très froid. Ben non !  Mon blouson sport blanc, cent pour cent polyester, « made in China », et acheté à Kunming, c’est ce que j’ai de plus chaud.  Je serre les dents. Je ne vais pas me laisser démoraliser par le froid. Et surtout pas question de me demander « ce que je fais là ». J’y suis. Je remercie chaleureusement ma jolie chinoise emmitouflée dans une parka fourrée et les pieds au chaud dans de grosses chaussures de marche. En route pour l’hôtel.

Cet hôtel restera sans nom… et pour cause. A la réception, on me dévisage et ça discute. J’ai une chambre ou pas ? Conciliabules entre les deux filles dont les formes disparaissent sous trois pulls et deux cardigans. Je commence à m’énerver. Je sais, elles n’ont pas mérité ça. Mais je suis prise d’une terrible envie de repartir, de rentrer sur Kunming, quitte à aller patauger à nouveau dans la boue de cette horrible gare de bus.  « Room, yes or no » ? Même ça, elles ne comprennent pas. Pas leur faute. Elles sont au bord de la panique. Elles sont bien intentionnées à mon égard et se concentrent très fort pour tenter de faire correspondre mon anglais à leurs connaissances scolaires. Enfin le ciel s’éclaire.

Un homme d’une vingtaine d’années déboule à la réception, me tend un papier et ordonne : « Write ». Je commence à avoir l’habitude de ce ton péremptoire propre aux chinois qui ne maîtrisent pas l’anglais, mais je suis quand même un peu perplexe. Si on ne me comprend pas lorsque je parle, pourquoi saurait-on me lire ?  L’expérience vaut pourtant d’être tentée. J’écris : “I want taxi. How much ?” Et ça marche ! Le garçon à l’œil malin, lit mon anglais et s’enhardit même à prononcer quelques mots. « Passport ». Ouf !

Plus tard, mis en confiance, et ayant remis en marche son cerveau côté mémoire, il articule un anglais presque correct, un peu chuinté, mais parfaitement accessible à mon oreille habituée à tous les accents anglais de la planète. Il travaille pour le gouvernement et sa sœur est la gérante de l’hôtel. C’est aussi, me précise t’il, la première fois qu’ils reçoivent une « étrangère » dans leur établissement…« Good luck » pour eux j’espère.

« Alors, le taxi pour visiter les terrasses de « rape-seed » en plein floraison ?»  En chœur, la « bande des quatre » articule : « pou iao » « faut pas – on doit pas » ou quelque chose du même genre. « Ouèï chém me» ? « Pourquoi ? »  J’articule avec un rien d’agacement dans la voix.  Je n’ai pas fait tout ce chemin pour qu’on m’interdise l’objet de ma visite. Finalement, je saisis le sens de leur réponse. Elle est pleine de sollicitude. Et moi qui m’énervais déjà ! « Le brouillard recouvre toute la ville et les environs et se transforme en eau glacée sur les trottoirs brillants comme du gel. On ne voit rien.»  Tant pis, je veux quand même y aller, brouillard ou pas.  C’est bien une réponse d’occidentale ça. « Dans ce cas » décrète le gentil fonctionnaire « ma sœur et moi vous accompagnerons ».

Il fait huit degrés à l’extérieur. C’est affiché dans le hall de l’hôtel. Huit degrés que je suis prête à attaquer avec mes petits tee-shirts superposés et mes sandales. J’ai quand même une meilleure idée, sous mon jeans, j’enfile un pyjama genre Damart, acheté à Kunming, en prévision des nuits froides en montagne. Ainsi transformée en bibendum, on se met aussitôt en quête d’un taxi dans une rue quasi déserte, mais assez large pour recevoir une circulation de Champs Elysées un jour de 14 juillet. Une femme s’arrête et la discussion du prix commence. Je laisse faire.  Je sais que mes compagnons vont se battre pour le meilleur tarif. Enfin, 16O yuans (16 euros environ), semblent mettre tout le monde d’accord, moi compris. Et en avant pour les chutes d’eau des « neuf dragons » et les champs de colza sous un brouillard de « plat pays ».

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Moi, bibendum !

Le paysage doit être somptueux avec un rayon de soleil ou simplement un peu de lumière, mais non pas la moindre clarté qui me permettrait de faire de fabuleux clichés, au contraire,  c’est un barrage dense d’eau concentrée, de  flotte en milliards de particules de brouillard, une vapeur glacée qui étreint des centaines d’hectares de champs en fleurs d’où émergent d’étranges concrétions minérales, tels des terrils noirs… autre rappel du « plat pays ». On parvient très vite aux cascades du dragon, à une vingtaine de kilomètres de la ville. Mon compagnon me confirme qu’elles sont les plus belles de toute la Chine. Quant aux champs de colza en plaine ou étagés en terrasses sur la montagne « ils appartiennent au patrimoine du pays ».

