En vacances en Roumanie, sur la mer Noire, dans la région de Dobrudja, une visite de Constanta s’impose, en effet.Constanta est une ville ancienne qui témoigne de l’histoire de la Roumanie… Que visiter à Constanta? Le repère majeur de l’histoire tumultueuse de la ville-port de Constanta est son phare génois.
Cette ville m’émeut. Installée au bord de la Mer Noire, quatrième agglomération urbaine de Roumanie, Constanţa appartient à Ovide, où l’inverse sans doute. C’est l’empereur Constantin 1er qui la crée au 3ème siècle de notre ère, la nommant ainsi en hommage à sa sœur Constantia.
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Constanta, une patrimoine historique et architectural majeur en Dobrudja
Pour la plupart des touristes, Constanţa est avant tout synonyme de détente au bord de la mer Noire. La plage, le bord de mer, le Delphinarium et le Casino sont ses principales attractions. Constanţa est la ville la plus ancienne de Roumanie. Sa première attestation documentaire remonte à 657 avant J.C., lorsqu’on y trouvait une colonie grecque appelée Tomis. Conquise par les Romains, cette ville – port à la Mer Noire allait être baptisée Constantiana, d’après le nom de la sœur aînée de l’empereur Constantin le Grand. L’histoire ultérieure de Constanţa reflète les transformations et les avatars des principautés roumaines au fil des siècles. En témoignent différents vestiges et bâtiments répandus un peu partout à travers la ville, tels le phare situé actuellement sur la falaise, derrière le buste du poète national des Roumains, Mihai Eminescu.
Le Phare génois de Constanta ; un repère historique majeur
Connue sous le nom de Phare Génois, cette construction n’a toutefois rien à voir avec le port de Gênes. Et cela malgré le fait qu’au 13e siècle, la Mer Noire ait été dominée par les commerçants génois qui ont contribué à l’essor de la ville de Constanţa.
L’histoire de ce phare commence au début du 19e siècle, lorsque la ville se trouvait sous occupation ottomane. Pour plus de détails, nous nous sommes adressés à l’ingénieur Petre Covacef, auteur du livre «L’histoire du phare génois». Il commence par passer en revue les décisions de l’administration turque de l’époque :
«En 1802, les Turcs construisent le phare de Sulina, que l’on peut admirer aujourd’hui encore. En 1822, ils bâtissent un deuxième phare à Constanţa, et un autre, en bois, dans la ville bulgare de Şabla. En 1828, Constanţa est occupée par les troupes russes, qui avaient entamé la guerre contre les Turcs. Une partie de cette guerre, de deux ans, se déroulera en Dobroudja aussi. Le conflit prend fin en 1829 par le traité d’ Adrianople. Mais, les troupes russes ayant amené une grande quantité d’armement à Constanţa, elles le déposent dans les lieux publics et les anciens silos à céréales, désaffectés. Il y avait aussi une énorme quantité de munition, notamment de la poudre pour les fusils. Le phare de Constanţa servira jusqu’en 1829, fonctionnant dans les conditions techniques de la première moitié du 19e siècle. Toma Radicevici était chargé de l’entretien du phare. Il recevait de la localité de Sulina des seaux remplis de paraffine, spécialement préparée pour être brûlée dans la coupole du phare».
Malheureusement, le premier phare de Constanţa est anéanti lors d’un incendie provoqué par la munition des Russes, incendie qui s’empare de la quasi totalité de la ville. Constanţa renaît en 1865, grâce à la voie ferrée la reliant à la localité de Cernavodă et construite pour exporter les céréales roumaines. C’est à ce moment que les autorités roumaines décident de refaire le phare. C’est la compagnie anglaise constructrice de la voie ferrée qui est choisie pour bâtir le nouveau phare de Constanţa. Repassons le micro à l’ingénieur Petre Covacef :
«Parmi les ouvriers, il y avait des bâtisseurs italiens emmenés de Constantinople, où l’on érigeait ces mosquées qui ne cessent de nous fasciner. C’étaient des tailleurs de pierre et des maçons originaires, probablement, de la région italienne de Gênes. Les Roumains les ont appelés «constructeurs génois». Tout le monde rendait visite aux Génois et s’intéressait à ce qu’ils faisaient. Qu’est-ce qu’ils faisaient ? Eh bien, un phare. Voilà pourquoi, cette construction dressée en l’espace d’une seule année et mise en service en octobre 1860, est connue, de nos jours, sous le nom de Phare Génois».
