Envie de découvrir la littérature suisse? Et pourquoi pas à travers Cătălin Dorian Florescu, l’un des meilleurs écrivains d’origine roumaine, enfant de l’exil. Car Catalin Dorian Florescu est suisse et c’est dans son pays qu’il s’est fait connaître avec « Wunderzeit« , roman primé et reconnaître grâce à son troisième roman « Le Masseur aveugle ». Catalin Dorian Florescu a lancé à Bucarest son plus récent roman: «Zaïra».Portrait.
Cătălin Dorian Florescu s’est établi en Suisse en 1982. Diplômé de psychologie, il a travaillé au début, durant plusieurs années, en tant que psychothérapeute, auprès de toxicomanes. Peu de temps après, il a entamé une carrière littéraire qui a suscité un vif intérêt en Occident. Son premier roman, Wunderzeit, est très remarqué, étant distingué de prix importants: Pro Helvetia et Hermann Lenz, le prix du livre de langue allemande de la Fondation suisse Schiller; il est également désigné livre de l’année à Zurich.
« Zaïra », le dernier roman lancé par Cătălin Dorian Florescu en Roumanie, se trouve déjà depuis longtemps sur le marché international, où il est devenu un best-seller. Publié en 2008 aux Maisons d’édition allemandes Beck, ce roman s’est vendu jusqu’ici en 26 mille exemplaires. « Die Presse » l’a qualifié « d’histoire palpitante et captivante depuis la première jusqu’à la dernière phrase. » « Zaïra » est un roman imposant, palpitant et lourd de souvenirs » – notait « Die Welt ».
Un premier élément d’attraction pour le lecteur est le fait que « Zaïra » est un personnage réel. Zaïra Mantea vit actuellement à Timişoara, après 40 années d’exil américain, et elle a été une marionnettiste très appréciée en Roumanie dans les années ’60. Le roman de Cătălin Dorian Florescu nous propose un voyage fascinant entre l’Europe de l’Est et les Etats-Unis et l’histoire d’un amour impossible qui défie le temps. L’écrivain nous raconte comment il a découvert Zaira:
« Je l’ai rencontrée dans un café de Timişoara, il y a 4 ou 5 ans, un matin d’été et je me suis rendu compte, tout de suite, que c’était là une grande histoire… Une grande histoire, parce qu’elle est dramatique, dense, avec un germe de beauté et qui contient, d’une certaine façon, notre vie, à tous. Moi, je suis un « chasseur d’histoires », si vous voulez, mais pour « Zaïra » je dirais que c’est elle qui m’a appâté, car, durant les 3 journées passées à Timişoara, elle a su me tenir en haleine avec beaucoup de talent. A chaque fois elle me laissait entendre que la partie de l’histoire qu’elle devait me raconter durant notre prochaine rencontre allait être encore plus dramatique. Le livre n’est pourtant pas une transcription de sa vie. Un auteur a toujours sa propre vision des choses, il voit les moments passionnants, dramatiques et les met en valeur. J’ai voulu écrire un roman sur « Zaïra », mais j’ai su, dès le premier instant, que j’allais transformer son histoire ».
Dénicher des histoires et les raconter à sa façon est la grande passion de Cătălin Dorian Florescu. Pour lui, écrire ne se réduit pas au simple plaisir de raconter:
« J’ai tenté depuis toujours de m’humaniser à travers l’écriture, de me redéfinir. Un besoin que j’ai ressenti encore plus fort dans mon exil où j’ai couru le risque du dépaysement auquel s’est ajouté celui de perdre une langue, le roumain. Voici pourquoi j’ai voulu apprendre l’allemand pour pouvoir m’exprimer le plus vite possible. Ce fut d’ailleurs le langage qui m’a permis un retour à la vie. Une vie dramatique, compte tenu de l’exil, mains moins dramatique que celle de Zaira, par exemple. »
Zaira passe son enfance au sein d’une famille de grands propriétaires terriens de la Roumanie des années ’30. Mais la guerre, le fascisme et l’installation des communistes changent dramatiquement le destin de cette famille. Son plus grand amour tourne en échec. Pourtant, son esprit tenace la pousse à se frayer un nouveau chemin à l’étranger sans que cette nouvelle vie puisse la rendre heureuse. Arrivée à l’âge ultime, Zaira ose regagner son pays natal. Plusieurs histoires s’entremêlent pour tisser le fil de ce roman, mais toutes gravitent autour de la protagoniste, Zaira, dont le nom donne le titre d’un roman écrit dans la perspective de la femme. Une démarche courageuse qui, aux dires de l’auteur, repose principalement sur l’idée que « les ressemblances homme-femme sont beaucoup plus profondes que les différences. » Il s’agit, vous l’avez deviné, de l’amour, l’espoir, la peur de la solitude, la tristesse, la mélancolie, le courage ou le besoin de liberté.
Cătălin Dorian Florescu :
« Voici autant de choses en commun, même si les hommes assument différemment la tristesse, la peur ou le courage. Je me suis mis à écrire cette histoire animé par beaucoup d’optimisme. D’ailleurs, la vie m’a appris à agir en véritable combattant. Du coup, j’ai refusé de penser à tout ce qui risquait d’entraver ma démarche littéraire pour me concentrer uniquement sur la beauté du sujet et de ma voix. J’était content de pouvoir prêter ma voix à Zaira pour la faire parler en tant qu’enfant, mère et finalement vieille dame. Je me suis réjoui de m’attaquer à cette belle histoire, extrêmement attrayante, et j’ai décidé de me préoccuper moins de mon échec potentiel. A part l’optimisme, il faut, je crois, beaucoup de respect vis-à-vis des personnages. Il vous faut du respect et de la sympathie et je pense que Zaira, la vraie, a bien compris cet aspect. Pourtant, trop de respect risque de vous faire perdre la liberté de création. Car, pour avoir une vision littéraire sur un sujet, il vous faut aussi un peu d’impudeur. Ce n’est qu’ainsi que l’on arrive à comprendre l’histoire des autres, de Zaira, par exemple, pour y voir les dimensions existentielles».
Cătălin Dorian Florescu s’est déclaré heureux d’apprendre que ses lecteurs se sont laissé totalement emporter par l’histoire de Zaïra au point où ils ne pouvaient plus lâcher le bouquin des mains. A son tour, la critique a salué le roman. Dans une de ses éditions en ligne, le journal Der Spiegel notait : « Zaïra est un roman monumental. Florescu raconte libéré de toute forme d’insistance à charge symbolique. L’enjeu porte sur qui domine qui et Florescu ne cesse de forger des images expressives où, à travers les futilités, on entrevoit les choses qui comptent vraiment. »
Corina Sabău ; trad. : Ioana Stăncescu, Dominique