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Comme les gens sont minuscules a cote de ces monstres d’eaux

Je les aurais bien admirées de loin ces cascades du dragon, là où elles se terminent en lac aux eaux tranquilles, alors qu’au loin, elles s’emballent et grondent comme un roulement de tonnerre. Mais non, je suis docilement mes guides vers les sommets embrumés : traversée périlleuse du lac sur des rochers glissants, et encore plus délicate lorsqu’on se croise sur des pitons qui émergent à peine de l’eau.

Mes compagnons m’aident de bon cœur, mais moi, je crains plus pour mes appareils photos que pour moi-même. Quoique… me casser une jambe ici et atterrir à l’hôpital de Luoping ! Je chasse tout de suite cette idée de mon esprit et continue mon escalade vers la sixième cascade, puis la neuvième, celle « des amoureux » me traduit mon compagnon. Eh bien, ils ont de la constance les amoureux chinois.

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Minorité Buyi vivant aux alentours de Luoping

« Voyageuse solitaire cherche restaurant …» Je me repose un moment sous la couette, avant – poussée par la faim – de tenter une sortie à la recherche de quelque chose à manger. Il fait toujours glacial. La ville émerge de la nuit, éclairée par les seuls néons clignotants des enseignes de restaurants, véritable halls de gare dans lesquels s’agglutinent des groupes de chinois qui bouffent à grand renfort  de rires et d’éclats de voix, sans jamais arrêter de faire  cliqueter leurs baguettes.  Impossible pour moi de rentrer – seule – dans une de ces salles gigantesques et de m’asseoir à l’une de ces tables prévue pour au moins douze personnes. De quoi aurais- je l’air ? Surtout que je grelotte en dépit de mon pyjama Damart chinois. Alors seule, et grelottante sous tant de regards, je ne m’en sens pas le courage.   Mais comment gérer ce contradictoire manque d’appétit et cette faim qui me tenaille ?

Si je ne mange rien, je ne vais pas dormir et j’aurais encore plus froid. La nourriture, quelle qu’elle soit, va sûrement me réconforter et me redonner un peu de moral. J’emprunte une rue un peu sombre et m’engouffre, après avoir fait appel à tout mon courage de voyageuse solitaire, dans une salle longue d’une centaine de mètres. Je suis aussitôt dévisagée, scrutée avec un étonnement silencieux. J’ai interrompu un instant le joyeux tapage d’un repas familial. Tous me contemplent, baguettes en l’air. Bon, j’assume une fois de plus. Pas le choix de toute façon. Je jette un œil du côté des cuisines. De gros raviolis cuits à la vapeur fument dans des paniers de bambou géants. La chance !  Au moins ça ne baigne pas dans l’huile.   Pour   dix yuan, (un Euro), on m’apporte une ration de « tjiao-ts’» fourrés au porc (je vérifie sur mon lexique), accompagnée d’un petit bol d’herbes piquantes qui tiennent plus de la pharmacopée que du piment.

Loin de faire la fine bouche, je trouve ça plutôt bon, mieux,  je me régale. Je m’enfile presque tout le panier. Mais j’ai toujours froid. Derrière un bar, sont alignés des bocaux aux couleurs plutôt inquiétantes.  Je ne serais pas étonnée d’y trouver des macérations de serpents, de la bile de reptile ou de la décoction de crapaud qu’affectionnent les chinois toujours en quête de trucs pour stimuler leur virilité. Plus loin, des bouteilles… sûrement de l’alcool. Je pointe un doigt vers un flacon à la couleur brunâtre, dont j’aimerais tant que ce soit une sorte de whisky local ou de cognac du pays. Un serveur me le tend en rigolant. Dix yuans, Un Euro. Bon, je l’ouvre. Pas de verre. Allez, au goulot ! Après tout, ils crachent tous par terre ou dans des seaux en plastique sous la table, je peux bien faire « mon australienne ».

Tout le monde me fixe : les serveuses, des petites souillons grelottantes elles aussi, mais en bottes fourrées, les mecs assis autour d’un brasero à même le sol, le patron à l’air sournois… tous ont les yeux rivés sur moi. Je parie que c’est un aphrodisiaque destiné aux mecs ce truc immonde et un peu fort, ou alors du vin de serpent ? J’ai le courage d’en boire deux goulées, et je quitte l’endroit, très digne, sous les regards en coulisse de TOUS les clients.