La lumière de ce phare haut de 21 mètres était visible depuis une distance de 10 à 24 km. Fonctionnel jusqu’en 1905, le Phare génois de Constanta demeure un repère important de l’histoire tumultueuse de cette ville-port roumaine.
Constanta ; un reflet de la diversité ethniques en Roumanie
On ne saurait pourtant oublier ses édifices emblématiques, témoignant de sa longue histoire et de la diversité ethnique de la zone. Le Musée d’art, par exemple, abrite une riche collection d’ouvres portant la signature de grands artistes plasticiens roumains. Il a été fondé en 1961, grâce à des collections de peintures et de sculpture reçues en don de la part des auteurs mêmes ou de la municipalité.
Le musée d’Art à Constanta ; une longue restauration
Classé monument historique, le bâtiment du Musée, qui s’étale sur trois étages, a été construit entre 1891 et 1893, selon les plans de l’architecte Ion Socolescu. Au début, il a servi de siège à l’Ecole roumaine de Constanţa. Les toiles et les sculptures exposées appartiennent à des artistes roumains célèbres tels Nicolae Grigorescu, Theodor Aman, Jean Steriadi, Ion Andreescu, Cornel Medrea, Dimitrie Paciurea, Ion Ţuculescu, Ion Jalea, Vida Gheza, Theodor Pallady, Corneliu Baba.
Le Musée d’art de Constanţa a récemment rouvert ses portes, au bout de plusieurs années de travaux de restauration. Détails avec Doina Păuleanu, directrice du musée : « Nous avons trié les ouvrages de chaque artiste, suivant des critères d’importance, de représentativité ou de cohérence. L’espace généreux nous a permis de consacrer une salle d’exposition à chaque grand artiste roumain de la période moderne. Le fait de renoncer à telle ou telle œuvre de l’exposition permanente a été perçu comme un véritable sacrifice. C’est alors qu’est née l’idée d’organiser une exposition temporaire, pour montrer qu’un grand musée abrite en fait beaucoup plus d’oeuvres qu’il n’en expose. Cette exposition temporaire, que nous avons baptisée « Le Musée des entrepôts » accueille bien des tableaux de Tonitza, Şirato, Dimitrescu, Pallady, Petraşcu et autres. Les visiteurs ont ainsi l’occasion de voir des toiles jamais ou peu exposées auparavant » .
La construction des locaux actuels du Musée d’art de Constanţa remonte à la fin du XIXe siècle, une époque où la région de Dobroudja avait connu un essor florissant. Après avoir longtemps appartenu à l’Empire ottoman, cette province avait rejoint le territoire de la Roumanie, au lendemain de la guerre d’indépendance de 1877 – 1878. Doina Păuleanu évoque les transformations que la région de Dobroudja a subies depuis lors : « La Dobroudja redevient terre roumaine après la guerre d’indépendance de 1878. Au début, les gens qui venaient du Royaume de Roumanie, même s’ils se sentaient exilés, souhaitaient laisser des traces de leur passage par là. Peu de monde sait que nous devons la construction de la falaise de Constanţa aux plans de Scarlat Vârnav, ingénieur originaire de la ville et directeur de l’Ecole nationale de Ponts et Chaussées de Bucarest et au courage d’Anghel Saligny de s’y investir, alors que les travaux au port de Constanta étaient déjà en cours. La Dobroudja est un endroit extraordinaire, un lieu de confluence, un espace multiethnique, témoin de la naissance ou du déclin des différents empires, du passage des peuples migrateurs en route vers Constantinople, capitale du monde à cette époque-là. »
Constanta, symbole de tolérance religieuse en Roumanie
Dans cette zone d’interférences religieuses et ethniques, la tolérance religieuse était cruciale. C’est pourquoi le roi Carol I avait créé les conditions nécessaires permettant de la maintenir, explique Doina Păuleanu, directrice du Musée d’art de Constanţa : « Ce n’est pas par hasard que les deux grands monuments d’art religieux érigés après l’union de la Dobroudja avec le Royaume de Roumanie ont été la Cathédrale des Saints Apôtres Pierre et Paul et la Mosquée royale. Cette dernière a été dressée avec des deniers publics sur l’emplacement d’une mosquée ancienne dont elle a repris une bonne partie du mobilier sacré. Si le roi Carol Ier avait eu l’initiative de la faire construire c’est justement pour prouver que la Roumanie élargie prêtait une attention toute particulière à la tolérance religieuse. D’ailleurs, tous les édifices de la ville, bâtis jusqu’en 1914, témoignent de l’intérêt pour la région de Dobroudja que manifestait le roi Carol Ier, lequel avait très bien saisi l’importance géopolitique de ce coin de la Roumanie. »
Pour mieux comprendre la culture et l’histoire de Constanţa, le touriste devrait compléter la visite du Musée d’art par une randonnée dans la vieille ville.
