Quelques courts et moyens métrages, sponsorisés par le ministère de la culture, sortent ces jours-ci sur les écrans à Bangkok, à l’occasion de l’anniversaire du roi. (No comment, je n’ai pas envie de me retrouver en prison). Ils sont moins conformes à ceux produits chaque année à cette occasion – d’après la presse – Trois d’entre eux sortent du lot : « Phleeng chat thaï » traduit par « six to six » (6 à 6), l’heure à laquelle résonne dans le pays entier, l’hymne national. « Superstitions »… et enfin celui qui m’a le plus intéressé : « Sout sanam » (« terribly happy »), de la réalisatrice Pimpaka Towira.
Au lieu des approches prévisibles habituelles, ces cinéastes ont raconté des histoires qui n’ont aucun lien apparent avec la royauté. Il s’agit d’esquisses générales sur la vie et la pauvreté des villages thaïlandais. Des chroniques douces-amères…Une façon très oblique de rendre hommage au roi… tout particulièrement avec ce « Terriblement heureux ».
C’est l’histoire de Surin un garde frontière Isan stationné dans le sud profond. Après la peur des bombes, des fausses alertes et des patrouilles solitaires dans les plantations d’hévéas, Surin retourne enfin à son village en Isan pour découvrir que sa petite amie a déjà épousé un riche et vieux farang et vit maintenant dans une grande maison « en dur ». (Le rêve de tous les isans). Le chagrin prédomine dans ce film ou la cinéaste dépeint la vie d’un village Isan devenu un village de « beau-fils étrangers » (plus âgés que leurs beaux-parents).
Est-ce qu’une conscience thaïlandaise serait en train de naître chez les jeunes cinéastes ?
Les familles pauvres d’Isan accueillent les étrangers qui apportent la sécurité à des centaines de milliers de famille. Une belle maison, une belle voiture, une retraite assurée, cala vaut bien la peine d’envoyer sa fille ou ses filles « aller à la pêche » au mari étranger à Patong, Patpong ou Pattaya. Mais savez-vous ce que pense la middle-class montante de Bangkok et de Chiang Mai ? Il y a peu de chances pour qu’on vous réponde si vous posez directement la question. On est en Asie voyons ! Ici il faut décrypter les signes, lire l’invisible, décoder l’indicible, traduire les sourires et les mots sucrés, s’aventurer entre les lignes, pénétrer l’insondable. Il faut toujours tenir compte de cet objectif des sociétés asiatiques : le maintien du compromis, les relations sans confrontation. Et dans la culture thaïe on vous dira toujours ce que vous avez envie d’entendre. Mais silence et inaction sont parfois – souvent – plus parlants que les plus violents discours.
C’est une des raisons pour lesquelles j’aime (encore) l’Asie en général, la Thaïlande en particulier… parce que je n’ai pas encore tout décrypté. Les mystères, c’est ce qui fait le charme de l’Asie, mais derrière cet envoutement, cet ensorcellement, que de crimes, que de règlements de compte ! Si j’avais un conseil à donner aux farangs qui viennent vivre ici, je leur dirai : apprenez le thaï. Mais savez-vous ce que me disait mon amie Tee de Udon Thani ? « Les filles isan n’ont pas envie d’apprendre le thaï à leur mari, c’est trop compliqué et elles sont paresseuses, et surtout leur mari comprendrait toutes leurs conversations téléphoniques… avec ????? Et ça elles ne le souhaitent pas du tout ».
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