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Buyi et leurs ruches, les abeilles font du miel de colza (rape-seed)

« Ecole buissonnière avec Zhong le Mongol  »Retour vers Kunming, en faisant l’école buissonnière. Avec le bus, pas moyen de s’arrêter pour prendre des photos, j’opte donc pour le taxi. Ma conductrice d’hier, avec ses grosses joues rouges de poupée mandchoue est d’accord pour me conduire jusqu’à Kunming – 280 kilomètres – pour un prix très raisonnable. A 9 H.30 ce matin, elle vient me délivrer de cet hôtel glacial dont je ne retiendrai que l’accueil chaleureux. Très vite son mari nous rejoint et c’est lui qui prend le volant. C’est un grand gaillard bâti comme un chinois de Mongolie, avec des yeux très bridés, un visage plat et large et de grandes paluches qui agrippent le volant avec une belle énergie tranquille.

Le soleil daigne enfin une apparition timide et mon sympathique couple guette les paysages qu’ils m’offrent avec une grande fierté.  Nous roulons sur une route très large, divisée en son milieu par un parapet de béton. Nos arrêts sont fréquents et j’attrape quelques clichés intéressants, mais toujours du côté droit. J’ose à peine regarder de l’autre côté du garde-fou, consciente de l’impossibilité de traverser la route. Par une sorte d’instinct – alors que je n’ai rien demandé – mais alerté sans doute par mes regards de convoitise, « Zhong le Mongol », d’un seul coup, stoppe sa voiture sur le bas côté.

Rien de spécial à droite. En revanche, en face, dort un petit lac aux eaux couleur d’émeraude, enchâssé dans un écrin de montagnes où alternent, en escaliers, le jaune des fleurs, le vert de la végétation et le rouge brun de la terre. Je regarde incrédule mon chauffeur mongol que j’ai décidé d’appeler Zhong par référence à la traduction de ce mot qui signifie « milieu » ou « chinois ».  Ses yeux se plissent dans un sourire impénétrable.

Entre deux voitures, il traverse la route à grandes enjambées, et d’un bond, se retrouve debout sur le parapet de séparation.  Du regard il m’invite à le rejoindre. Passer entre les voitures, c’est culotté et un peu dangereux, mais je peux le faire. Escalader une rambarde de plus d’un mètre de haut, encombrée de mes appareils photos, c’est irréalisable. Mais ce mec est incroyable. Il me tend sa grosse paluche, je m’y agrippe et il me hisse jusqu’à lui sans effort. Je hurle comme une gamine, dans le vrombissement des voitures qui se croisent à toute vitesse des deux côtés de la route. Ca s’appelle : 1) braver un interdit, 2) défier les lois de la nature, car « Zhong le Mongol » m’a littéralement soulevée de terre. Il rit aussi. Sauter de l’autre côté est plus simple. Si je n’étais pas en Chine, je lui ferai bien une grosse bise à ce grand gaillard aux joues rondes si rouges, aux yeux si malicieusement plissés qu’ils disparaissent complètement. Je me contente de rire avec lui car il a pris goût à l’aventure. Un rire espiègle, joyeux, sous le soleil brusquement devenu complice.

« Complicité sans mot »Lorsque des personnes ne peuvent s’exprimer dans le même langage, on évoque « la barrière de la langue ». Ce que je ressens depuis que je voyage de très près – une voiture c’est étroit – avec différents chauffeurs, homme ou femme, c’est une très grande intimité. Intimité forcée, mais proche d’une complicité tacite.  Contraints au silence on est plus attentifs à l’autre. Les mots peuvent être barrière, ou écran. S’ils rassemblent, ils peuvent aussi éloigner, creuser une distance consciente ou involontaire entre deux personnes de culture ou d’origine différentes. Ici, le moindre souffle, la moindre toux discrète, le moindre soupir peut exprimer plus que des sons articulés.   Des signaux qui peuvent être pris pour de l’impatience, de la crainte ou de l’ennuie. Alors, j’essaye de transmettre de l’attention, du plaisir ou de la reconnaissance avec la plus grande économie de gestes, moi qui ai la réputation de parler avec les mains, comme une méridionale que je ne suis pas, expression qui m’a toujours beaucoup amusée, car le nord du pays où je suis née est bien au sud de l’Angleterre. Et puis me revient cette pensée d’un poète chinois dont j’ai oublié le nom, mais qui m’avait apporté un réel moment de jubilation à sa lecture :

« A l’est de l’est … c’est l’ouest ». Au-delà de l’orient… l’occident. » (Et vice-versa : au-delà de l’occident… l’orient)

*L’hôtel « Camélia » de Kunming est un « must » pour ceux qui voyagent sacs a dos ou pas, dans cette « cite de l’éternel printemps »

Michèle Jullian

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