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Le Camino del Norte (Asturies – Galice) : sur les Chemins de Saint Jacques de Compostelle

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Sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, découvrez quelques étapes du Camino del Norte, chemin qui va de Gijòn, dans les Asturies, à Saint Jacques de Compostelle, en Galice.

Arrêt sur quelques images ramenées de deux semaines passées sur le Camino del Norte.

 

Pont roman Laxe 

 
Carte camino del norte

 

 

 

Première étape  Gijòn – Aviles

En Espagne les gîtes pèlerins s’appellent des albergues. Conformément à la tradition on y trouve le gîte, mais pas le couvert (enfin pas souvent). Celui d’Aviles est placé sous la responsabilité d’un alerte septuagénaire. En même temps qu’il tamponne mon credencial (passeport pèlerin indispensable pour avoir accès aux albergues de peregrinos), il m’apprend que, descendant d’un soldat belge déserteur des armées napoléoniennes qui a fait souche en Galice, il s’appelle Lacle. Nom rêvé pour un gardien des portes : en Espagnol, Lacle se prononce la clef.

Deuxième étape Aviles – El Pito

Même en pèlerinage, le diable se niche dans les détails. Hier, une chaussette mal tirée m’a valu une ampoule au petit orteil gauche. Aujourd’hui, pour une raison que je ne perdrai pas mon temps à expliquer c’est la région la plus charnue de mon individu qui se trouve désagréablement irritée. Résultat : j’ai un, très léger, aperçu de ce que pouvait être une pérégrination pénitentielle, quand certains pécheurs expiaient leurs fautes en portant, en guise de sous-vêtement, le très efficace instrument de torture qu’était le gilet de poil de chèvre, connu sous le nom de cilice.

Troisième étape El Pito – Ballota

Faute de merles, on mange des grives. En l’absence d’albergue on se va à l’hôtel. Sur présentation de son credencial, la casa Fernando offre au pèlerin de passage un rabais sur ses chambres. La porte de celle que j’occupe ferme mal. Pendant que je me livre à la passionnante (et très agréable) occupation qui consiste à délacer ses croquenots après une journée de marche, elle s’entrebâille toute seule au moment précis où un couple tente d’ouvrir celle qui donne sur la chambre voisine. Monsieur a la cinquantaine aisée et les tempes argentées. Madame, ou mademoiselle, est d’une couvée beaucoup plus récente. Pendant que ma porte s’ouvre de plus en plus largement, ils luttent, en vain, avec une serrure qui refuse de se laisser attendrir. Monsieur me jette un regard inquiet. Je lève des sourcils compatissants et, comme si de rien n’était, j’entreprends d’ôter ma chaussure de droite (celle de gauche prend l’air sur le rebord de la fenêtre ouverte pour la circonstance). C’est le moment où, la serrure ayant cessé de faire de la résistance, mes voisins temporaires s’engouffrent dans leur provisoire nid d’amour. Je ferme ma porte (à clé pour éviter les réouvertures intempestives) et je pose ma chaussure droite à côté de sa sœur. Nouveau tour de clé et je quitte ma chambre pour aller consommer, au rez de chaussée, le consistant, menu du jour. Des bruits, sans équivoque, entendus au passage, confirment que les Espagnols ne craignent pas d’exprimer hautement leurs émotions.

Quatrième étape Ballota – Luarca

Au milieu de l’étape, c’est à dire de nulle part, brille l’enseigne du bar restaurant hôtel « El Canero ». Quand il l’aperçoit le pèlerin déboucle les courroies de son sac à dos, essuie la sueur qui dégouline sur son mâle visage et révise mentalement la formule magique dont il espère qu’elle permettra l’apparition du bon gros sandwich qui calmera un appétit creusé par les dix-huit kilomètres précédents : Hay boccadillos ? ». Il n’est pas déçu. Le sympathique patron dépose devant lui une odorante et moelleuse tortilla coincée entre deux épaisses tranches de pain. Attablé à une table qu’un parasol offert par la bière San Miguel protège du soleil, il mastique avec application en guettant l’arrivée de possibles confrères. Justement en voilà trois. Une jeune femme, cheveux blonds, tee-shirt et pantalon gris, sandales de marche et sac conséquent. Derrière elle un homme, jeune lui aussi, mais brun. Son mari ou son compagnon. Il tire, à l’aide d’un harnais, une carriole d’où émerge, à côté du sac de couchage ficelé au sommet d’un second sac à dos, la tête souriante d’un momichon de deux ou trois ans qui rit aux anges.