Le Delphinarium: à la rencontre des dauphins à Constanta
Situé dans l’enceinte du Musée de Sciences naturelles de Constanţa, le Delphinarium a fêté le 1er juin 2014 son 42e anniversaire.
Il n’est pas du tout étonnant que cette institution, considérée, dès sa création, comme la plus importante de ce genre en Europe du Sud-Est, ait été ouverte à l’occasion de la Journée de l’enfance. Car, au fil des années, ce sont les tout petits que les acrobaties des dauphins de Constanţa ont le plus réjouis. Plusieurs générations d’adultes ont fait, à leurs côtés, un retour à l’âge tendre.
Angela Curlişcă, qui se trouve à la tête d’un des départements du delphinarium, se souvient: « L’idée d’une telle institution est apparue longtemps avant sa création. Elle a été lancée par l’ingénieur Marcel Stanciu, à l’époque directeur de l’Institut de recherches marines de Constanţa. Il a pensé présenter au grand public ces beaux mammifères marins : les dauphins. Le delphinarium a ainsi été intégré au musée – au bénéfice des habitants de la ville, qui ont pu non seulement contempler ces animaux intelligents et beaux mais aussi voir les différentes expositions du musée. Il s’agit, entre autres, des dioramas si appréciés par nos visiteurs et de présentations, plus classiques, comme le squelette de la baleine exposé dans le musée. Nous avons même présenté récemment une exposition de cristaux de roche.
Le 1er juin 1972 était ouvert au public le grand bassin – en plein air à l’époque. Actuellement nous sommes en train de le couvrir. C’est toujours là qu’a a été présenté au public le premier dauphin. C’était un exemplaire de la plus petite espèce vivant dans la mer Noire. Il avait été baptisé Harley. Avant d’être amené au Delphinarium, on l’a entraîné dans un autre bassin. »
Au fil du temps, des dauphins appartenant à d’autres espèces ont rejoint Harley – notamment des dauphins communs, qui aiment jouer. Les visiteurs des premières années se rappellent certainement les groupes de 5 à 7 dauphins de petite taille. Ils émerveillaient pas leur joli coloris et leurs sauts magnifiques. Les grands dauphins, semblables aux exemplaires à admirer actuellement, ont commencé à arriver au Delphinarium de Constanţa il y a 25 ans. Le dauphin le plus connu et aimé s’appelait Mark. Il est mort il y a quelques années, à l’âge de 30 ans, dont 23 passés en captivité. Lui et ceux qui l’on précédé provenaient de la mer Noire. Aujourd’hui c’est différent.
Angela Curlişcă. « A présent, nous avons deux femelles d’un groupe arrivé il y a 4 ans de Pékin. Elles s’appellent Nini et Chen-Chen, elles ont 9 ans et elles sont nées en captivité. Le public les adore, car elles font de belles démonstrations. Leurs grands-parents étaient nés dans l’océan, tandis que leurs parents étaient, eux, nés en captivité. Quand nous avons entamé des démarches pour trouver des compagnons pour Mark, nous n’avons découvert nulle part des dauphins nés en captivité provenant de la mer Noire. Ou, pour être plus précis, la liste d’attente était trop longue et la législation internationale nous obligeait à faire venir des exemplaires nés en captivité.
Bien que faisant les délices des visiteurs grands et petits, les dauphins de Constanţa ne sont pas dressés et ne donnent pas de spectacles. Etant amenés au delphinarium dans des buts éducatifs et éventuellement pour la reproduction, ils sont présentés au public dans le cadre de démonstrations lors desquelles les visiteurs voient ce que le dauphin fait naturellement – par exemple les sauts. On apprend pourtant aux dauphins à apporter au public, au bord du bassin, ce qu’ils trouvent dans l’eau : tantôt un cercle, tantôt un ballon. Depuis plus de 40 ans, de nombreux touristes se rendent chaque été au Delphinarium de Constanţa. Pour certains, ces visites font partie des traditions estivales, d’autres franchissent son seuil pour la première fois.
Auteur : Christine Leşcu, trad. Valentina Beleavski
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