Le mythe du couple dictatorial de Nicolae et Elena Ceasescu est en passe de se dissiper, plus de vingt ans après son exécution par balle, le 25 décembre 1989. Les ossements des deux époux qui, 24 ans durant, avaient dirigé d’une main de fer la Roumanie, ont été exhumés mercredi, d’un cimetière de Bucarest, afin de permettre des tests ADN vérifiant leur identité.
Nicolae et Elena Ceaucescu ; une exhumation qui reste un mystère
Les exhumations de Nicolae et Elena Ceasescu se sont faites à la demande du seul des trois enfants encore en vie du dictateur, ainsi que de son gendre. Ceux-ci en avaient obtenu l’autorisation par voie judiciaire. Les spéculations frisent les scénarios rocambolesques, comme quoi le couple Ceausescu serait toujours vivant ou bien qu’il ne serait pas enterré dans ce cimetière–là. Ces rumeurs sont apparues juste après l’exécution, nourries par le chaos administratif, justifié en partie par le tumulte révolutionnaire des derniers jours de 1989. Les époux Ceusescu avaient été chassés du pouvoir le 22 décembre 1989, après des manifestations de rue réprimées dans le sang à Timisoara, dans l’ouest, puis à Bucarest et dans d’autres grandes villes du pays.
Arrêtés et jugés au cours d’un procès sommaire dans une caserne de Târgoviste, à quelque 80 km de la capitale, ils allaient être condamnés à mort pour génocide et crimes contre le peuple roumain, ensuite exécutés. Leurs cadavres avaient été amenés à Bucarest quelques jours plus tard. « Une investigation qui arrive trop tard » titre le quotidien Romania Libera, qui note, je cite : «l’exhumation du couple Ceausescu n’aurait d’enjeu vraiment important que si elle venait à révéler des éléments nouveaux concernant les circonstances de leur mort ».
Le journal Adevarul, dans les pages duquel paraît la saga de la Révolution roumaine, estime que « le mystère avait entouré la liquidation des deux époux dès l’instant même où le tribunal avait rendu le verdict de peine capitale ». La Cour d’assises établie ad-hoc était formée de leaders militaires et civils du pouvoir installé au lendemain de la chute du régime communiste – Silviu Brucan, I on Iliescu, Gelu Voican Voiculescu et Victor Stanculescu. Dans un autre quotidien de la presse centrale, à savoir Evenimentul Zilei, Vladimir Tismaneanu – politologue américain d’origine roumaine et chef de la commission présidentielle chargée du rapport ayant fourni au chef de l’Etat Traian Basescu le bienfondé de sa plaidoirie fustigeant le régime communiste – reprend la thèse selon laquelle les événements de 1989 auraient été un tyrannicide commandité par une junte sois-disant révolutionnaire.
Le meurtre de Nicolae et Elena Ceausescu est ainsi devenu le liant censé légitimer le pouvoir émergeant, précise encore Vladimir Tismaneanu. Et lui d’ajouter qu’un procès authentique c’aurait été le procès de la dictature, ce à quoi les nouveaux dirigeants du pays ne pouvaient pas acquiescer. Enfin, le quotidien Gandul reprend les propos du général Dan Voinea, celui qui avait instruit le dossier du couple Ceausescu. Ce procureur militaire critique la connotation politique attribuée à l’exhumation, qu’il s’explique par la tentative de victimiser l’ancien dictateur et son épouse.
Stefan Stoica, trad. : Mariana Tudose