Cinquième étape  Luarca – La Caridad

Petit conseil gratuit aux éventuels pèlerins. Suivez le guide d’accord, mais avec circonspection ! Le mien baptise indifféremment « hameau » des groupes de trois maisons et des localités de plusieurs milliers d’habitants comme, par exemple, le port de Luarca où, à la porte d’une église, un mendiant officiel ouvre la porte aux paroissiennes, toutes sur leur trente et un, venues assister à la messe du soir.

Sixième étape La Caridad – Ribadeo

J’arrive à l’albergue de pèlerins, bâtie au bord de la ria, un peu sur la gauche du pont autoroutier. Personne, sauf un Japonais. Nous faisons connaissance dans le sabir anglo-espagnol qui est la lingua franca du Chemin. Il s’appelle Oki, ce qui, dit-il, signifie Grand Arbre. Quant à son prénom, imprononçable par des gosiers français, sa traduction serait « Excellent Numéro Un ».

Septième étape Ribadeo – Lourenza

Fête votive dans la ville étape. C’est aujourd’hui le premier jour de manifestations qui vont en durer quatre. Au programme : messe solennelle, discours et, pour finir  « Pulperia » traduction pieuvre grillée pour tout le monde. Plusieurs centaines de tables sont dressées sous une immense rotonde. A l’entrée, dans un bac les mollusques attendent qu’on les découpe. Une équipe de solides gaillards s’occupe de faire chauffer les grills. D’autres empilent des bouteilles dans des bassines où flottent des blocs de glaces. Un orchestre teste la qualité des enceintes. Ce soir, le vin sera frais et l’ambiance chaude.

Huitième étape Lourenza – Gontàn (Abadin)

Le chemin passe devant l’église cathédrale de Mondoñedo. Dans la nef des peintures murales du XI° ou du XII° siècle. Celle de droite représente le massacre des Innocents. Les soldats d’Hérode portent cotes de maille et casques à nasal. Les femmes de Bethléem ont le visage noir et des coiffes qui masquent leurs cheveux. Quant aux Innocents, ils ont tous au moins la taille d’enfants de douze ans. Un de mes compagnons de rencontre proteste. Il s’indigne hautement qu’on ait osé représenter une scène de bataille entre Chrétiens et Maures dans une église. Constatant qu’il ne plaisante pas, je me garde de commenter.

Neuvième étape Gontàn (Abadin) – Vilalba

Le chemin emprunte une ancienne route qui franchit une rivière sur un très romantique pont du XVII° siècle. Des tables et des bancs de pierre permettent de contempler l’ensemble dans d’excellentes conditions de confort. Malheureusement la poubelle de l’endroit n’a pas été vidée depuis des semaines et les détritus s’amoncellent. L’harmonie du lieu en est gravement compromise. Deux pèlerines qui avaient projeté de se faire photographier avec les arches en arrière-plan y renoncent et prennent la pose sur le tablier du pont, beaucoup moins pittoresque mais net de toute ordure.

Dixième étape Vilalba – Miraz

Derniers kilomètres d’une étape qui en compte trente-cinq. J’ahane sur une petite route galicienne écrasée de soleil. Ma gourde est vide. Depuis une heure je n’ai pas trouvé trace d’une habitation. Au moment où je commence à désespérer, le salut apparaît sous la forme d’un modeste éventaire sur lequel une jeune-femme a étalé des babioles qu’une pancarte proclame produites par l’artisanat local. Le sien sans doute car ils se résument à une série de coquilles Saint Jacques peintes de diverses figurines, à des bracelets de cuir ornés d’une perle de fantaisie et à un fagot de bâtons de marche en bois d’eucalyptus. Cette aimable personne accepte volontiers de remplir ma gourde du pèlerin. Pendant qu’elle officie, je me rappelle que ce jour est celui de l’anniversaire de ma seconde petite-fille. Aussi quand elle me rend ma gourde remplie d’eau fraîche, je fais l’acquisition d’un bijou. Elle me garantit qu’il portera bonheur à « la chica ». Du coup les ultimes kilomètres sont moins pesants.

Onzième étape Miraz – Sobrado dos Monxes

L’albergue est installé dans les bâtiments d’une abbaye cistercienne bâtie au XVI° siècle. Elle est toujours occupée par une petite communauté d’une vingtaine de moine. Le frère portier est coréen. Il reçoit les pèlerins en leur débitant le règlement dans un anglais saccadé qu’il accompagne de gestes pour mieux se faire comprendre. L’abbatiale étant devenue beaucoup trop grande, les fils de Saint Bernard ont aménagé une chapelle dans l’ancien cloître. Ils y chantent leurs vêpres. L’écho en arrive jusqu’au dortoir où, peu à peu, s’impose le silence.

Douzième étape Sobrado dos Monxes – Arzua

Dans un bar, au bord du chemin, les pèlerins ont couvert les murs d’inscriptions diverses et parfois contradictoires. Assis dans un coin j’ai siroté mon chocolat, avalé un croissant à la mode espagnole, c’est à dire enrobé d’un glaçage sucré et un peu collant et depuis je rêvasse me demandant si et quand je vais repartir. Soudain mes yeux tombent sur trois mots écrits en lettres capitales « Lève toi et marche ! » Plus d’hésitations, je me lève, charge mon sac et part en claudicant (toujours cette saloperie d’ampoule au petit orteil gauche).

Treizième étape Arzua – Monte del Gozo

Un homme me dépasse. Il est petit trapu armé d’un gigantesque bâton sur lequel j’ai le temps d’apercevoir des gravures et des entailles dont il serait sûrement intéressant de connaître la signification. Mais la vitesse à laquelle avance son possesseur fait qu’il me faut renoncer à tout espoir de converser avec lui. Au passage il grommelle quelque chose qui doit être une salutation et il continue sa marche en avant. Derrière lui, un malheureux roquet dont la laisse est attachée au sac de son maître trottine comme il peut pour suivre le rythme infernal que celui-ci lui impose. Autour de son collier, le chien porte un bandana bleu sur lequel se détache l’épée rouge sang  de l’Ordre de Santiago.

Quatorzième étape Monte del Gozo – Santiago de Compostela

Les six kilomètres qui séparent le Mont de la Joie de Saint Jacques laissent au pèlerin, une fois accomplis les rites prescrits par la tradition, le temps de renouer avec l’actualité en lisant un journal à la terrasse d’un café. J’achète El Mundo. J’y apprends que la ville de Salamanque s’est décidée à restituer à Miguel de Unamuno le titre de Conseiller Municipal dont les franquistes l’avaient dépouillé en 1936, après qu’il eut dit toute l’horreur que lui inspirait le « Viva la muerte » hurlé dans son université par un général nationaliste. Je me dis que Franco étant mort depuis trente-cinq ans, c’est ce qui s’appelle prendre le temps de la réflexion.
Seconde information (qui n’a rien à voir). Un écrivain portugais raconte que, lorsqu’on exhuma Pessoa pour le transférer au panthéon des hommes de lettres lusitaniens, on s’aperçut que son corps était totalement intact. Il ne dit pas si cette découverte a déclenché l’ouverture du procès en béatification de l’auteur du Livre de l’intranquillité.

Retour au pays natal

Le petit train qui, parti le matin de Saint Jacques de Compostelle, trimballe chaque jour son lot de pèlerins jusqu’à Hendaye, prend son temps. Pour commencer il traverse les monts de Galice pour atteindre Orense où passe la voie de la Plata. Puis, par Ponferrada et Astorga, il s’en va à Leon d’où il oblique direction Palencia et Burgos en tutoyant le Camino Frances. De là, cap à l’Est-Nord-Est pour gagner Miranda del Ebro, Vitoria, San Sebastian et les Pyrénées. Quand il s’arrête à Irun, les passagers passent leurs vestes, vérifient leurs sacs à dos et tâtent la poche secrète où ils dissimulent leur carte bleue (la tarjeta). On a à peine le temps d’apercevoir les eaux noires de la Bidassoa et on est en France.  Le voyage est fini. Il fait nuit.

Chambolle

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